POURQUOI WADE TRAQUE IDY
L’enfant "prodige" étant toujours dans les liens de la détention, pour on ne sait combien de temps encore, le leader du Pds a finalement décidé de s’appliquer l’adage selon lequel à l’impossible nul n’est tenu. D’autres diront faire contre mauvaise fortune bon cœur. Le rapprochement envisagé avec l’enfant "banni" n’a pas d’autre explication.
Le meeting du Front patriotique pour la défense de la République (Fpdr), tenu vendredi dernier à la place de l’Obélisque, a vécu. Pour ne pas dire qu’il a tenu toutes ses promesses, notamment au chapitre de la mobilisation. Ça c’est côté cour. Sauf que, côté jardin, des signaux ont été émis pour aller dans le sens de doter, ici et maintenant, la grande famille libérale d’un candidat capable de croiser le fer avec Macky Sall, en 2017 ou 2019, avec de réelles chances de succès. C’est toute la signification que revêt l’appel lancé à Idrissa Seck, lors de ce rassemblement aux relents de démonstration de force, par le leader de la Convergence démocratique "Bok Gis-Gis", Pape Diop.
VICTOIRE EN 2017. Accueilli lors de sa prise de parole par un concert de "gnibissil" (rentre à la maison), celui qui a présidé sous le magistère de Wade aux destinées de l’Assemblée nationale et du Sénat a surpris son monde. "La famille libérale est une et indivisible. Elle reste entièrement derrière son leader, le Président Abdoulaye Wade. Quelles que soient les vicissitudes du moment, il arrivera un jour où nous nous retrouverons ; ma présence ici peut vous rassurer", martèle, d’emblée, le membre fondateur du Front patriotique pour la défense de la République (Fpdr).
Très satisfait de la forte mobilisation, l’ancien maire de Dakar de 2002 à 2009 assimile le meeting à la clôture de la campagne électorale de 1988. Et, comme pour convaincre les plus sceptiques que les retrouvailles de la famille libérale ne sont pas une simple vue de l’esprit, Pape Diop tend une main fraternelle au Président du parti Rewmi : "Soyons unis pour chasser Macky Sall du pouvoir. Je demande à notre frère Idrissa Seck de venir aux côtés de Me Wade. C’est un libéral. Ensemble, nous allons reconquérir le pouvoir en 2017."
CIMETIERE DE PACHYDERMES. Dès lors, une seule question, et non des moindres, taraude l’esprit des observateurs avertis : de quel titre se prévaut l’ex-Trésorier du Parti démocratique sénégalais (Pds) pour jouer à l’entremetteur entre la "constante libérale" et ses disciples en rupture de ban avec la maison du père... spirituel, voire d’adoption ? Allez savoir. Résultat des courses, ils sont nombreux, les Sénégalais, à penser que Pape Diop, qui a fini de peaufiner avec Wade les conditions de son retour au bercail, a voulu jouer sur deux registres : baliser son chemin et se doter d’un parrain.
En effet, ses relations d’une extrême intensité avec l’ancien tout puissant ministre d’Etat et directeur de Cabinet de Wade à l’aube de la première alternance, sont un secret de polichinelle. Tout comme, il est de notoriété publique que certains faucons du Pds feraient de Pape Diop, qui a fini par se rendre compte qu’il n’est rien sans Wade, une bouchée dès qu’il fera son comeback dans la barque bleue. Toutes choses qui font que le leader de "Bok Gis-Gis" a bien mûri son coup.
Reste à savoir si Idrissa Seck répondra favorablement à cet appel désespéré d’un Pds devenu, par la force des choses, un cimetière de pachydermes.
HÉRITAGE DES VERTUS. Il y a, d’abord, la suspicion née d’une rumeur têtue et persistante, selon laquelle beaucoup de dignitaires libéraux visés par la traque aux biens supposés mal acquis ont transigé en catimini pour échapper aux griffes de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Au point de fuir le combat politique ? Rien n’est mois sûr. Quid de ceux qui n’attendraient que le moment opportun pour rejoindre le "frère Macky Sall" qu’il faut tirer de ses alliés de circonstance ?
Et, pour ne pas inciter à un optimisme béat, Wade traîne encore les pieds pour organiser un congrès aux fins de procéder à une redistribution des cartes et ouvrir sa succession. Mais, croient savoir les mauvaises langues, le maintien du statuquo ne vise qu’à mettre Karim Wade, une fois élargi de prison, en selle. Une perspective monarchique loin d’enchanter nombre de pontes libéraux.
Aussi, pour faire preuve de Realpolitik, Wade est condamné à pactiser avec Idrissa Seck. Car, il y va de son incompressible désir de solder ses comptes avec Macky Sall mais surtout de la survie d’un Pds à la croisée des chemins. Au fait, qui disait que l'héritage le plus sûr est celui des vertus ?