''POUR LA PREMIÈRE FOIS, NOUS CÉLÉBRONS LE MOIS DE L’HÉRITAGE SANS NELSON MANDELA''
ABEL MXOLISI SHILUBANE, AMBASSADEUR DE L’AFRIQUE DU SUD AU SENEGAL
L’Ambassade d’Afrique du Sud au Sénégal prépare activement la célébration du « Heritage month » ou mois du Patrimoine prévue à partir de demain (24 septembre). Cette année, la célébration de cet évènement revêt une importance à plus d’un titre ; en ce sens qu’elle coïncide avec les 20 ans de démocratie et de liberté de la Nation Arc-en-ciel. Dans cet entretien, l’ambassadeur de l’Afrique du Sud au Sénégal, Abel Mxolisi Shilubane, revient sur le sens du « Heritage month », le vide laissé par Nelson Mandela, son héritage, les activités culturelles prévues tout au long de la manifestation.
L’Afrique du Sud célèbre, ce 24 septembre, comme c’est le cas chaque année, la semaine de l’héritage (The Heritage month). Quel est le sens de cet évènement ?
Il faut d’abord souligner que le mois de septembre a été déclaré mois de l’héritage en Afrique du Sud. C’est le moment durant lequel les Sud-Africains sont appelés à célébrer certains aspects de leur culture et de leur patrimoine. Les Sud- Africains sont aussi invités à exprimer leur créativité en participant à des évènements musicaux et artistiques.
2014 est une année spéciale, car la célébration coïncide avec celle des 20 ans de notre démocratie et de notre liberté. C’est l’année où nous réfléchissons sur les progrès qui ont été effectués dans la réalisation et la concrétisation du rêve de l’ancien président, Nelson Mandela, qui consistait à faire en sorte que la diversité de notre héritage soit respectée et reconnue.
C’est aussi la première fois que nous célébrons le mois de l’héritage sans notre père, notre ancien président, le défunt Nelson Mandela. C’est pourquoi, nous avons décidé, en tant que Nation, de célébrer cette édition en lui rendant hommage.
En résumé, que peut-on retenir de l’héritage de Nelson Mandela ?
Malheureusement, c’est la première fois où nous célébrons le mois de l’héritage sans Nelson Mandela. Il faut souligner que l’une des choses essentielles que nous devons nous rappeler est que, même durant les périodes difficiles, il faut toujours s’asseoir autour d’une table et discuter des problèmes, en respectant les autres et leurs opinions.
Qu’est-ce que cela vous fait de célébrer le « Heritage month » sans Nelson Mandela ?
Il y a un sentiment de vacuité, de vide. On sent le vide créé par l’absence de l’homme. Au même mo- ment, on apprécie ce qu’il a fait pour nous. On commence à s’interroger en tant qu’individu sur ce qu’on peut faire pour combler ce vide.
L’absence de Mandela est devenue un défi dans le continent africain. Car, on se demande comment faire avancer les populations et le continent.
Au-delà de l’hommage qui sera rendu à Mandela, quelles seront les autres activités ?
Pour l’Ambassade sud-africaine au Sénégal, cet évènement a une signification particulière. L’histoire qui n’est pas racontée probablement à l’opinion et dont les journalistes ne parlent pas est que c’est à l’Ile de Gorée que les parties en conflit, le parti au pouvoir et l’Anc, se sont rencontrés pour arrondir les angles.
C’est pourquoi, l’Ile de Gorée, revêt une importance capitale pour les Sud-Africains. C’est là où les deux parties se sont rencontrées et ont accepté de négocier sans un médiateur pour régler leur problème. Nous allons célébrer cet évènement avec les Sénégalais pour dire au Sénégal, merci de son soutien à la libération de notre peuple et à la construction d’une Nation libre.
L’Ile de Gorée symbolise l’esclavage, mais il symbolise également un autre élément : la liberté pour beaucoup de gens. C’est une chose essentielle que les gens doivent savoir à propos de l’Ile de Gorée.
En quelle année, les deux parties se sont-elles rencontrées à l’Ile de Gorée ?
