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AISSATA TALL SALL À PROPOS DE BENNO BOKK YAAKAR

Après plus de quatre années à la tête de la mairie de Podor, Me Aïssata Tall Sall dresse un bilan satisfaisant de sa gestion et entrevoit l’avenir avec sérénité. Elle n’exclut pas de briguer un deuxième mandat à la tête de la ville. Selon elle, la discussion avec l’Apr et tous les autres partis de la coalition « Benno Bokk Yakaar » sera privilégiée pour dessiner les contours d’un compagnonnage lors des élections locales de mars 2014.
Quel bilan tirez-vous de votre action à la tête de la mairie de Podor ?
« Nous pouvons être satisfaits de ce que nous avons fait à la tête de la mairie. Dans un premier geste, nous avons voulu restaurer l’édifice municipal, rendre aux Podorois leur fierté et leur faire comprendre que la gestion municipale est une gestion collégiale, d’abord avec le conseil municipal, ensuite avec les populations. Nous avons réalisé le stade qui est dédié au sport et à la jeunesse. Il y a aussi l’éclairage public que nous sommes en train d’étendre, de densifier et de réhabiliter. Un premier programme est partiellement exécuté et un second est en voie de l’être dans les prochaines semaines.
Nous avons aussi édifié un marché aux poissons pour aller vers la modernisation de notre espace de commerce. J’ai systématiquement refusé qu’il y ait des marchés hebdomadaires qui contribuent à dégrader l’environnement, à salir nos cités. C’est pourquoi, nous avons édifié ce marché pour le distinguer des autres commerces. Nous avons aussi noué, avec Lux-Dev, un important programme de ramassage des ordures ménagères.
Aujourd’hui, Podor est l’une des villes les plus propres au Sénégal. Nous avons tellement bien exécuté ce programme que l’Union européenne nous a encore financés pour un autre programme qui vient compléter celui de Lux-Dev. Il est consacré à la transformation de déchets organiques et physiques et nous permettra de produire du biogaz. Peut-être que demain, dans les foyers domestiques à Podor, nous aurons du gaz bon marché parce que nous aurons du gaz naturel. Sur plan social, nous avons fait en sorte que toutes les écoles soient dotées de fournitures scolaires. A la prochaine rentrée, elles seront équipées d’ordinateurs. Nous soutenons également les écoles coraniques (daaras). Mais, le plus important à mes yeux, c’est le dialogue et la concertation permanente avec les populations de Podor ».
Allez-vous briguer un deuxième mandat ?
« Il y aura des élections locales en mars 2014 et j’espère que le calendrier républicain sera respecté. On dit qu’avec l’Acte III de la décentralisation, les départements seront érigés en collectivités locales. Nous ne savons pas encore, mais il semble que cela se fera. En ce moment-là, on aura encore un autre échelon après les mairies, le Conseil régional. Bien sûr que je participerai du maximum que je pourrais aussi bien pour ces élections-là que pour l’élection à la mairie de Podor. Est-ce que je serais reconduite maire ? C’est une question à laquelle seules les populations de Podor pourront répondre. Mais, avant les populations de Podor, c’est une question que seuls les membres de la coalition avec qui j’ai jusque-là exécuté le mandat qu’ils m’ont confié pourront répondre. Je suis et je reste donc à la disposition de ma ville et de ses populations qui, de façon souveraine, apprécieront et décideront ».
Ne craignez-vous pas d’être bousculée par une montée en puissance de l’Apr à Podor ?
« Seules les populations de Podor peuvent me bousculer, pas les partis. J’attends donc les populations et je pense que nous sommes en phase. Avec l’Apr et tous les autres partis de la coalition, nous discuterons pour voir si nous pouvons aller ensemble aux élections locales. Nous l’avons fait en 2009, mais aujourd’hui, la donne a changé. En 2009, l’Apr venait à peine d’entrer dans l’opposition et nous l’avions accueillie à bras ouverts. Maintenant, c’est le parti au pouvoir. Si nous nous entendons, c’est mieux. Dans le cas contraire, chacun prendra en main son destin et les populations de Podor arbitreront. Quelque soit le cas de figure, je suis et reste sereine parce que je suis habituée aux compétions, très souvent à gagner et parfois à perdre. C’est la règle du jeu et il faut l’accepter ».
Le Parti socialiste va vers son congrès, serez-vous candidate pour le poste de secrétaire général ?
