QUAND LA PAUVRE AFRIQUE ENRICHIT L’OCCIDENT

La fuite des capitaux est devenue un fléau qui éprouve rudement les ressorts des économies africaines. Les rapports sur le fléau se suivent et se ressemblent avec des chiffres astronomiques qui indignent. Au cours de ces cinquante dernières années, ce sont 850 milliards de dollars qui ont quitté le continent le plus pauvre de la planète, selon le directeur exécutif de Trust Arica, Akwasi Aido.
Et celui-ci n’avait pas hésité de parler d’"énorme système de mafia dans les pays africains et une maintenance d’une culture de non redevabilité". Un rapport conjoint de la Banque africaine de développement (Bad) et de l’Ong américaine Global financial integrity révèle que de 1980 à 2009, l’Afrique a perdu entre 1.200 et 1.400 milliards de dollars du fait de la fuite des capitaux.
Ce qui est l’équivalent de son produit brut actuel. Selon l’Ong Osiwa, les flux financiers illicites (provenant d’activités criminelles, de la corruption, de la fraude fiscale, de la contrebande, de pots-de-vin, etc.) ont augmenté de 23 % entre 2002 et 2011. De l’argent qui provient de transactions commerciales frauduleuses entreprises par des firmes internationales.
En effet, ces transactions sont un moyen de ne pas s’acquitter des taxes à payer aux Etats dans lesquels ces sociétés disposent de succursales.
Cependant, il faut préciser que la fraude fiscale, qui est un délit, diffère de l’évasion fiscale, qui profite des failles des textes. Mais les deux ont les mêmes méfaits : elles privent le continent de ressources financières.
Pendant que des milliards de FCfa quittent, en toute illégalité, le continent, l’aide publique au développement en direction l’Afrique subsaharienne a doublé en valeur absolue entre 2000 et 2010, passant de 14,5 milliards de dollars à 29,5 milliards de dollars. Une dépendance à l’investissement extérieur qui nous interpelle par rapport au niveau faible de l’investissement endogène.
Au moment où des Africains placent leur argent dans des banques occidentales, les préférant à nos systèmes bancaires très bien assainis maintenant et présentant toutes les garanties de sécurité, leur patrie a souvent besoin d’investissement à long terme pour financer le développement.
En quelque sorte, ces Africains enrichissent les pays occidentaux en leur apportant davantage de liquidités.
Comme le disait Raymond Baker, président de l’Ong Global financial integrity, l’Afrique est le créancier net du reste du monde depuis des décennies. Dans la même veine, le commissaire en charge de l’agriculture de la Cedeao, Marc Atouga déclarait : "nous devons d’abord compter sur nos propres ressources avant de solliciter l’extérieur".
A l’heure où les pays africains visent l’émergence, il est temps que le secteur privé joue sa partition en investissant dans le développement.
A l’instar des Etats-Unis qui exigent aux banques étrangères des renseignements sur les comptes de leurs ressortissants afin qu’ils paient à Uncle Sam l’impôt sur cet argent hors du pays, les Africains devraient se liguer pour combattre la saignée dont ils sont victimes.