OUSMANE TANOR DIENG
Le secrétaire général du Ps n’a pas de challenger à sa mesure. Les banderilles d’Aïssata Tall et le nouveau statut de Khalifa Sall sont des menaces dont l’expression n’a été que différée, mais la vague semble passée
Difficile de se départir d’une réputation. Lorsqu’elle vous colle à la peau, c’est souvent pour des lustres. Ousmane Tanor Dieng l’aura compris à ses dépens. Depuis le 19 mars 2000, le secrétaire général du Parti socialiste vit sous le mode de la rédemption. Presque de l’expiation. On lui impute la responsabilité de la scission qui a été fatale à l’ancien régime socialiste avec les départs successifs de Djibo Kâ et de Moustapha Niasse, même si, dans le cas de ce dernier, c’est aussi et surtout une confrontation post-senghorienne avec le président Diouf qui a conduit à son départ.
Cette réputation le poursuit depuis 2000. Et pour se débarrasser d’une réputation, il vaut mieux changer de peau. Tanor s’y emploie, la modestie en bandoulière. Otd s’efforce aujourd’hui à donner de lui-même une image plus lissée, débarrassée des scories qui l’ont aveuglé pendant les années glorieuses où il dirigeait le Ps d’une main ferme.
Il faut dire que depuis sa mise en orbite lors du fameux «congrès sans débat» du 30 mars 1996, sa vie n’a pas été un long fleuve tranquille dans un Parti socialiste partagé entre senghoristes historiques et dioufistes en quête de nouvelles certitudes. Sous le feu de la contestation, Djibo Kâ et Moustapha Niasse ont fait perdre le pouvoir à Diouf, tandis que Abdourahim Agne et Abdoulaye Makhtar Diop ont hissé leur propre pavillon. Ceux qui sont restés aussi ont contesté ou contestent encore sa prééminence au sein du Ps.
Dès 2000, Moustapha Kâ, par exemple, parlait de «la nécessité de la restructuration du Parti socialiste et de l’urgence d’un changement de leadership» (Le Matin, 26 juin 2000). En 2004, la «révolution des barons» avait plongé le Ps dans une sourde contestation du leadership de l’ancien homme de confiance de Diouf. Robert Sagna, Moustapha Kâ, Souty Touré ou encore Mamadou Diop avaient alors préféré rompre les amarres avec le Ps.
Mais, c’est dans les moments difficiles qu’on reconnaît les leaders. Cette cascade de démissions augurait d'autant plus mal de l'avenir du Ps que plusieurs responsables, au premier rang desquels Robert Sagna, inamovible ministre et maire de Ziguinchor, et Mamadou Diop, l'ancien maire de Dakar, avaient réclamé la démission de Tanor, responsable, selon eux, de la débâcle.
Le 22 mars 2000, une partie du bureau politique avait même tenté de débarquer le premier secrétaire. En vain. Une seconde offensive avait été déclenchée, sans plus de succès, au lendemain des élections législatives d'avril 2001. Le nombre de députés socialistes, passé de 93 à... 10, n’a pas facilité les choses. Mais Tanor a su tenir devant les bourrasques de la contestation. Et même s’il a beaucoup perdu de sa superbe du temps de Diouf, l’opposition lui permet aujourd’hui de réaliser ce que le pouvoir ne lui a pas assuré : fédérer le Parti socialiste autour de son nom. Car personne aujourd'hui, y compris Khalifa Sall, brandi comme un épouvantail, ne réclame plus la tête de Tanor, redevenu, au moins aux yeux de l'opinion, le leader incontesté du parti.
De fait, Otd n’a pas de challenger à sa mesure. C’est le seul qui a véritablement une assise nationale. La durée légitime l’ambition, et Tanor s’est employé, depuis l’Alternance de 2000, à maintenir debout la citadelle socialiste. Et ce, contre vents et marées.
Est-ce à dire que ses adversaires ont renoncé au choc des ambitions annoncé par nombre d’observateurs ? Les banderilles plantées par Aïssata Tall Sall dans le jardin de Tanor et le nouveau statut de Khalifa Sall sont des menaces dont l’expression n’a été que différée, mais la vague semble passée. En vérité, l’homme a acquis une stature de leader d’opposition, aidé par une bonne culture de l'État et par son expérience. Qui plus est, sa théorie d’opposition républicaine pratiquée sous Wade a servi à remodeler l’opinion que nombre de ses compatriotes se faisaient de lui.
Contrairement à ce qui est annoncé, la réunion du Comité central du Ps ce samedi n’induira pas de changements majeurs dans le management de la formation socialiste. Ousmane Tanor Dieng gardera la haute main sur un parti qui, après douze années de vaches maigres sous Wade, réapprend à vivre grâce au partenariat stratégique noué avec l’Alliance pour la République du président Macky Sall.
Et, même s’il avait pris l’engagement de ne plus se présenter à une présidentielle, il se hâtera lentement à passer la main. Car les querelles de succession sont grosses de moult remises en cause.