''NOTRE ALIMENTATION EST TROP GRASSE, TROP SALÉE ET TROP SUCRÉE''
DR. MATY DIAGNE CAMARA: NUTRITIONNISTE, CHEF DE LA DIVISION DE L’ALIMENTATION ET DE LA NUTRITION A LA DIRECTION DE LA SANTE DE LA REPRODUCTION ET DE LA SURVIE DE L’ENFANT
Au regard de sa composition et des pratiques culinaires qui entourent sa cuisson, l’alimentation des Sénégalais est tout sauf saine. Trop huileuse, trop sucrée ou trop salée, elle est à l’origine de nombreuses maladies comme les Avc et le diabète, et peut être la source de l’obésité et du surpoids. Dr Maty Diagne Camara, nutritionniste, par ailleurs chef de la division de l’alimentation et de la nutrition à la direction de la santé de la reproduction et de la survie de l’enfant, nous en parle un peu plus.
Docteur, les Sénégalais mangent-ils bien ?
C’est une question que l’on peut se poser. L’alimentation des Sénégalais pose effectivement problème à plusieurs niveaux, au regard de sa composition et des pratiques culinaires. Or, ces deux éléments peuvent entraîner des états nutritionnels préoccupants qui peuvent aboutir à des problèmes de santé publique.
La population doit être sensibilisée sur la composition des repas. Une alimentation équilibrée nécessite une consommation adéquate en glucide (mil, riz, mais...), lipide (huile, beurre...), protéines (viande, poissons, volaille...), vitamines, minéraux et eau. Et ce, en respectant les besoins énergétiques qui dépendent du sexe et des tranches d’âge.
Qu’est-ce qui fait défaut dans la composition de nos aliments ?
Notre alimentation est trop grasse, trop salée et trop sucrée. On note également une consommation quotidienne de riz, avec une utilisation excessive d’huile et de sel, ainsi qu’une vaste gamme de condiments. En plus de cela, il y a la consommation abusive des jus de fruits et de thé qui augmente la quantité de sucre dans l’organisme.
Pis, le Sénégalais n’a pas l’habitude de manger des légumes et des fruits locaux, pourtant à portée de prix. Toutes ces habitudes sont néfastes à la santé. Plus inquiétant, beaucoup de personnes ont une tendance sédentaire et ne pratiquent pas une activité physique régulière.
Quelles sont les pratiques culinaires néfastes remarquées au Sénégal ?
Par rapport à l’utilisation de l’huile, les femmes ont tendance à la chauffer jusqu’à ce qu’elle brûle, alors cela peut entraîner la formation des radicaux libres qui ont des effets cancérigènes sur l’organisme. Il est recommandé aussi de consommer beaucoup de fruits et légumes.
Mais, au Sénégal, la façon de cuisiner les légumes n’est pas des meilleurs. On les laisse cuire trop longtemps dans la marmite ; ce qui leur fait perdre toutes leurs valeurs nutritives au moment de la consommation.
Qu’entend-t-on par « mauvaise alimentation » ?
Une mauvaise alimentation, c’est une alimentation par défaut ou par excès. Les problèmes liés à l’alimentation par défaut entrainent les types de malnutrition par carence. Aujourd’hui, on parle de carences multifactorielles, parce qu’elles sont liées à l’insuffisance de plusieurs nutriments (carences en fer, vitamine A, en iode....).
Ce type de carence est plus fréquent chez les enfants de moins de 5 ans qui constituent la couche la plus vulnérable. Les femmes enceintes et allaitantes sont également exposées ; ce qui favorise le cycle inter- générationnel de la malnutrition. C'est- à-dire qu’une mère malnutrie pendant sa grossesse va donner naissance à un enfant de faible poids.
Si la prise en charge ne se fait pas correctement, il va grandir avec cette forme de malnutrition et, à son tour, donnera naissance à un enfant malnutri. L’autre forme de malnutrition est liée à l’excès d’apports alimentaires (glucides, lipides), le plus souvent très déséquilibrés.
Il s’agit de toutes les maladies chroniques d’origine alimentaire. Nous pouvons en citer le surpoids et l’obésité. A cela s’ajoutent les autres maladies chroniques comme le diabète, les maladies cardio-vasculaires et parfois certaines formes de cancer.
On dit souvent que les bouillons utilisés pour relever le goût des mets sont néfastes pour la santé. Qu’en est-il exactement ?
Ces exhausteurs de goût, comme leur nom l’indique, boostent la saveur des repas et augmentent en même temps l’appétit. Ces produits, pour la plupart, sont constitués d’ingrédients comme le sel iodé, le glutamate de sodium, l’ionate, le guanylate de sodium. En plus du sucre, des matières grasses et végétales, d’amidon de maïs, de colorants caramel, d’extraits de plantes aromatiques et d’émulsifiants.
A l’état actuel des connaissances scientifiques, le Gms est reconnu comme inoffensif dans les conditions de ses utilisations actuelles. Il est autorisé dans la liste positive des additifs alimentaires par la réglementation de l’Union européenne. Il fait partie de la liste des Gras (Généralement reconnus comme inoffensifs) de la Food and drug administration américaine.
Ce qui veut dire donc que rien ne permet d’interdire la production et la vente des bouillons culinaires. Cependant, cela ne veut en aucun cas dire que leur production ne doit pas être réglementée et contrôlée, à l’instar de toute production alimentaire.
L’amalgame qui fait penser que les bouillons causent des maladies chroniques s’explique par le fait qu’ils participent à augmenter l’apport en sodium chez les consommateurs. Et le rôle du sel dans la recrudescence des maladies cardio-vasculaires n’est plus à démontrer.
En plus des bouillons, il y a une quantité importante de sel qui est ajouté dans le repas. Des études scientifiques prouvent clairement les effets néfastes d'une consommation excessive de sel pour la santé, notamment sur la pression sanguine. Car entraînant des maladies cardiovasculaires, des accidents vasculaires cérébraux, des cancers de l'estomac, des calculs rénaux et le diabète.