"POUR DÉVELOPPER LE SPORT, IL FAUT UN PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ"
MATAR BÂ, MINISTRE DES SPORTS
Le ministre Matar Bâ, qui a fait sa passation de services le 21 juillet dernier, vient de boucler un peu plus de cent jours à la tête du département des sports. Invité de la rubrique 100 jours avec..., le successeur de Mbagnick Ndiaye a bien voulu accorder au journal Le Quotidien un large entretien où il passe en revue presque l’ensemble des questions qui agitent actuellement son ministère. La conviction du nouveau patron du sport sénégalais, par ailleurs maire de Fatick, est établie qu’aujourd’hui il faut nécessairement «un partenariat public-privé» pour le développement du sport sénégalais.
Qu'avez-vous avez retenu de vos 100 premiers jours à la tête du ministère des Sports ?
Il faut dire d’abord que j’appréhendais de conduire ce ministère-là, puisqu’au Sénégal quand on n’est pas dans le gouvernement, on a souvent une vision très lointaine de la fonction ministérielle qui est loin d’être une chose banale. C’est une mission très exaltante qui demande beaucoup de travail, de réflexion, mais également un certain comportement pour pouvoir y arriver.
Quand je suis arrivé, j’ai trouvé au ministère de très hauts cadres qui ne travaillent que pour l’intérêt du Peuple sénégalais et j’ai laissé tout le monde à sa place. Et cela pour ne pas être dans le tâtonnement, afin d’accomplir correcte- ment la mission que le chef de l’Etat a bien voulu nous confier. Nous sommes en train de nous battre pour mériter la confiance qu’il (Macky Sall) a placée en nous.
Nous sommes conscient que des difficultés ne manqueront, mais à chaque fois nous essaierons de faire face. Le département des sports est stratégique, difficile à gérer et très médiatisé, mais je pense que dans la concertation, on peut arriver à soulever des montagnes ensemble.
Est-ce qu’il y a quelque chose qui vous a le plus marqué durant ces 100 jours ?
Ce qui m’a le plus marqué c’est le stade Léopold Sédar Senghor, parce que quand je déclarais qu’on n’avait pas de plan B et qu’on allait jouer au Sénégal contre l’Egypte, j’étais le seul à y croire.
Mais grâce à Dieu, en vingt jours, nous avons réussi à faire de sorte que le stade réponde aux normes internationales requises pour qu’on puisse recevoir l’Egypte à domicile.
L’autre évènement heureux que j’ai aussi retenu pendant ces 100 jours, c’est la performance au Mondial des Lions du basket avec qui j’étais en Espagne lorsqu’ils gagnaient leurs deux matchs, avec au bout une qualification historique au deuxième tour. Une première pour le basket sénégalais.
A votre arrivée au ministère des Sports, on a constaté que vous avez fait beaucoup de descentes sur le terrain, sur- tout lors de la réfection du stade Senghor. Peut-on considérer cela comme le «style Matar Bâ» ?
Ecoutez, je suis en train de suivre les instructions du président de la République qui nous a demandé d’être sur le terrain à l’écoute des populations pour qui nous travaillons. Moi je suis un homme de terrain, c’est peut-être pourquoi on me voit partout. Mon style, c’est d’aller vers les populations pour connaître leurs problèmes et essayer avec elles de trouver des solutions.
Parce que c’est dans la concertation qu’on règle tout. Vous voyez avec le stade Demba Diop, on l’a fermé, mais il n’y a pas eu de contestations et pourtant c’est au moment où il y avait des matchs de navétanes. Si cela a été possible, c’est parce qu’il y a eu de la concertation en amont.
Au niveau du département des sports, vous avez trouvé une nouvelle politique sportive. Avez-vous commencé à l’appliquer ?
Nous sommes dans la réflexion parce que c’est un ensemble de textes. Nous allons vers des assises pour permettre à tout un chacun de s’approprier ces textes-là, afin de pouvoir les appliquer sans difficulté.
Par rapport à cette politique sportive, on sait que le volet infrastructure constitue une priorité. Quel bilan en faites- vous ?