C’est en 1987 que cette discussion a eu lieu à Gorée. Et nous avons encore un certain nombre de personnes au Sénégal qui ont joué un rôle important dans l’histoire de l’Afrique du Sud et sa libération.
Y a-t-il d’autres activités prévues ?
Il y aura deux principales activités. La première sera une exposition en hommage à Nelson Mandela. Elle aura lieu du 24 au 30 septembre au musée Théodore Monod de l’Ifan, à la Place Soweto.
Le 26 septembre, on aura une soirée culturelle au Grand Théâtre avec la participation d’artistes sénégalais et sud-africains notamment l’orchestre Limpopo et les danseurs zoulous. Pour l’exposition, des artistes sénégalais de renom vont exposer des œuvres d’art sur la vie de Nelson Mandela.
Il faut aussi souligner que parmi les artistes locaux qui seront présents, il y a Suzanne Camara, Pape Niang, pour ne citer que ceux-là. Il est essentiel de savoir que l’Ambassade d’Afrique du Sud travaille en étroite collaboration avec le ministère de la Culture qui est très impliqué dans la réalisation de cette activité.
Nous avons aussi d’autres partenaires notamment le Codesria, le Centre d’Information des Nations unies, la South African Airways, Ngululu, l’Université Cheikh Anta Diop et d’autres compagnies sud-africaines.
Le legs de Mandela est très lourd. Pensez-vous que l’Afrique sera en mesure de bien veiller à cet héritage ?
D’abord, si nous regardons en arrière, les 10 dernières années, nous nous rendons compte que les conflits ont diminué sur le continent. Ensuite, nous sommes tous conscients que c’est l’incapacité à partager qui entraîne souvent les conflits. Il y a plusieurs années, certains qui étaient au pouvoir ne voulaient pas quitter. Ce temps est aujourd’hui révolu.
Comment sauvegarder l’héritage de Nelson Mandela ? La seule façon de le faire, c’est de transmettre, comme on l’a dit lors d’une table ronde à l’Université Cheikh Anta Diop, les valeurs et la personnalité de Nelson Mandela aux jeunes générations.
Finalement, je ne crois pas que c’est seulement de la responsabilité de l’Afrique du Sud de sauvegarder l’héritage de Nelson Mandela parce qu’il n’appartient pas à ce seul pays. Il appartient au continent et au monde. La question de la sauvegarde de l’héritage de Mandela s’adresse donc à tous.
Vous avez fait état de l’implication du ministère de la Culture et de la Communication à cet évènement. Pouvez- vous nous faire le point sur l’état de la coopération entre le Sénégal et l’Afrique du Sud ?
Je dois vous rappeler que s’il y a un ministère qui nous a particulièrement assistés pour l’organisation de cette manifestation, c’est bien le ministère de la Culture et de la Communication. Dès qu’on a parlé avec le ministre Mbagnick Ndiaye, il a tout de suite donné son accord bien qu’il soit nouveau à ce poste. Il faut aussi se rappeler que l’année dernière, lors de la visite d’Etat du président Zuma, un accord de coopération culturelle a été signé entre les deux pays.
Les évènements prévus à l’occasion de la célébration du « Heritage month » entrent donc dans ce partenariat culturel. Le ministère de la Culture et de la Communication a contribué, de manière significative, à la réalisation de cette activité afin que celle- ci soit un succès. On peut dire que grâce à lui, on aura une manifestation couronnée de succès.
La coopération entre les deux pays est donc au beau fixe ?
Nous sommes en train d’avancer très rapidement vers une coopération économique. Et nous devons matérialiser cela très rapidement parce que nos populations, notamment les jeunes, ont besoin de travailler, d’être des citoyens responsables.
Tous les deux gouvernements doivent, du coup, s’assurer que cela ait lieu. Il y a beaucoup d’activités en cours sur le plan économique.
D’ailleurs, vous verrez très prochainement que les investissements de l’Afrique du Sud au Sénégal ont augmenté. Je voudrais rappeler que l’Afrique du Sud est une jeune démocratie. C’est un pays qui célèbre le mois de l’héritage en tant que jeune démocratie. Et nous espérons que cet évènement nous donnera l’occasion de célébrer, ensemble, avec les Sénégalais, pas seulement la liberté politique mais aussi la liberté économique.