NOUS SOMMES FACE A UNE PASSION BIEN SENEGALAISE
SEYDOU GUEYE EXPLIQUE LES RAISONS DU CHANGEMENT DE CAP DE OPÉRÉ PAR MACKY SALL
Le récent remaniement ministériel, marqué par l'avènement d'Aminata Touré à la Primature, a été bien réfléchi, à en croire le Secrétaire général du gouvernement. Selon Seydou Guèye, ce changement découle de la «propre évaluation» du Président Macky Sall «du rythme et de l'état d'avancement des projets et programmes», mais également de «l'écoute» de la société. Le porte-parole du parti présidentiel se prononce également sur d'autres questions d'actualité. Entretien
Vous avez été l’absent le plus présent, lors du dernier remaniement. Certaines rumeurs avaient même annoncé votre départ en tant que Secrétaire général du gouvernement. D'autres rumeurs avaient fait état de votre entrée dans le gouvernement. Qu’est-ce qui s’est réellement passé ?
Hormis le fait que j’étais hors du territoire national, il ne s’est rien passé de particulier. Monsieur le président de la République a jugé utile de me maintenir dans l’équipe et de me renouveler sa confiance au poste de Secrétaire général du gouvernement. Je l’en ai bien vivement remercié. Et après avoir félicité et formulé mes voeux de succès à Madame le Premier ministre Aminata Touré, je lui ai assuré de ma totale disponibilité, et j’ai repris mon travail, à mon retour de voyage. Les missions confiées au Secrétaire général du gouvernement sont essentielles dans le fonctionnement de notre Etat et de l’administration. Le travail y est tout aussi exigeant qu’exaltant. A chaque jour suffit sa peine. Pour l’heure, je suis préoccupé de mériter cette confiance et d’assister avec engagement et loyauté, le Premier ministre choisi par le président de la République, comme je l’ai fait sous Abdoul Mbaye, que je remercie au passage.
La mise en place d'un nouveau gouvernement a suscité beaucoup de commentaires. Est-ce un aveu d'échec de la part du régime ?
Là, nous sommes face à une passion bien sénégalaise. Le débat politique où tous nos concitoyens ont leur mot à dire, et le font librement, à chaque temps fort du cours politique. Vous aurez remarqué que dans votre première question, vous avez parlé de rumeurs, et là vous évoquez les commentaires, voilà deux catégories du débat public qui accompagnent toujours un remaniement ministériel. Mais, loin d’un aveu d’échec du régime, il s’agit d’une reconfiguration organisationnelle pour mieux mettre en oeuvre les orientations consignées dans le programme «Yoonu yokkute».
En procédant au remaniement, le Président assume totalement son rôle, et il est à sa place de sommet stratégique, qui fixe le cap, dessine les contours du cadre qui est dédié à la mise en oeuvre de la vision proposée aux Sénégalais et validée le 25 mars 2012. Dans un monde ouvert et communicationnel comme le nôtre, les organisations sont obligées de s’ajuster et de s’adapter pour tendre toujours vers plus de synergie, plus d’efficacité dans la réalisation de leurs objectifs stratégiques. Plutôt que de se contenter du satisfaisant, un gouvernement doit toujours viser l’optimum pour les populations. C’est cela la perspective du président de la République face aux urgences et impatiences de nos concitoyens.
Qu'est-ce qui a décidé le Président Macky Sall à revoir ses plans ?
Sa propre évaluation du rythme et de l’état d’avancement des projets et rogrammes, sans aucun doute, l’écoute de notre société, sûrement. Ne l’oublions pas, le remaniement ministériel est un attribut du président de la République. Mais, l’un dans l’autre, je crois pouvoir dire sans me tromper, sa détermination à faire toujours plus et mieux pour nos concitoyens, en engageant, sans préoccupation partisane, les dignes fils du pays autour de la réalisation du projet de modernité du Sénégal, en favorisant la mutualisation de leurs expériences et compétences, en vue d’un progrès social partagé, d’une citoyenneté active et d’un développement solidaire et durable.