J’ai fait ma passation de services le 21 juillet et aussitôt le 23 juillet je suis allé au stade Senghor pour annoncer qu’il n’y avait pas de plan B par rapport au match que nous devrions jouer contre l’Egypte. C’était un défi à relever et nous avons pu réussir cela avec l’appui des entrepreneurs qui ont compris le message patriotique qu’on leur a lancé pour permettre au Sénégal de jouer à Dakar.
C’est le premier combat qu’il fallait gagner. Maintenant, nous continuons la construction de ces infrastructures et la réhabilitation d’autres. Nous venons d’inaugurer le stade Mawade Wade de Saint-Louis. Le travail continue et nous allons vers l’accélération de ces travaux pour permettre aux populations de pouvoir disposer de ces infrastructures dans les meilleurs délais.
Nous avons commencé la réhabilitation du stade Demba Diop. La pelouse a été posée en un temps record et les grilles de protection sont en train d’être terminées. Après cela, nous allons attaquer les gradins et la lumière. Nous avons introduit un avenant qui a été accepté et nous allons continuer les travaux supplémentaires pour remettre ce stade aux normes internationales.
Les travaux devraient durer quatre mois, mais nous nous battons pour raccourcir ce délai et permettre à l’Odcav de Dakar de pouvoir organiser ses demi-finales et finales. Nous avons aussi démarré la réhabilitation du stade Caroline Faye de Mbour (l’entretien a eu lieu avant la visite du ministre vendre- di dernier). Nous allons aussi réhabiliter le stade Lat-Dior de Thiès.
D’ailleurs, dans la Loi des finances rectificative (Lfr) qui a été récemment votée, il y a 500 millions de francs Cfa qui sont prévus pour un début de réhabilitation de cette infrastructure. Donc concernant le volet des stades, on peut donc dire dans l’ensemble que nous sommes en train de faire notre chemin. Il nous reste maintenant la construction de l’arène nationale.
A cet effet, nous allons bientôt tenir un Conseil interministériel pour maîtriser tous les paramètres et expliquer aux populations les tenants et les aboutissants de ce dossier pour pouvoir commencer la construction en 2015.
Restons avec l’arène nationale. C’est toujours prévu au Technopole ?
Il faut d’abord remercier le président de la République, Macky Sall, qui est allé chercher l’argent nécessaire pour la construction de cette arène nationale de lutte. Il faut dire qu’il y a eu du bruit parce qu’on nous a toujours opposé des questions environnementales. Il y a eu une communication qu’il ne fallait pas de mon point de vue, parce qu’on parle du Technopole alors qu’en réalité le site n’est pas dans le Technopole.
Où se trouve-t-il alors ?
C’est à Pikine. A côté du Technopole, mais pas à l’intérieur. En tant que responsable, nous avons commandité une étude d’impact environnemental et social pour pouvoir évaluer les risques. Les populations sont dans leurs droits quand elles alertent et c’est à l’Etat aussi de prendre ses responsabilités et de voir ce qu’il en est réellement afin de prendre toutes les dispositions pour que l’infrastructure qui est destinée aux populations ne soit pas aux antipodes des intérêts de ces dernières.
Le site est à Pikine et nous avons déjà signé le contrat de concession avec les Chinois. Ce qu’il faut comprendre aujourd’hui, c’est que nous voulons améliorer la communication sur ce dossier. Il ne s’agit plus d’une arène nationale simplement. Le projet a évolué et cela fait que maintenant nous avons une arène nationale multifonctionnelle avec la possibilité de pratiquer d’autres activités sportives.
Tout autour de cette arène, nous allons régler le problème d’infrastructures de Pikine parce qu’il y a la possibilité d’avoir des hôpitaux, des lycées, etc. Même la préfecture de Pikine, qui n’a pas encore un siège qui lui est propre, pourra en bénéficier. Le projet qui était de 24 milliards de francs Cfa va normalement avoisiner les 31 milliards.
Nous prenons en compte l’alerte lancée par les populations, et les études d’impact vont nous montrer la voie à suivre. Parce que même si on décèle un problème environnemental, il y a toujours une solution pour préserver la sécurité de ces populations.
Les impacts environnementaux ne pourront-ils pas vous amener à délocaliser le site ?
Pour le moment, les conclusions que nous avons par rapport à l’étude d’impact environnemental et social nous confortent dans notre choix. Il n’y a pas un problème extrêmement compliqué qu’on ne pourrait pas surmonter et aller à l’essentiel, c’est-à dire la construction de cette infrastructure.