« Il faut que les gens sachent que tout militant socialiste peut briguer le poste de secrétaire général. C’est une des règles des statuts et le secrétaire général est élu par les CA de toutes les coordinations du Sénégal à bulletins secrets. Et tout militant peut briguer ce poste-là et tous les autres. C’est cela le principe. Il y a aussi une pratique qui veut, chaque fois que les gens discutent pour arriver à la mise en place d’un exécutif politique consensuel. Cette règle prévaut. Si ce n’est pas le cas, la démocratie va s’instaurer du comité directeur jusqu’au secrétariat général. J’ai toujours dit que je n’exclue rien dans ma vie, dans mon parcours politique. En politique, on ne s’engage pas pour jouer les premiers rôles, on le fait parce qu’on a une idée claire dans la tête, la façon par laquelle elle sera mise en œuvre. Nous discuterons dans notre parti et nous verrons avec nos militants, notre base parce que c’est elle qui décide de façon souveraine. Les jeux sont ouverts et tout est possible. Nous pouvons avoir une multiplicité de candidats même si les gens pensent souvent que c’est Khalifa Sall et moi. Il y a dans le parti beaucoup de responsables méritants qui peuvent briguer et aspirer légitimement à occuper le poste de secrétaire général.
Que pensez-vous du départ de Rewmi de la coalition Benno Bokk Yakaar ?
« La coalition n’est pas une prison. Chaque parti est libre d’y entrer et d’en sortir. Peut-être que demain d’autres partis de l’opposition feront aussi leur entrée dans cette coalition. C’est le jeu politique qui est ainsi fait. Chacun apprécie en fonction non pas de ses intérêts propres comme on le pense souvent, mais en fonction de l’idée qu’il se fait de l’intérêt général. S’il pense que l’intérêt général est bien géré par la coalition, il restera. C’est l’option du Parti socialiste. Le jour où il constatera que cette coalition n’est plus au service du Sénégal et du peuple sénégalais, il en tirera les conséquences en toute souveraineté. Cet esprit d’indépendance des partis dans la coalition doit être respecté, préservé et sauvegardé. Les Socialistes sont habitués à discuter, à débattre avant de prendre une position. Et dans la coalition, personne ne peut nous l’empêcher. Si les règles du jeu sont comprises ainsi, il n’y aura pas de problèmes. Et nous assumerons cette responsabilité que le peuple nous a fait incomber en élisant le président Macky Sall au soir du 25 mars 2012 avec beaucoup de maturité et surtout de sérénité ».
Pensez-vous que le nouveau gouvernement peut apporter les changements attendus par le peuple sénégalais ?
« Je constate que cette nouvelle équipe est déterminée à faire les choses. Mais il ne s’agit pas seulement de baisser des prix. De façon générale, les Sénégalais doivent percevoir que leur vie est en train de changer dans le meilleur sens. Et c’est beaucoup de chose à la fois. Il faut donc des actes forts dans certains domaines. Il faut aussi une très bonne communication sur ce que le gouvernement veut faire ou est en train de faire en direction des populations. Mon point de vue est que le meilleur sort est une perception des populations. Si elles perçoivent que le gouvernement travaille dans ce sens, les effets de la hausse des prix seront moindres. Si elles ne perçoivent pas cette orientation claire et nette, on aura beau baisser les prix, elles auront toujours le sentiment que le gouvernement ne fait rien. C’est très important de diriger et d’envoyer toujours aux populations des mots, des gestes réconfortants. Ainsi, même si c’est difficile, elles savent que le gouvernement est sur le chemin comme disait le président Abdou Diouf.
Quelle est votre opinion sur l’acte III de la décentralisation ?
« Il y a des choses positives dans cet Acte III de la décentralisation. Mais il y a des choses qui méritent une réflexion approfondie, une concertation élargie. La réflexion approfondie doit faire, aujourd’hui, que sur les options fondamentales de cet acte que nous pesions et soupesions les effets négatifs comme positifs. Nous devons pousser plus loin les études pour savoir si c’est le bon chemin. Mais, avant tout cela, il faut évaluer l’Acte II de la décentralisation. J’avais interpellé l’ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye, à l’occasion de son discours de politique générale, pour lui dire que dans le programme « Yonou Yokuté », une des innovations consistait à la communalisation générale. Il y a à boire et à manger.
Mais il faut faire en sorte que nous mettions les pieds là où c’est nécessaire et important et engager la concertation. La gestion des terres au Fouta est une question très complexe. Le président Senghor en a fait l’expérience en commençant la réforme foncière dès 1960. Mais, c’est seulement vers 1972 que les applications concrètes ont commencé à se mettre en place. Aujourd’hui, ce sont les communautés rurales qui gèrent les terres irrigables et fluviales. Et l’on ne sait toujours pas si elles vont encore avoir ce privilège en restant communes. Voilà la grande question qui hante les populations du Fouta ».