Dès sa nomination, le Premier ministre Aminata Touré a promis d'accélérer la cadence. Concrètement, à quoi les Sénégalais peuvent-ils s'attendre avec ce nouveau gouvernement ?
Lorsque l’on parle d’accélération, cela suppose qu’il y a déjà une mise en route, en vue de la transformation économique et sociale du pays. Lors du Conseil des ministres de rentrée, le président de la République a fixé le cap pour le nouveau gouvernement et stabilisé les orientations autour du triptyque : relance économique, création d’emplois et progrès social pour tous. Il a surtout insisté sur l’obligation de rendre immédiatement opérationnels les outils et instruments conçus à cet effet tels que la Couverture maladie universelle (Cmu), le Fongip, le Fonsis et la Bnde.
Les Sénégalais doivent s’attendre, par conséquent, à un gouvernement qui réalise les engagements du chef de l’Etat par la création d’emplois et le renouveau productif dans des secteurs porteurs comme l’agriculture, les mines, les industries, l’énergie et les infrastructures, pour ne citer que ceux là. Ils peuvent également s’attendre à un gouvernement qui, dans un élan collectif, crée les conditions d’une mobilisation des citoyens, pour venir en appui de l’action de l’Etat. Ils peuvent s’attendre, enfin, à un mieux-être effectif qui arrive dans leurs foyers, en termes de transferts comme l’opérationnalisation des bourses de sécurité familiale, la prise en charge des soins de santé ou l’accès aux financements pour les porteurs de projets et l’ouverture d’opportunités pour un développement partagé et le tout dans le cadre d’une gouvernance sobre et vertueuse consolidée.
Les nominations de Me Sidiki Kaba et d'Abdoulaye Daouda Diallo ont engendré un concert de réprobation...
Nous sommes en démocratie, les opinions et les positions s’expriment librement. Pour ma part, et relativement au poste de ministre de l’Intérieur, aujourd’hui occupé par Abdoulaye Daouda Diallo, je n’ai jamais pensé en matière électorale, qu’un ministre de l’Intérieur neutre serait de plus grande vertu qu’un ministre de l’Intérieur engagé politiquement. En revanche, il faut toujours rappeler à ce dernier sa responsabilité de garantir le déroulement régulier et transparent du processus électoral et qu’il n’est pas là pour faire gagner son camp.
Mais, pour plus de transparence, les Assises nationales ont recommandé un ministre de l’Intérieur neutre...
La leçon que je tire, personnellement, de l’histoire des élections, est une leçon de bon sens. Le Ps a perdu le pouvoir, en 2000, avec un ministre de l’Intérieur neutre. Le Pds a perdu deux élections avec des ministres de l’Intérieur, membres éminents dudit parti. Les deux alternances réalisées dans notre pays sont arrivées avec le même homme, un haut serviteur de l’Etat à la tête de la direction générale des élections ou au ministère en charge des élections.
Pour ma part, je fais confiance aux citoyens qui ont montré qu’ils savaient assumer pleinement leur responsabilité en matière de vigilance, à la présence légalement organisée et assumée des partis politiques, tout au long du processus, à la neutralité de l’administration en permanente consolidation. Avec le niveau atteint par notre démocratie, la suspicion ne semble plus être un axe stratégique porteur dans le combat électoral.
Que dites-vous concernant la levée de boucliers consécutive à la nomination de Me Kaba ?
Très peu de choses, d’autant que le ministre de la Justice a parfaitement clos le débat, en rappelant que sa mission est de mettre en oeuvre l’option du Sénégal, réitérée par le Président Macky Sall, lors de la conférence de presse tenue conjointement avec le Président Barack Obama. Le Sénégal n’est pas prêt de légaliser l’homosexualité. Le débat sur l’homosexualité doit être clos et définitivement, et les procès en sorcellerie ne sont d’aucune utilité pour ce que le Garde des Sceaux doit faire pour élargir et renforcer les droits de la défense, moderniser la justice dans notre pays et consolider son indépendance.
Parlons maintenant de la traque des biens mal acquis. Une nouvelle mise en demeure vient d'être servie à Karim Wade. Quel commentaire en faites-vous ?
