QUAND LE GASPILLAGE ALIMENTAIRE FAIT L’AFFAIRE DES ANIMAUX DOMESTIQUES
RAMADAN - DES PLATS ET RESTES DE NOURRITURE A LA POUBELLE OU OFFERTS AUX MOUTONS…
Parti pour être une période propice pour faire des économies, pour des actes de solidarité et d’entraide, de soutien au plus démunies, à l’arrivée, le Ramadan rime avec gaspillage alimentaire au Sénégal. En atteste, les ménages, les femmes en l’occurrence, font des provisions et préparent des mets dont ils ne peuvent consommer la totalité après la rupture du jeûne. Conséquence, dans les quartiers et localités du pays, les restes de cette nourriture sont jetés dans les poubelles, dans les rues ou offerts aux éleveurs de moutons et autres animaux domestiques. Un acte que déplore une grande partie de la population qui pense que c’est à l’encontre des préceptes des religions révélées qui interdisent toutes le gaspillage. Reportage.
Le Ramadan rime-t-il avec une période de gaspillage au Sénégal ? Tout laisse à le croire, vu certains agissements d’une frange de la population, les femmes à l’occurrence. En effet, souvent, pendant le mois béni, la nourriture prend une place trop importante dans la vie du jeûneur avec des habitudes culinaires, des denrées alimentaires très variés, un budget alloué à la nourriture à la hausse, sans compter tout le temps passées par des ménagères dans leur cuisine à préparer d’innombrables mets.
Bref, des foyers préparent des quantités énormes de nourritures, surestimant souvent les capacités de l’estomac du jeûneur: des plats préparés à gogo, du jus de toutes natures, des fruits, du café, du quinqueliba, du jambon, saucissons, du corn-bœuf…juste pour rompre le jeun. Malheureusement, au sein de ces ménages, dès le lendemain, le surplus de nourriture devient ordures, s’il n’est pas destinée aux animaux domestiques, les plus «chanceux». Ces comportements sont déplorés par un bon nombre de personnes. Parmi elles, Mme Ndèye Diop Traoré, commerçante de son état et habitant à Pikine.
De teint clair, le nez long un peu épaté, les yeux biens tirés, la dame, debout sur ses 1,70m, était bien dans son grand boubou voile bleu. Assise devant le portail de sa maison, une calebasse à la main, elle triait tranquillement son riz. Après les salutations d’usage, Mme Diop, le foulard bien noué autour de la tête, confie: «ce que je vois au Sénégal me dépasse. Parce que je ne n’arrive toujours pas à comprendre l’agissement de certaines personnes», dit-elle.
«Ce qui me fais mal, c’est que tout ce gaspillage est causé par les femmes»
Avant de s’interroger: «comment se fait-il que lors du mois de Ramadan les dépenses soient plus exorbitantes que les autres mois? Ce n’est pas normal avec cette conjecture qui secoue le pays. Et ce qui me fais mal c’est que tout ce gaspillage est causé par les femmes». A l’en croire, ces dernières devraient jouer le rôle de régulatrices au sein des foyers et d’économistes, mais la plupart du temps elles ne le font pas.
«Au lieu de se limiter à la qualité qu’elles avaient l’habitude de préparer avant le Ramadan ou d’en rajouter un peu, elles la multiplient par quatre des fois. Le pire, quand arrive l’heure du «ndogou», prés de quatre à cinq plats sont servis avec une variété de jus de toutes les saveurs. Ce qui fait que ne pouvant pas tout manger, ils vont se voir obligés de donner les restes aux éleveurs de moutons, de les jeter dans les rues ou dans les corbeilles car ne pouvant les utiliser. Cela n’est pas bien. La religion, l’Islam a formellement interdit le gaspillage et je pense que c’est pareille pour les autres», note-t-elle.
Réajustant de temps à autre son foulard de tête, Mme Diop ajoutera toutefois: «je suis tout à fait d’accord qu’il faut préparer de bon mets pour faire plaisir à la famille et leur donner l’occasion de bien manger à leur faim après une longue journée de jeun. Car il n’il y’a pas mieux que de voir ses enfants heureux, mais il faut juste préparer ce dont on a besoin». Son plaidoyer envers les populations, surtout les femmes, c’est de diminuer le gaspillage mais aussi de préserver leur santé car «trop manger peut créer des complications pour l’organisme».
