OBSESSION
Les «radicaux» de l’Apr- devenus fous au contact du pouvoir- savent ce qu’ils font. Le président de la République aussi ! Il y a sans doute un vrai remord chez Macky Sall d’avoir offert en gage ce «cadeau» que personne n’attendait de lui
Les monologues exaspérants des cadres du parti au pouvoir sur l’avenir du mandat présidentiel ne renvoient à rien d’autre qu’à une volonté d’acter la reconnaissance publique par les Sénégalais de la générosité d’un homme qui se veut «esclave» des intérêts de la démocratie de son pays. Suivez le regard...
Surréaliste ! Pouvons-nous qualifier autrement le «débat» suscité autour de la durée du mandat (en cours) du président de la République ? En fait de (faux) débat, on a eu plutôt un réchauffé médiatique des prises de position déjà connues de «radicaux» du parti présidentiel contre la réduction dudit mandat.
La «nouveauté», c’est l’entrée en jeu du porte-parole du gouvernement, déclarant pour la première fois, son opposition à la mise en œuvre de la promesse de Macky Sall. Sinon, la mise en scène a été grotesque et quasi enfantine, mais elle s’imposait presque. Pourquoi ?
Le pouvoir venait de sortir du procès Karim Wade. Abdoulaye Wade devenu impuissant, le pays n’a pas brûlé, conservant cette sérénité qui témoigne de la maturité politique des peuples en situation. Rassuré, le camp présidentiel s’est tourné vers d’autres perspectives...politiciennes, celles qui entretiennent la diversion pour un temps et qui cristallisent les énergies pour rien.
En même temps, il fallait faire oublier toute la hargne contestataire qui a tiré à boulets rouges sur les ratés judiciaires de ce procès. Oui, il fallait aussi faire oublier que Karim Wade est la seule personnalité d’envergue de l’ancien régime à être inquiétée par la justice.
Et les autres, ceux auxquels le Garde des Sceaux a promis des poursuites imminentes ? Il fallait tourner une page et rediriger les attentions sur des broutilles qui piègent les médias. Le coup a réussi !
Reniement possible mais improbable
«La réduction du mandat de 7 à 5 ans est injustifiable», hurlait le ministre de la Justice. «Macky Sall fera 7 ans», enchaînait un autre rendu fou par les privilèges auxquels il a accédé depuis quelques années. Pour boucler la boucle, le porte-parole de l’Apr décréta la fin du deal en ces termes : «Le Président n’est pas un homme qui se renie.»
Très franchement, quel est l’intérêt national d’un tel type d’échanges entre partisans d’un même camp ? Nous avons un président de la République qui, avant même d’être élu, prit l’engagement de réduire son mandat de 7 à 5 ans. Arrivé au pouvoir, il réitéra son serment et le martela aux quatre coins du monde lors de ses interminables pérégrinations. Il fixa même l’année et le mois du référendum à cet effet : mai 2016.
Alors, pourquoi ce vrai faux débat alors qu’il est évident qu’un reniement-improbable mais possible- de la parole donnée fragiliserait durablement Macky Sall et le ramènerait au niveau moral et éthique dans lequel Wade a fini par se fourvoyer ?
Pourquoi ce vrai faux débat alors qu’une rupture d’engagement consacrerait le prétexte suprême par lequel les alliés de la coalition Benno bokk yaakaar (Bby) claqueraient les portes du pouvoir et s’en iraient préparer la chute de Macky Sall à la toute prochaine élection présidentielle, soit en 2019 ?
Pourquoi ce vrai faux débat sur l’avenir du mandat présidentiel si l’on sait que Macky Sall et ses équipes dirigeantes ont déjà assez tordu le cou à une partie des belles promesses de rupture ?
«Je suis moi, lui est ce qu’il a fait avant moi»
Les «radicaux» de l’Alliance pour la République- devenus ivres et fous au contact des ors du pouvoir- savent parfaitement ce qu’ils font. Le président de la République aussi ! Il y a sans doute un vrai remord chez Macky Sall d’avoir offert en gage ce «cadeau» que personne n’attendait de lui à moins que ses alliés de l’entre-deux tour le lui aient suggéré en témoignage de sa bonne foi. Alors, tant qu’à perdre deux années de Présidence qui n’auraient pas été de trop pour les plans du régime, pourquoi le chef de l’Etat n’en tirerait-il pas profit ?
Comment ? En usant de la bonne vieille méthode subliminale. L’objectif est de laisser le soin à l’opinion publique elle-même, maintenant ou plus tard, de valoriser à sa juste valeur, le geste d’un président de la République capable d’une «générosité» si rare sous nos cieux.
Dans le subconscient des Sénégalais, subsiste encore l’âpreté meurtrière avec laquelle «l’autre» a bravé le Peuple et les institutions pour être présent à l’élection présidentielle de 2012 afin de donner une profondeur héréditaire et sanguine à un magistère qui devait se poursuivre sous son ombre tutélaire.
Ailleurs sur le continent africain, des chefs d’Etat en sont encore à comploter contre les verrous constitutionnels qui les empêchent de briguer un (autre) mandat auquel ils n’ont pas droit. Comparativement, Macky Sall serait lui sur une autre planète !
N’oublions pas également que les propos sordides, inutilement méchants de Me Wade sur les origines supposées de son successeur et de ses parents ont donné matière à réflexion à certains cadres du parti présidentiel. En «demandant» à ses compatriotes de mettre en évidence la noblesse d’un acte qui ne court les rues ni au Sénégal ni en Afrique, le chef de l’Etat lancerait un message à «l’autre».
Une sorte de réponse politique et populaire à l’attaque «sociale» de dessous la ceinture dont il a été victime il y a quelques semaines. «Je suis un esclave de la bonne gouvernance, de la moralisation de la vie publique, de la modernisation de la vie politique de mon pays», dirait Macky Sall, tandis que «l’autre»...
C’est la théorie de la dissemblance qui vire à la théologie de la différence. «Je suis ce que je fais, lui est ce qu’il a fait avant moi.»
Mais pour emballer les «gueules» des électeurs aux prochains scrutins, il faudra malgré tout, un peu plus que ces postures politiciennes qui polluent l’atmosphère. «Atmosphère ! Atmosphère !»