Nous l’avons dit et répété, il ne s’agit ni plus ni moins que de satisfaire à l’obligation de rendre compte et de recouvrer les biens appartenant au Sénégal et supposés avoir été distraits de façon illicite par des hommes et femmes qui étaient en position de servir. Voilà la perspective politique. Pour le reste, la justice est un domaine de notre vie publique structuré par sa propre logique et que nous devons tous veiller à respecter en commentant le moins possible les actes ou procédures d’investigations et d’instructions. Les droits de la défense sont garantis dans notre pays, et Monsieur Karim Wade, comme bien d’autres prévenus présumés innocents, ont commis des avocats chargés de défendre leurs intérêts. L’importance des sommes d’argent annoncées dans le cadre des mises en demeure justifie qu’on aille résolument au bout des procédures pour les recouvrer et les mettre au bénéfice des populations, si tant est qu’ils ont été acquis de façon illicite.
N'avez-vous pas des craintes par rapport aux alliances que pourrait nouer le «Rewmi» d'Idrissa Seck, avec d'autres forces de l'opposition, dans la perspective des prochaines joutes électorales ?
Non. Je n’ai aucune crainte, d’autant que nous sommes en démocratie, un système que se fonde sur la liberté des acteurs et leur mise en concurrence, mais surtout sur la décision souveraine des citoyens. La décision du parti «Rewmi» de choisir l’adversité et l’opposition à «Benno bokk yakaar» (Bby) contribue à la clarification du jeu politique et elle constitue une bonne chose pour la démocratie. Cela dit, les dynamiques, en œuvre dans notre camp, indiquent que beaucoup d’hommes et de femmes s’engagent au quotidien autour du président de la République pour prendre part à la réalisation de ses engagements, mais aussi et surtout pour conforter et élargir le rassemblement majoritaire autour du président de la République, en vue des prochaines échéances électorales.
Avec nos alliés, ceux de «Macky 2012» et de «Benno bokk yakaar», nous travaillons dans un esprit d’ouverture pour consolider et élargir la majorité autour du président de la République. La dernière rencontre entre la Ld et l’Afp va dans ce sens, et d’autres segments de notre espace public viennent quotidiennement renforcer notre camp. Pour moi, pas d’inquiétude à ce niveau.
Beaucoup d'observateurs de la scène politique estiment que les Locales vont sonner la fin de «Benno bokk yakaar». Vous en dites quoi ?
On a toujours enterré «Benno», mais au constat, il est toujours là, tel le sphinx qui renaît de ses cendres. «Benno», c’est d’abord un esprit partagé et une histoire commune. Quel que soit le déterminant qu’on lui accole - «Siggil Senegaal» ou «Bokk yakaar» - Benno est la seule Coalition dans notre pays qui capitalise une aussi forte expérience d’avoir accompli un cycle complet d’élections, des Locales 2009 aux Législatives de 2012.
C’est, donc, cet esprit, cette histoire commune, qui ont permis de toujours trouver des règles consensuelles adaptées, lorsqu’il s’est agi d’aller de conquérir le pouvoir local ou le pouvoir central, comme lors de la Présidentielle ou des élections législatives. En ayant l’intelligence des situations, nous trouverons toujours, par la concertation, les normes et les approches stratégiques adaptées au contexte, pour préserver ce cadre de partenariat et conforter son rôle historique.
Où en êtes-vous depuis que vous avez annoncé votre candidature à la mairie de la Médina ?
Je travaille tous les jours avec les camarades dans cette perspective, en allant à la rencontre de mes concitoyens de la Médina qui m’encouragent, m’apportent leur soutien et s’engagent de plus en plus à m’accompagner dans ce projet. C’est, donc, une ambition collective qui se met en place dans notre commune d’arrondissement et qui engage les habitants et ressortissants de la Médina, au-delà des militants de l’Apr et des frontières du parti. Ce sont, donc, des premiers signaux très encourageants qui me poussent à aller encore plus en avant, en attendant de leur soumettre le programme que nous avons pour la commune d’arrondissement, dans le cadre de cette nouvelle ère qui s’ouvre avec le centenaire de la Médina.