PDS : LE COMPTE À REBOURS
Le Parti démocratique sénégalais (Pds) est créé en 1974 par Me Abdoulaye Wade, dans un environnement politique national marqué par l’exercice, sans partage, du pouvoir par l’Ups, considérée par le Président Léopold Sedar Senghor comme un parti unifié et non comme un parti unique.
(La nuance est d’importance!) Il fallait, à cette époque, avoir le cran et l’audace d’un certain Abdoulaye Wade pour espérer créer la moindre inflexion sur la citadelle verte restée, jusqu’alors, inexpugnable et jalousement gardée par les barons de l’Ups blindés contre toute idée de multipartisme.
C’est, en marge du sommet de l’Organisation de l’unité africaine, tenu à Mogadiscio (Somalie), loin des regards indiscrets, que le très rusé Abdoulaye Wade a soufflé, à l’oreille du chef de l’Etat sénégalais, la demande de reconnaissance du Pds qu’il présentait, tout au début, comme un parti de contribution.
D’ailleurs, une fois rentré au pays, le Président Senghor a été travaillé au corps par les représentants de l’aile conservatrice et dure de l’Ups qui lui ont conseillé, sans succès, de revenir sur sa décision.
La vision prémonitoire des anciens de l’Ups n’était pas totalement dénuée de pertinence car, entre temps, les alliés de gauche ont mené, à l’interne, un combat épique qui avait déjà contribué à la radicalisation des masses organisées au sein du Pds.
Cette inversion de perspective a finalement contraint la direction du Pds à opérer la rupture avec l’option contribution pour épouser la ligne pure et dure d’un engagement conséquent en faveur d’un changement démocratique véritable (Sopi).
Depuis lors, le cours politique, suivi par le parti de M. Abdoulaye Wade, n’a pas été qu’un long fleuve tranquille.
La première élection présidentielle pluraliste de l’histoire du Sénégal, mettant aux prises, en 1978, Abdoulaye Wade et Senghor, a constitué le premier schisme dans l’histoire politique, jusqu’ici, linéaire, du Sénégal post indépendance.
A l’exception du Pai Sénégal (devenu Pit au congrès de 1981), tout le reste de la gauche a boudé la candidature de Abdoulaye Wade, considéré comme «le représentant de la frange de la bourgeoisie compradore et bureautique exclue de l’exercice du pouvoir.»
Rebelote, à l’occasion de l’élection présidentielle de 1983, la Ld/Mpt soutint la candidature «anti-impérialiste», du président Mamadou Dia alors que le Pit réaffirmait son ancrage dans la posture de large rassemblement autour de la candidature de Abdoulaye Wade en vertu du principe sacro-saint selon lequel «il faut aller trouver les masses là où elles sont.»
A l’élection présidentielle de 1988, les Jallarbistes manœuvrent à rebours et rejoignent le couple Pds-Pit pour former une coalition tripartite entrée, dans l’histoire politique du Sénégal, sous le nom «d’Alliance Sopi». Cette nouvelle armée politique du changement véritable a servi de puissant levain à la grande mobilisation de masse des années 1988 considérée, par les observateurs politiques avertis, comme la répétition générale de l’élection présidentielle du 19 mars 2000 qui a consacrée la victoire du candidat de la coalition Sopi.
Malheureusement, le mode calamiteux de gestion du pouvoir par Abdoulaye Wade, qui s’est prématurément défait de ses compagnons des années de braises, a abrégé, à la tête de l’Etat, les jours du pape du Sopi qui a subi une déconvenue humiliante à la présidentielle de 2012.
Pour ne rien arranger, l’attachement obsessionnel au projet de transmission dynastique du pouvoir est venu corser le décompte déjà très pesant des fautes et erreurs graves commises par le leader du Pds.
Plutôt que de choisir, en temps réel, un successeur bien formaté, encadré et préparé à la relève, pour pérenniser et sauvegarder son héritage politique, Abdoulaye Wade s’est employé, avec une précision d’orfèvre, à liquider proprement tous ceux qui pouvaient être suspectés de faire ombrage aux ambitions du «Prince héritier» investi de prérogatives de droits de naissance acquis au nom du Père Président.
Les fils putatifs, Idrissa Seck puis Macky Sall, ont été envoyés à la guillotine au nom des intérêts du fils biologique prédestiné pour hériter aussi bien du pouvoir que du Parti.
Bien avant ces derniers, d’autres responsables du Pds, et non des moindres, Serigne Diop, Fara Ndiaye, Marcel Bassène, Jean Paul Dias, Ousmane Ngom (qui a fait un come back), Docteur Dankoco, Ibra Caty Fall de Rufisque, Sophie Ndiaye Cissokho et son époux Alassane Cissokho directeur de l’Institut sénégalais pour l’éducation, la formation et l’information (Isefi) ont fait les frais des méthodes staliniennes de purge dont seul Abdoulaye Wade détient les secrets.
D’ailleurs, des analystes et observateurs politiques n’ont pas hésité à caricaturer Abdoulaye Wade qu’ils comparent à un monstre de la mythologie grecque dont le trait de caractère dominant consistait toujours à ravaler les petits qu’il mettait au monde.
Le mauvais management du parti par Abdoulaye Wade, combiné à la perte précoce du pouvoir, a précipité la situation de décrépitude avancée du Pds qui a révélé, au grand jour, sa véritable nature de géant au pied d’agile dominé par un conglomérat d’intérêts hétéroclites.
Toutes affaires cessantes, le fondateur de Waar Wi (le lopin de terre), Modou Diagne Fada, accusé par la garde prétorienne de Abdoulaye Wade, de vouloir commettre un «parricide», dispose-t-il des moyens de ses ambitions qui consistent à instaurer «une révolution domestique» au sein du Pds ?
Pour ma part personnelle, et sans pour autant me formaliser sur la question, je crains que l’enfant de Darou Mousty ne subisse le sort de ce personnage de mythologie, Sisyphe condamné au supplice de rouler éternellement le gros rocher qui retombe à chaque fois.
En tout état de cause, la disparition du Pds ou du moins de ce qui en reste, provoquerait des dommages collatéraux pour la démocratie dont le parti libéral a contribué, incontestablement, à la consolidation et au renforcement.
Le Parti démocratique sénégalais, au long cours, a été souvent cité, en exemple, à travers le monde, pour sa contribution de qualité au processus global des transitions démocratiques et pacifiques en Afrique où le mode de dévolution démocratique du pouvoir est la chose la moins partagée.
Abstraction faite des positions politiciennes et des considérations de coteries étroites, le fonctionnement normal de la démocratie est consubstantiel à l’existence d’une opposition forte et crédible capable de conjurer les dérives autoritaires de n’importe quel règne. Ne dit-on pas souvent que «seul le pouvoir peut arrêter le pouvoir".