QUAND LES MENDIANTS LOUENT LA GENEROSITE DES JEUNEURS
DE L’AUMONE EN ABONDANCE PENDANT LE RAMADAN
Le Ramadan est le mois des rites : ceux de la religion bien entendu mais aussi ceux de la vie sociale avec les repas, les visites et l’aumône à gogo. En tout cas, les mendiants du Sénégal y tirent leur épingle du jeu. Leurs chiffres d’affaires ne cessent de grimper
S’il y en a qui ne sont pas pressés de voir le mois de Ramadan tirer à sa fin, ce sont bien les mendiants. Période de bienfaisance et de miséricorde, le Ramadan est une occasion pour les musulmans de donner l’aumône aux nécessiteux. C’est là tout le sens de cet acte de générosité des fidèles musulmans qui se fait au grand bénéfice des mendiants. Si ce mois béni est souvent un moment difficile pour les foyers, à cause de l’inflation des prix de certaines denrées de première nécessité et de la multiplication des charges familiales, les mendiants, eux, affichent une grande satisfaction, grâce à la hausse de leurs chiffres d’affaires .
Au Rond-Point Liberté 6, Aminata Sarr, mère de deux jumeaux, assise près du trottoir, affiche un large sourire. Cette trentenaire native de la région de Fatick reconnaît la générosité des Sénégalais pendant ce mois béni. «Je rentre souvent un peu tôt pendant le mois du Ramadan, vu l’abondance des recettes», nous a confié la dame. Et c’est parce que la recette du jour n'est pas seulement en nature qu’elle peut agir ainsi. «J’ai reçu une somme de 4000 francs Cfa, en plus du riz, du sucre, des dattes etc... des croyants. Mais cela n’est valable que pendant le moi du Ramadan. Car c’est le mois où les gens donnent le plus et beaucoup plus», a-t-elle reconnu.
Même son de cloche chez Dionkounda Sidibé. Originaire du Mali, cette handicapée moteur, assise sur sa chaise roulante, loue la générosité des fidèles pendant ce mois béni. «Al hamdoulilahi, nous rendons grâce à Dieu. Même si les mendiants sont nombreux dans ce lieu, chacun gagne de l’argent et d’autres produits utiles comme le sucre, le riz, etc. Vraiment, les fidèles sont très généreux envers nous, pendant le Ramadan. Ils sont plus enclins à donner l’aumône et même à donner beaucoup plus», renseigne la dame, qui n’a cependant pas accepté d’évoquer sa recette journalière.
L’enthousiasme est la même au carrefour du Triangle Sud, devant la Grande mosquée de Dakar, en face de la Rts. Loin des courses effrénées, des randonnées matinales, du faufilage entre les voitures aux ronds-points et feux, Siaka Sow, handicapé physique, marié à deux femmes et père de 7 enfants, assis à même le sol, affirme que cette période est la plus favorable pour eux d'amasser de l'argent et des denrées.
Cependant, craint Siaka Sow, «avec la fin de ce mois, les gens vont de nouveau nous accorder moins d’importance». «La preuve, pendant le Ramadan, je gagne une somme avoisinant 5000 francs Cfa par jour. Avant, avoir même 2000 francs Cfa, c’était la croix et la bannière. Espérons que cela continue après le Ramadan», dit-il. Almamy Mbaye, un autre mendiant croisé au niveau du rond-point de «La Poste» Médina, abonde dans le même sens. Pour lui, «les croyants sont de bons donateurs en période de jeûne». La preuve, souligne-t-il: «J’ai reçu aujourd’hui une somme de plus de 5000 francs Cfa. Et depuis que je suis là, il y a de cela 10 mois, je n’ai jamais reçu une telle recette. J’ose espérer qu’après le mois de Ramadan, les activités se passeront tout aussi bien. J'ai des enfants à nourrir et c’est grâce à l’aumône que j’arrive à les faire vivre», confie cet homme âgé d’une cinquantaine d’années.
OUSTAZ LASSANA SEYDI SUR L’AUMONE - «LA MEILLEURE CHARITE EST CELLE QUI EST ACCOMPLIE PENDANT LE RAMADAN»
De façon générale, en islam, il est recommandé aux musulmans de pratiquer l’aumône envers les pauvres et les nécessiteux. Mais celle qui est faite pendant le mois du Ramadan est, selon imam Lassana Seydi de l’Union des oulémas du mandé (Ouma), la meilleure des aumônes. «Le ‘Zakât al-fitr’ est obligatoire pour tout jeûneur afin de purifier et valider son jeûne. Qui donne à manger ou à boire à quelqu’un qui jeûne, d’un bien licitement acquis, les anges ne cessent de prier pour lui pendant le Ramadan. C’est pourquoi chaque responsable de famille doit la verser pour toutes les personnes dont il a la charge, y compris celles qui ne jeûnent pas», a confié l’imam.
Le guide religieux de souligner la dimension spirituelle de cet acte. «Sur le plan individuel, cet impôt est dû pour purifier chaque croyant (e) de tout ce qui aurait pu entacher son jeûne, tel que des propos obscènes ou écarts de conduite. Sur le plan social, cette aumône permet aux pauvres de passer la fête de l’Aïd-el-fitr dans de meilleures conditions, en leur épargnant de tendre la main ce jour-là», a expliqué le prêcheur.
D’ailleurs, une des particularités du Ramadan est que le Prophète (Psl) faisait beaucoup plus aumône pendant ce mois. «Le Prophète (Psl) était très donateur d’aumône et surtout pendant le Ramadan où il devient comme le vent qui apporte la pluie, tellement qu’il donnait d’aumône, et surtout lorsque l’ange Gabriel le rencontrait », dit-il. Ce qui, aux yeux du religieux, montre que «la meilleure des aumônes est celles qui sont faites pendant le Ramadan».
Suivant les écoles juridiques, l’imam Seydi précise que l’aumône doit être donnée en nature (aliments) ou bien en argent. «La zakat-al-fitr doit être donnée le jour de l’Aïd, au plus tard avant la prière, et peut l’être un ou deux jours avant», a-t-il indiqué. Toutefois, au-delà de l’aumône, le prêcheur confie que le musulman se doit de s’acquitter de la zakat, le troisième pilier de l’islam qu’il assimile à une «taxe sociale purificatrice ». «La zakat est donc un impôt à prélever sur ses biens. Elle possède à la fois une dimension sociale et une dimension spirituelle majeure, puisqu’elle a pour vocation de purifier les biens des êtres humains comme ceux-là purifient leur cœur quand ils prient et leurs corps quand ils jeûnent», a confié l’imam Lassana Seydi.