Vous venez de prolonger de deux ans le mandat du Dr Alioune Sarr à la tête du Cng. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?
C’est le fruit de son travail. Certes, il y a eu des critiques ça et là pour dire qu’il a dirigé le Comité national de gestion (Cng) de la lutte pendant vingt ans. Mais je pense que cette longévité ne fait que démontrer sa compétence puisqu’il a eu à travailler avec les Présidents Abdou Diouf, Abdou- laye Wade et aujourd’hui avec le Président Macky Sall.
Tout le monde doit comprendre que ce n’est pas une question de famille ou de politique, c’est parce que simplement il maîtrise ce qu’on lui a confié. Nous l’avons reconduit non pas parce qu’il est beau ou parce qu’il est intelligent, mais qu’il nous a présenté un bilan qui nous a amené, après avoir pris langue avec certains acteurs de la lutte, à penser que la décision la plus sage pour continuer le développement de cette discipline était de le maintenir à son poste pour les deux ans à venir.
Pourtant des critiques fusent de partout. C’est le cas du président d’honneur des amateurs de lutte, Doudou Diagne Diecko, qui a dit que vous n’aviez pas eu le courage de prendre la décision qui s’imposait. Que lui répondez- vous ?
C’est trop facile de juger les gens comme ça. Franchement, je n’ai rien à dire par rapport à cette sortie de Doudou Diagne Diecko. Je pense qu’il a donné son avis en tant que simple citoyen sénégalais et c’est son droit le plus absolu. Mais je pense que qui me connaît ne parlera pas de problème de courage. La station que j’occupe ne me permet pas d’entrer dans ces polémiques stériles.
Après la lutte, parlons des autres disciplines, comme le judo qui a une nouvelle fédération. On constate que la division est toujours là. Quelles solutions préconisez- vous ?
J’invite tous ceux qui aiment le judo à être ensemble parce que nous, nous avons fait ce que nous devrions faire en tant qu’Etat. Nous sommes garants des textes, nous avons accompagné le Comité de normalisation du judo en tant que structure d’exception en collaboration avec l’Union africaine de judo et la Fédération internationale de judo. Nous sommes parvenus à changer les textes et à tenir une Assemblée générale reconnue au niveau africain et international.
Ce qui reste maintenant, c’est d’appeler tous les acteurs du judo à se passer des querelles et à aller vers l’essentiel, c’est-à-dire la construction et le développement de notre judo. Parce que personne n’a le droit, pour ses ambitions personnelles ou pour un quelconque problème que se soit, d’empêcher les Sénégalais qui aiment le judo de voir des compétitions se dérouler correctement.
Le président de la fédération qui est nouvellement élu est chargé d’une mission de fédérer tout le monde et nous allons l’accompagner dans cette dynamique-là.
Il n’y a pas que le judo .Ça bouge aussi du côté du basket avec des clubs qui veulent la fin du Comité de normalisation...
Là aussi vous savez, il faut tirer les choses au clair. L’Etat, après avoir constaté des dysfonctionnements et des problèmes au niveau africain et international, a mis sur place une structure d’exception qui a fait une campagne en Espagne et qui a honoré notre pays.
Je pense que c’est avec l’Etat et les structures internationales qu’il faut continuer à travailler pour arriver à mettre en place une fédération. Il faut donner du temps à ce Comité de normalisation de travailler de concert avec les acteurs du basket, mais aussi laisser la responsabilité à l’Etat d’accompagner cette structure.
Nous allons inéluctablement vers une fédération, mais ce n’est pas parce qu’on la réclame tout de suite et maintenant qu’on va y arriver. Nous avons une feuille de route et cette dernière sera suivie.
Croyez-vous à la qualification des Lions du foot à la prochaine Can ?
Bien sûr ! Moi je suis un sportif, mais aussi quelqu’un de réaliste. Il faut comprendre que nous avons une excellente équipe qui a les capacités techniques de faire face à n’importe quelle équipe africaine. Nous sommes dans le domaine du sport qui a ses réalités. On a perdu en Tunisie, ce qui nous a mis dans une situation qui n’est pas très confortable, mais rien n’est perdu.
