POURQUOI IL FAUT REVOIR LA LOI SUR LA PARITÉ
Quand on est républicain, on ne peut fermer les yeux encore moins la bouche sur l’attitude des autorités de Touba, qui ont décidé de bafouer la loi sur la parité. D’abord en érigeant une liste excluant les femmes. Ensuite, en prenant la ferme résolution de la maintenir.
En République les lois sont faites pour être respectées, parce qu’elles sont impersonnelles et générales. De ce fait, elles s’appliquent à toutes les catégories de citoyens dans le temps et dans l’espace. Parce qu’elles ne sont pas exclusives et particulières, aussi. Les exceptions y sont rares, édictées, codifiées et encadrées… par les lois.
Le comportement du ministre Mbaye Ndiaye, très proche collaborateur du Président Macky est tout simplement désarçonnant. Un ministre de la République ne peut, sous quelque prétexte que ce soit, accréditer des attitudes d’opposition à l’application de la loi. La CENA a pris ses responsabilités en demandant l’invalidation d’une liste pas conforme aux exigences de parité énoncées par la loi. Elle est dans ses droits.
Ce n’est pas un «administratif» encore moins un «politique» de décider la validation d’une liste qui s’écarte volontairement des normes légales en vigueur. Même si, il est vrai, les autorités religieuses de Touba ont parfaitement la latitude de se référer à leurs pratiques et à leur histoire propre. Il se trouve simplement la loi sur la parité connaît déjà une application dans les législatives de 2012 et autres consultations à caractère électif.
Le gouvernement, garant des lois, a le devoir de les faire appliquer. Autrement, il prendrait le risque de laisser une brèche largement ouverte pour tous les abus. Pis toutes les listes invalidées pour non-respect de la loi de la parité pourraient s’en prévaloir pour exiger de bon droit leur réhabilitation. C’est le charivari en perspectives ! Chacune pouvant se réclamer de sa particularité, locale, religieuse, ethnique, sociétale pour demander une exception. Et les autorités administratives et judiciaires n’auraient d’autres moyens que de le leur accorder.
Dans ces conditions, autant annuler ces élections, et revoir profondément notre texte fondamental. La constitution ne serait plus alors arrimée aux principes fondamentaux de libertés essentielles, mais aux particularismes. Et on déciderait alors du modèle de nation que nous voulons construire. Le gouvernement ne peut esquiver la question et la ravaler à un simple niveau anecdotique. Ou pratiquer la politique de l’autruche, prévoir de ne rien voir.
Récemment un ministre de la République, s’est vu interdire l’accès de Touba, pour dérapage sémantique, sans réaction du gouvernement. Aujourd’hui c’est un déni de droit aux femmes de Touba et une violation d’une loi. Que fera le gouvernement ? Que fera la coalition Benno Bok Yakar, dont une des factions (le PS, par la voix de son porte-parole) a déjà indiqué sa voie, la validation, contre la loi, de la liste de Touba ?
Paradoxalement, le gouvernement de Macky Sall n’est que le malheureux héritier des errements du régime précédent. Abdoulaye Wade, pour mobiliser les femmes au profit de son élection, a cru devoir leur offrir ce cadeau, qu’est la parité. Sans réelle consultation populaire, sans discussions approfondies entre toutes les franges de la population. La démagogie de Wade est allée tellement loin.
La loi ne prévoit qu’une seule alternative, en cas de non-respect, l’annulation. Alors que dans nombre de pays européens, en France notamment, c’est la sanction financière qui est appliquée.
Dans les années 70, le gouvernement de Senghor avait pris le soin de passer par les étapes de la négociation, d’un brainstorming collectif, avant de faire voter le code de la famille. Les autorités religieuses confrériques, et pas des moindres, s’y étaient opposées. Mais des imams et autres prédicateurs crédibles, avaient donné leur onction à ces textes, en dépit de ses nombreuses insuffisances et des privilèges qu’il semble accorder aux femmes. Mais la loi est passée. Elle est appliquée depuis, ancrée dans nos mœurs, parce qu’elles répondaient à une attente. Avec ses imperfections, certes.
Les Assises nationales ont fait de la sorte. Récemment, malgré toutes les critiques faites à la Commission Nationale de Réforme des Institution (CNRI), ses conclusions reflètent largement les opinions des Sénégalais dans leur diversité. La loi sur la parité n’est pas passée par ces fourches caudines. Elle décalque malencontreusement des idées reçues en Occident, mal digérées par des groupes de féministes, gavées et entretenues par les ONG internationales de défenses des droits de la femme.
La loi sur la parité est une absurdité, puisqu’elle se fonde sur l’espérance mathématique, l’arithmétique, le principe de l’égalité parfaite et non l’équité. Elle est fondée sur le particularisme- la même remarque qu’on fait aux autorités de Touba-, la discrimination prétendument positive. En cela elle constitue bel et bien un ersatz de liberté, d’émancipation, une simple aspiration de groupes féministes extravertis. Et non une exigence de l’écrasante majorité des femmes sénégalaises.
Ce n’est pas étonnant d’ailleurs que cette loi ne s’applique qu’aux fonctions électives, certes non exclusivement politiques, mais essentiellement politiques.
En France le pourcentage de femmes au parlement est plus faible que le nôtre. Et après… Cela suffit-il pour notre égo national ? Est-ce que pour autant que notre démocratie est qualitativement supérieure à celle de l’Hexagone ? Est-ce- que les femmes sénégalaises prises dans le terrible engrenage de la pauvreté, de la misère sociale, de l’analphabétisme, ont plus de voix au chapitre que leurs sœurs européennes ?
Quel est l’apport des femmes à l’Assemblée nationale dont on dit d’ailleurs que le niveau de réflexion a baissé ? En quoi la sensibilité femme est-elle mieux défendue, entre avant et maintenant ?
Une grosse pierre est jetée dans le jardin du gouvernement, qui doit payer la note salée de Wade. Revenir sur la loi est une exigence. Non pas pour céder aux pressions de foyers religieux. Mais pour corriger une absurdité télécommandée, et sans prise réelle avec les véritables exigences des femmes : l’accès et le maintien à l’école, aux mêmes chances, à l’emploi et aux responsabilités, à la propriété foncière.
Il faut espérer que la réaction des autorités de Touba, ait au moins servi à faire prendre conscience à toute la nation des absurdités d’une loi qui fera encore plus de vagues, car les féministes préparent déjà leur plan de bataille. Ce gouvernement a vraiment du souci à se faire !