Quand les commandes des tailleurs virent au «correctement acceptables»
CHANGEMENT D’HABILLEMENT DES FEMMES DURANT LE MOIS DE RAMADAN

Comme tous les ans, le mois de Ramadan est très attendu par la population musulmane et surtout par les femmes. Si les parents s’activent à acheter le ravitaillement qu’il faut pour assurer un bon Ramadan aux enfants, les jeunes filles, elles, s’intéressent à leur habillement. Un port vestimentaire qu’elles changent complètement au moins durant la première quinzaine de ce mois béni. En effet, les Jeans, bodys, robe et jupe sexy seront rangés au fond des armoires pour céder la place aux tenues traditionnelles, plus décentes.
Et ce ne sont pas les tailleurs, les vendeurs de tissus et de vêtements prêts à porter qui diront le contraire. Ces derniers ont déjà complètement changé de marchandises. «Au mois de Ramadan, les femmes portent des habits décents, donc nous sommes obligés de nous conformer aux besoins de la clientèle, composée essentiellement de femmes», se justifie Abdou Sarr, tailleur au marché Grand Yoff qui parle d’une période où c’est le «correctement acceptable» qui est à la mode.
De teint clair, M. Sarr, qui est visiblement très concentré à coudre un wax, reconnait qu’en ce moment, les femmes préparent activement le Ramadan. Et «c’est ce qui fait que j’ai beaucoup de commandes de tenues traditionnelles. Il n’y a pas un grand rush comme en période de fête, mais on ne se plaint pas». Une situation qu’il juge «normale, vu que nous sommes au tout début du Ramadan. Et puisque la plupart des femmes changent leur mode d’habillement, je trouve que cette situation est vraiment normale. J’ai reçu mes premières commandes, dès le début du mois de juillet, donc dix jours avant le début du Ramadan et cela continue».
Cette réalité d’une «mode Ramadan», Assane Diop, également tailleur de son état et qui tient son commerce à quelques encablures de celui de M. Sarr, la confirme. Il déclare, d’ailleurs, travailler plus avec les voiles, les wax, les tissus fleurettes. «Avec le mois de Ramadan, les femmes changent leurs manières de s’habiller. Et puisque je vends en même temps des habits, je préfère investir dans ce qui marche. Il fait chaud et ces habits marchent en période de Ramadan. Car tout le monde veut avoir le maximum d’habits décents pour ce mois béni».
Chacun essaie de s’adapter à la nouvelle situation
Cependant, il faut souligner que ce ne sont pas seulement les tailleurs qui essaient de s’adapter. Les vendeurs d’habits prêts à porter et des tissus font tout aussi pour ne pas perdre leur clientèle durant ce mois d’abstinence et de prières. C’est le cas d’Amadou Kane. «D’habitude, j’évolue dans la vente des Jeans, bodys, des jupes, des robes, etc. Mais avec le Ramadan, j’associe à ces habits, les tenues traditionnelles parce que c’est ce qui marche le plus. En tout cas, c’est ce que demande ma clientèle féminine. Et vous savez bien que nous autres qui gérons des boutiques de prêts à porter, notre clientèle est surtout constituée de femmes», a-t-il fait savoir.
Mais, s’empresse-t-il d’ajouter, «au lieu de vendre la même chose que les tailleurs, je préfère faire la différence en vendant des tuniques». Un choix qui se justifie par la chaleur en cette période. «Il fait très chaud en ce moment et les femmes, qui achètent le plus, préfèrent s’habiller léger. Donc, je travaille en collaboration avec certains tailleurs et je mets en vitrine des robes légères ou des demi-saisons autant pour les femmes que pour les hommes. Parce qu’eux aussi aiment cette mode qui est confortable».
Astou Kane, la trentaine, est vendeuse de tissus et elle non plus ne se plaint pas. Entourée de trois clientes, Astou a abondé dans le même sens que les autres et reconnait qu’en période de Ramadan, la vente de certains tissus marche bien. «Avec l’approche du Ramadan, on s’est bien frotté les mains. Car les gens, changeant de mode d’habillement, sont aussi obligés d’acheter de nouveaux habits. Et comme il faut du tissu pour en coudre, cela fait notre affaire», déclare-t-elle, non sans manquer de préciser qu’il lui arrive même de travailler avec des tailleurs. «Ces derniers viennent ramasser des tissus et après la couture et la vente, ils nous payent», renseigne-t-elle.
Interpellée sur les variétés qui marchent le plus, Astou Kane déclare sans hésiter : «Les tissus légers marchent mieux parce qu’il fait chaud. C'est-à-dire les voiles, les penjâb, les khartoum, bref tous les tissus légers». «’Wer wi dafa sél’, donc il faut que ‘niou sellal, un mois yagoul» (Ndlr : Ce mois est béni, donc nous devons être décentes, un mois ce n’est rien)», dira t-elle avec un large sourire aux lèvres.
Force est aussi de noter que même les expositions de tenues au niveau des vitrines changent. Chez les tailleurs, les tenues sexy, (genre bustier, robe, mini jupe, etc.), ont fini de céder la place aux tenues traditionnelles plus... correctes. Un nouveau comportement qui fait, par exemple, l’affaire des vendeurs du marché Hlm qui sont spécialisés dans l’exposition et la vente d’habits traditionnels.