PARTIES CIVILES VS DÉFENSE
DIRECT SENEPLUS, PROCÈS HABRÉ - Réactions des avocats des deux camps
Le procès Hissène Habré, ouvert ce lundi 20 juillet, a été renvoyé au 7 septembre. Ce report de 45 jours doit permettre aux trois avocats commis d’office pour la défense de prendre connaissance du dossier. Ce délai est diversement apprécié par les avocats des deux camps. Ils plaident au micro de www.SenePlus.Com.
ME MOUNIR BALLAL, COMMIS D’OFFICE POUR HABRÉ : "JE FERAI MON DEVOIR"
"Un délai de 45 jours a été imparti aux trois avocats qui ont été commis d'office pour assurer la défense de monsieur Habré afin de prendre connaissance du dossier. Nous pensons que c'est un délai raisonnable compte tenu des éléments qui nous ont été fournis par la cour, relativement aux pièces qui figurent dans le dossier. Je comprends la partie civile. Elle pense toujours avoir la conviction que la culpabilité est établie. En principe comme l'a pertinemment souligné le Président des Chambres africaines extraordinaires, je ferai mon devoir d'avocat de la défense. Je participerai donc à l'œuvre de justice puisque il n'est pas éventuellement nécessaire que monsieur Habré puisse accepter que je collabore ou pas dans la mesure où ma constitution est intervenue sur la base d'une commission d'office. Je n'ai pas à ce niveau-là à me préoccuper éventuellement de la récusation de monsieur Habré ou pas."
ME GEORGES HENRI BROTTIER, COLLECTIF DES PARTIES CIVILES : "TROP LONG"
"Nous aurions aimé être consultés pour le délai de 45 jours accordé à la défense. Les victimes vont devoir repartir, il faudra refaire un agenda d'audience. C'est évidemment dramatique pour ces témoins et c'est aussi dramatique pour notre agenda. Mais on s'y pliera puisque la cour a estimé qu'il fallait 45 jours. C'est un droit d'Hissène Habré d'être défendu, mais- je le répète-, dans 45 jours, il va jouer la même comédie. Il va dire : ‘je ne viens pas’. Manifestement, il joue avec les pieds des juges sur lesquels il crache, il joue aussi avec nos pieds. Pour nous, c'est lourd mais on sera là le 7 septembre pour faire face à un type qui, manifestement, n'assume même plus sa fonction de chef. Les avocats de la défense seront muets car c'est une stratégie de monsieur Habré qui va refuser qu'ils parlent. Un chef doit faire face à ses victimes, mais aussi à ses seconds couteaux qui ont tous demandé à Ndjamena de pouvoir voir Habré en face d'eux pour savoir pourquoi il les a obligé à faire ça. Il est parti avec le fric au Sénégal et les a laissés en plan. Je crois que la cour a voulu donner une dernière chance afin que Habré puisse se ressaisir. Pour moi, c'est vain. On entoure d'un luxe inouï ses garanties de droit à la défense. Je dis tant mieux. Mais à un moment donné, il faut que ça cesse. On doit dire stop à la récréation de cet exploiteur. Qu'on le juge, qu'il soit là ou pas. C'est une interprétation du procureur de dire que Habré n'a plus le droit de récuser ses avocats commis d'office. À partir du moment où il désire se défendre par le silence, il a droit à ce silence et si les avocats ne sont pas là pour interpréter ce que leur client même muet dit. À un moment ce sera une tâche impossible."
ME WILLIAM BOURDON, COLLECTIF DES PARTIES CIVILES : "HABRÉ TENTE DE PRENDRE EN OTAGE CE PROCÈS"
"Tout le monde sait que Hissène Habré a annoncé à plusieurs reprises ici par l’intermédiaire de ses avocats privés qu'il crachait sur ces juges, que ce procès était illégitime et qu'il n'attendait rien de ce tribunal comme tous les grands bourreaux de la planète. Comme Pinochet, Milosevic et Karadzic. À la fois, on dit que le procès est illégitime en même temps on essaie d'utiliser tous les outils de la démocratie pour essayer de le paralyser, de le retarder et de le détruire. Hissène Habré tente de prendre en otage ce procès. Je ne vais pas critiquer la décision d'octroyer un délai de 45 jours à la défense, je la respecte mais de mon point de vue, il faut bien mesurer le risque. Qu'il récuse ses avocats et dit : ‘je ne veux pas être défendu, le procès est illégitime’. Il peut aussi activer les avocats pour leur demander de multiplier les incidents de procédure, des exceptions d'incompétence, pour indéfiniment gagner du temps et paralyser le procès. Je pense qu'on aurait pu se donner la possibilité de faire le point avec ses avocats dans quelques jours pour savoir si Hissène Habré a accepté de les rencontrer, s’il veut d'eux. On aurait été avisés plus tôt. Ce n'est pas très grave. Juger les grands bourreaux est un travail de longue haleine, une longue saga."