PATRONAT EN PÉRIL
Le Privé national ne pèse pas dans l’économie sénégalaise. Ses entreprises sont trop petites face aux multinationales. On comprend alors son malaise et son sentiment de non-assistance par l’Etat qui devait être son "complice"
"Il n’y en a que pour les entreprises étrangères qui trustent les gros marchés de l’Etat... L’économie sénégalaise est entre les mains des Français, Marocains et autres Chinois... L’Etat ne nous soutient pas...". Ce florilège de déclarations, sur de fond de revendications pour davantage de place au Secteur privé national, on l’entend assez souvent de la bouche des dirigeants du Patronat.
Certes, il y a du vrai dans cet hymne au "patriotisme économique", mais il n’en demeure pas moins qu’au-delà du discours, il faut poser le débat sur le rôle et le rang de nos opérateurs dans l’économie du pays. Qui est qui ? Qui fait quoi ? Qui est présent dans quel secteur ? A quel niveau ? Pourquoi les Sénégalais n’occupent pas des positions de leadership dans notre économie ? Quid du rôle de l’Etat pour soutenir un secteur privé, capable d’exécuter les grands chantiers et porter les enjeux du développement ?
Il faut remonter l’histoire coloniale, avec les ex-maisons de commerce bordelaises, l’importation des "Libano-syriens" pour tenir l’économie de rente avec leurs auxiliaires, les fameux "traitants". Les premiers Sénégalais à initier un système d’accumulation primitive de capital et à constituer une esquisse de classe sociale, une bourgeoisie nationale naissante. Mais sur la durée, on n’a pas observé une reproduction naturelle et familiale dans une dynamique entrepreneuriale.
Puis, le socialiste Léopold Sédar Senghor a voulu, par le canal du Compte K2, faire émerger une classe d’hommes d’affaires nationaux afin de prendre le relais de l’Etat-Entrepreneur qui avait atteint ses limites. On sait ce qu’il en advenu, avec une politisation à outrance, un dévoiement des objectifs et un échec patent.
Il aura fallu attendre l’arrivée de Wade, un affairiste hors-pair, pour voir surgir, ex-nihilo, une génération spontanée de "milliardaires", sans background, ni références. C’est l’ère des "marchés" qu’on donne à des copains, "en veux-tu, en voilà" ! Pire, avec Wade, on a découvert des ministres et fonctionnaires "milliardaires". D’où la "traque des biens mal acquis" et la réactivation de la CREI, par Macky Sall...
Pendant ce temps, des hommes et femmes ont cru en leur étoile et en leur pays, ont épargné des années durant, ont investi dans des activités génératrices de revenus. Ils ont commencé à se bâtir un patrimoine, ont réinvesti leurs bénéfices et au fil du temps, se sont constitués en une véritable classe entrepreneuriale. Avec ou sans l’aide de l’Etat, ils sont parvenus à se faire un nom et avoir une signature. A ceux-là, la Nation sénégalaise est bien reconnaissante...
Pour autant, le Privé national ne pèse pas encore dans l’économie nationale. Ils sont encore trop petits face à des multinationales, qui raflent tous les gros marchés. On comprend alors leur malaise, leur sentiment d’impuissance et de non-assistance par l’Etat qui devait être, selon eux, leur "complice", dans la voie de l’Emergence...
Dans l’absolu, le Secteur privé national a raison. L’Etat doit identifier ceux qui ont un vrai potentiel de croissance et d’émergence, les accompagner pour en faire des "champions nationaux" capables de hisser, haut et loin, le drapeau national afin de gagner encore davantage de combats dans la grande bataille de la mondialisation. Soit le seul combat qui vaille...