«…trop manger, ce n’est pas digne d’un bon croyant»
Son ami Tata Fanta, qui a suivi la conversation dira que le gaspillage a toujours été banni car ce n’est pas quelque chose de bien durant le Ramadan comme en dehors de ce mois. «J’estime surtout que trop manger, ce n’est pas digne d’un bon croyant dans la mesure où ça peut rendre paresseux et faciliter notre sommeil mais aussi diminuer notre pratique de la religion» expliqué-t-elle.
Quelques phrases de remerciements, nous prenons congé de nos interlocuteurs, Mme Diop et son ami. Pendant ce temps, le soleil continuait de faire son bon bout de chemin. Nous faisons cap sur le rond point du marché «Zing». Ici, des vendeurs de jeans, de chemises, de bodys mais aussi des marchands de jus de fruits, de dattes, de cure-dents, de lait, de beurre, de tout genre de produits, inondent les trottoirs.
Non loin d’eux, Serigne Mboup est soigneusement assis sur une chaise sous l’arbre à palabre, un chapelet à la main. Le vieux, vêtue d’un «sabador» gris, la soixantaine révolue, était en pleine discussion avec ses amis. Après les salamalecs, le vieux Mboup nous invite à prendre place sur une natte, sur laquelle étaient déjà assis d’autres personnes du troisième âge. Le sujet de notre reportage décliné, notre interlocuteur, un peu hésitant, après quelques gesticules, racle sa voix, repositionne son bonnet rouge, puis nous fais face.
«Ce qui est bizarre, c’est que des pauvres gaspillent plus que les riches»
Entièrement à notre disposition, le vieux conseille aux Sénégalais à revoir leur position. «Notre pays fait partie des plus pauvres du monde. On n’est pas riche, mais ce qui est bizarre, c’est qu’on gaspille plus que les autres qui ont les moyens. C’est vrai que durant ce moi béni on a tendance à souvent verser les restes de la nourriture mais en dehors de ce mois aussi on le fait». Il déplore également les gaspillages lors des grands événements religieux comme la Tabaski et la Korité ou d’autres occasions. Vieux Fall suggère aux populations de changer de comportements pour pouvoir atteindre l’émergence tant prônée. «Arrêtons le gaspillage et prônons l’économie», dit-il. Alors vivement pour un changement d’habitudes alimentaires pendant le Ramadan.
DANS LE SAINT CORAN, IL EST DIT: «...Dieu n’aime pas ceux qui gaspillent»
Le Ramadan est un mois spécial pour la communauté musulmane toute entière. Seulement, au Sénégal, il semble être une période par excellence de gaspillage alimentaire avec des dépenses exorbitantes pour de la nourriture qui, pour l’essentiel, finit dans des poubelles parce que le ventre du jeûneur n’aura pas pu contenir toute la mets. Pourtant, au-delà de l’aspect écologique que ces ordures posent, l’Islam déteste le gaspillage alimentaire.
Dans le Saint Coran, Dieu nous dit: «Ô vous qui croyez ! Ne vous interdisez pas les bonnes choses que Dieu a rendues licites pour vous, en évitant cependant tout excès, car Dieu n’aime pas ceux qui dépassent les limites permises.» (Sourate La Table servie, verset 87). Dans un autre de chapitre, Le Seigneur dispose: «C’est Lui qui a créé les jardins treillagés et non treillagés, les palmiers et les cultures au goût si varié, l’olivier et le grenadier de mêmes espèces ou d’espèces différentes. Mangez de leurs fruits quand ils ont atteint leur maturité, et acquittez-en la dîme le jour de la récolte ! Mais évitez tout gaspillage, car Dieu n’aime pas ceux qui gaspillent.» (Sourate Les animaux, verset 141)
Dès lors, il faut adopter donc le meilleur comportement envers la nourriture en restant prudents, en évitant surtout d’acheter ou de préparer plus que ce que l’on a besoin. Bref, il ne faut pas avoir «les yeux plus gros que le ventre, même lorsque parfois, la faim et la gourmandise nous guettent».