QUAND LES MAÇONS CHASSENT LES AGRICULTEURS JUSQUE DANS LEURS CHAMPS DE…NAVETS
HABITAT
La zone des Niayes est une bande de terre de 180 km de long et 15 à 30 km de large qui s’étend sur quatre (04) régions administratives que sont Dakar, Thiès, Louga et Saint Louis. Le climat qui y règne, la disponibilité en eau et la qualité de ses sols en font une zone horticole par excellence.
Elle constitue donc la principale zone de production horticole du pays (60 % de la production maraîchère nationale et 60 % des exportations horticoles), malgré la part importante de la zone de la vallée du fleuve Sénégal, des régions de Tambacounda, Kolda et Ziguinchor.
A en croire A. D., un expert de l’horticulture et ex-cadre de Bud Sénégal, le plus intéressant dans cette zone, ce sont les petites exploitations familiales qui cultivent toutes sortes de légumes autour des cuvettes formées par les dépressions inter-dunaires. Il s’agit de ce qu’on appelle les « petits périmètres maraîchers ».
« Ces périmètres constituent une part importante de la production nationale même s'il existe quelques grandes exploitations équipées de forages qui produisent pour les marchés locaux et pour l'exportation (haricots verts, tomates cerises, maïs doux, melons, pastèques, courges, mangues) » explique notre interlocuteur.
Pour la floriculture, une des branches de l’horticulture, elle est exclusivement pratiquée dans la région des Niayes autour des zones urbaines de Dakar (72 %), suivies de celles de Saint-Louis (9,4 %) et de Thiès (8 %). Ces activités jouent un rôle important dans la lutte contre la pauvreté.
« Ayant naguère souffert du manque d’organisation et de professionnalisme de ses acteurs, la floriculture connait depuis quelques années un regain d’intérêt avec un attrait commercial pour la production de plantes pour le marché local, les espaces verts et jardins (généralement des arbustes, plantes vivaces en pots) » se félicite A. D. avant de déplorer le fait que le développement de la floriculture est freiné par le phénomène de l’habitat social.
Parce que l’occupation des espaces pour cette activité dans la zone Niayes est précaire du fait de l’urbanisation. Et, surtout, du fait que la plupart des exploitants ne possèdent pas de terres puisqu’ils procèdent à la location ou à l’emprunt.
A côté de la zone des Niayes, les zones de Diamniadio, Yeen, Diass, Sébikhotane, Sindia et Mbour constituent des centres de production horticoles impactant positivement sur le développement socio-économique du pays. En effet, les productions légumières et fruitières, de par leur rendement et le prix rémunérateur des spéculations, sont une source de revenus importants pour les producteurs. Sans oublier des milliers d’emplois…
Malheureusement, la zone des Niayes, et précisément Sébikhotane et Diamniadiao, fait de nos jours l’objet d’une menace avec l’arrivée de nouvelles cités urbaines. Car ces zones regroupant les villages de Sangalkam, Ndiakhirate, Tivaouane Peul, Bambilor, Gorom, Niague, Diass, Sindia, Yeen, Diamniadio, Keur Moussa et Bayakh s’urbanisent de plus en plus sous l’action des promoteurs immobiliers. Toutes les sociétés nationales ou entreprises privées y ont des cités par le biais des coopératives d’habitat : Sonatel, Sénélec, Bolloré, Port, Comico (Armée), Gendarmerie nationale, Asecna, hôpital Le Dantec, Cité Pénitentiaire, hôpital Principal etc…
Pourtant, l’avènement de l’autoroute à péage, le futur aéroport International Blaise Diagne de Diass et le projet du pôle économique de Diamniadio devraient pouvoir constituer des opportunités pour ces zones en favorisant une bonne mise en marché des productions pouvant favoriser l’essor du sous-secteur horticole. Il n’en est rien, malheureusement !
Au contraire, chaque jour qui passe, les maçons chassent et pourchassent les agriculteurs jusque dans les champs de navets. « D’ailleurs, cette pression foncière est source de perturbation d’un écosystème déjà très sensible. Parce que la zone des Niayes, depuis les dépressions dunaires de la Patte d’oie, en passant par la zone du Technopôle jusqu’au Gandiolais, constitue une réserve riche de sa diversité en ressources végétales et faunistiques. Aujourd’hui, tout est construit ! Le Technopole, qui abritait le peu de surface qui restait à Dakar, accueillera bientôt une arène de lutte ! En attestent les géomètres qui étaient sur place, hier, à Pikine…» a déploré notre expert en horticulture.
Dans un passé pas si lointain, les quartiers de Patte d’Oie, Hann Maristes, Sips-Thiaroye, Thiaroye Azur etc. étaient des zones horticoles voire rizicoles pour certaines. Il a fallu l’arrivée de Wade en 2000 pour que tout disparaisse carrément sous la pression de l’urbanisation. A ce rythme, et dans peu de temps, les marchés Castors, Thiaroye et Tilène vont s’approvisionner en choux ou en tomates dans la Mauritanie lointaine ! Ou directement à partir du Maroc, par camions.