L’Etat continuera de mettre les sportifs sénégalais dans des conditions de performance suivant les directives du président de la République Macky Sall. Nous allons tout mettre en œuvre pour leur permettre d’aller en Egypte (match prévu le 15 novembre au Caire) y défendre honorablement le drapeau national et revenir avec la victoire.
Où est-ce que vous en êtes avec l’organisation par le Sénégal de la Can juniors (U20) en mars 2015 ?
Il y a un Comité d’organisation (Cocan) qui a été mis en place et qui est dirigé par le président du Cnoss, Mamadou Diagna Ndiaye. Ils sont en train de travailler. Nous, nous sommes en train de nous occuper des problèmes d’infrastructures. Le Sénégal a demandé à organiser cette manifestation, donc il faut qu’on honore nos engagements.
On parle beaucoup du financement du sport. Où en êtes-vous ?
On va mettre en place un Fonds pour le développement du sport. De ce fait, on va permettre au privé de pouvoir participer au financement du sport. Lequel n’est plus seulement que du loisir, mais un véritable business qui demande un accompagnement financier important que l’Etat seul ne peut plus supporter.
Le fait d’aller vers la réorientation du sport sénégalais nécessite la mise en place de ce fonds. L’Etat est en train de tout supporter. Mais l’Etat seul ne pourra jamais développer le sport. Il faut un partenariat public-privé. On a commencé cela avec la Ligue professionnelle de football. On dira que c’est timide, mais c’est déjà quelque chose.
Juste après votre nomination, vous aviez dit à travers nos colonnes que pour développer le sport, il faut que les moyens suivent. Mais voilà qu’on annonce la baisse du budget de votre ministère en 2015. Quel commentaire cela vous inspire ?
Quand on parle de moyens, il ne s’agit pas uniquement de moyens financiers même si l’argent est le nerf de la guerre, comme on le dit souvent. Il faut fédérer toutes les énergies. C’est cela les moyens. Par rapport à la baisse du budget, je pense que la détermination du Président Macky Sall pour accompagner le sport n’est plus discutable.
Et ce n’est pas parce que le budget du ministère a baissé qu’il ne va pas tenir sa promesse de le porter à 1% du budget national. Maintenant, il faut savoir que le programme d’infrastructures des Chinois prend fin et que ça impacte sur le budget du ministère des Sports. La baisse, ce n’est pas qu’au niveau des infrastructures parce que là c’est environ 400 millions Cfa.
Cette baisse s’inscrit dans un contexte général de diminution du budget de fonctionne- ment des ministères et des services pour montrer qu’il y a une rationalisation des dépenses publiques. Mais cela ne nous empêchera pas de continuer à travailler pour le développement de notre sport.
Vous êtes un ancien président de l’Oncav. Comment voyez-vous l’avenir des navétanes ou championnat populaire ?
Le championnat national populaire occasionne une mobilisation exceptionnelle. C’est un mouvement qui mérite d’être encadré et accompagné parce que partout au Sénégal on fait la même chose en août.
Tout le monde est acteur du mouvement navétane qui a ses réussites et ses difficultés. Les responsables qui ont en charge de le faire fonctionner doivent anticiper et corriger au fur et à mesure que ça évolue, parce que le navétane de 1995 n’est pas le même que celui de 2014. Il faut y apporter des innovations pour permettre aux populations d’en bénéficier davantage.
Il faut l’orienter vers l’économie, vers l’emploi des jeunes et ça je pense qu’ils le comprennent. Les acteurs du mouvement navétane sont en train d’accompagner l’Etat. Lors des phases nationales organisées à Tambacounda, j’ai vu que la ville était inondée d’affiches et de banderoles pour soutenir le ministère de la Santé dans sa lutte contre le virus Ebola, ça c’est extrême- ment important et c’est à saluer.
Comment conciliez-vous vos fonctions de maire et de ministre ?
C’est seulement une question d’organisation. Etre maire et ministre au 21ème siècle ne pose plus aucun problème, parce que même si on n’est pas présent physiquement on l’est à travers les Technologies de l’information et de la communication (Tic).
De plus, je passe tous mes week-ends chez moi et je suis tout le temps en contact avec mes adjoints ainsi que l’ensemble de l’équipe municipale restée à Fatick.