VIDEOPurge au Zimbabwe: Mugabe limoge sa vice-présidente et huit ministres
AFP - Le vieux président zimbabwéen Robert Mugabe, au pouvoir depuis 1980, s'est livré mardi à une vaste purge en limogeant sa vice-présidente, Joice Mujuru, un temps vue comme son héritière, ainsi que huit ministres proches d'elle.
Cette purge met fin à une campagne menée depuis plusieurs semaines au sein de la Zanu-PF, le parti au pouvoir, pour isoler la vice-présidente et ses partisans, en pleine bataille pour la succession du chef de l'Etat, âgé de 90 ans.
"Le président RG Mugabe a exercé ses pouvoirs exécutifs pour libérer l'honorable Joice Mujuru (...) de son poste de vice-présidente de la République du Zimbabwe, avec effet immédiat", a indiqué dans un communiqué le secrétaire en chef du gouvernement, Misheck Sibanda.
"Il est devenu évident que sa conduite dans l'exercice de ses fonctions était devenue incompatible avec le niveau attendu, présentant un conflit entre les responsabilités officielles et des intérêts privés", a-t-il ajouté.
Robert Gabriel Mugabe a également congédié mardi huit ministres proches de Mme Mujuru (Affaires présidentielles, Information et Communication, Indigénisation, Education supérieure, Services publics, Energie et province du Mashonaland oriental).
Joice Mujuru, ancienne combattante de l'indépendance et longtemps considérée comme probable héritière du vieux président, a été accusée pêle-mêle d'incompétence, de corruption et de complot pour assassiner le "père de l'indépendance" du pays.
Le congrès de la Zanu-PF, la semaine dernière, l'avait déjà exclue du comité central, tandis qu'il reconduisait M. Mugabe à la tête du parti et plaçait son épouse Grace, 49 ans, à la tête de l'influente Ligue des femmes.
Le président et son épouse n'avaient pas été avares de critiques à l'égard de Joice Mujuru, veuve d'un ancien compagnon d'armes du président, décédé en 2011 dans le mystérieux incendie de leur maison.
Grace Mugabe a, entre autres amabilités, affirmé que Mme Mujuru était incompétente et que son mari faisait l'essentiel de son travail.
'Campagne de dénigrement'
Quelques heures avant d'être destituée, Joice Mujuru, 59 ans, a dénoncé "une campagne de dénigrement bien orchestrée et un abus flagrant de l'appareil étatique".
"Une tentative bruyante a été faite pour me présenter comme +traîtresse+, +assassin+ et +vendue+, mais pas un iota de preuve n'a été produit pour donner du crédit à ces allégations", a-t-elle souligné, s'estimant victime d'une cabale après avoir dénoncé l'infiltration de comploteurs visant à détruire le parti.
Entre le président Mugabe et sa vice-présidente, les "relations étaient irrémédiablement détruites et son limogeage inévitable", a déclaré à l'AFP Charles Mangogera, du centre d'études Porterhill Research.
"Vu ses réactions, on peut considérer qu'elle va se lancer dans un combat judiciaire. Elle ne va pas se laisser faire", a-t-il poursuivi.
"Ca va considérablement affaiblir la Zanu-PF", a-t-il assuré.
En 2008, les divisions avaient coûté cher à la Zanu-PF, arrivée en deuxième place au premier tour de la présidentielle, avant que l'opposition ne déclare forfait, victime d'un déferlement de violences qui avaient fait 200 morts.
Selon le chercheur, "les choses vont empirer, les gens vont perdre confiance dans le système politique, et cela envoie un mauvais signal aux investisseurs".
Robert Mugabe doit désigner mercredi ou jeudi les deux nouveaux vice-présidents de la Zanu-PF, de même qu'il doit compléter son équipe gouvernementale.
Le parti est déchiré depuis plusieurs années par une guerre de succession, opposant notamment Joice Mujuru et le ministre de la Justice Emmerson Mnangagwa --qui dans le passé a contrôlé la police secrète et l'armée-, pour remplacer un jour M. Mugabe.
Emmerson Mnangagwa, qui à 68 ans vient d'être nommé au comité central du parti, semble maintenant bien revenu dans la course.
Mais, en la nommant présidente de la puissante Ligue féminine de la Zanu-PF, le chef de l'Etat, qui aura 91 ans en février, a officiellement placé son épouse dans la course à sa succession.
Cette spectaculaire lutte pour le pouvoir intervient en plein délabrement de l'économie zimbabwéenne, sous perfusion chinoise alors que les investisseurs n'apprécient guère la politique d'"indigénisation", le transfert de propriété économique à des Zimbabwéens noirs, parfois proches du pouvoir.