QUAND MACKY GASPILLE SES ''BONNES CARTES''

Au jeu de belote, le président du parti Apr, Macky Sall, serait dans la posture du joueur qui gaspille ses atouts et perd la partie. Après avoir eu les bonnes cartes en main, il s’est débrouillé pour sacrifier ses «valets» en cours de jeu, du fait d’une mauvaise lecture politique guidée moins par le souci de renforcer la Patrie, à travers une action gouvernementale efficace, que par sa volonté de préparer un second mandat.
Pour renforcer son appareil et booster sa machine électorale, il a mis une pression peu raisonnable sur ses camarades de parti. Au finish, ses principaux lieutenants sont laminés et perdent de ce fait leur place dans le gouvernement.
En attendant de voir son joker à l’œuvre, apprécions la situation peu reluisante dans laquelle son attitude plonge notre pays.
La débâcle de l’Apr a coûté au président de la République le remplacement de ceux qui passaient pour être, aux yeux de l’opinion avertie, les meilleurs hommes et femmes de sa troupe. Mme Aminata Touré, Thierno Alassane Sall, Seydou Guèye, Pr Anta Sarr, entre autres, ils font partie de cette race d’hommes politiques qu’on aimerait voir essaimer dans le landerneau.
Ils ont tous déjà un métier et sont compétents dans leur domaine. La politique politicienne ne semble pas être leur dada. Dans son livre Servir, l’ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye, a rendu un hommage rassurant au coordonateur des cadres de l’Apr, confirmant le préjugé favorable que lui accordait l’opinion.
Quant à Mimi Touré, malgré quelques maladresses, elle a su tenir la dragée haute et surtout ramener l’orthodoxie dans l’autorité de l’Etat lors de son passage au ministère de la Justice.
Elle a aussi théorisé et pratiqué la culture de la redevabilité au sein de l’Etat et a toujours été ferme dans la poursuite des prévaricateurs des ressources publiques. Au même moment qu’elle quitte le gouvernement, l’étau se desserre à la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei).
Macky Sall nous renvoie l’image d’un Président hésitant, gêné et peu courageux. On a l’impression qu’au lieu de faire face aux problèmes et d’anticiper sur les difficultés, il préfère laisser-faire, laisser-aller, jusqu’au pourrissement !
Sinon comment comprendre qu’il ait abandonné ses principaux collaborateurs au suicide politique, en s’engageant aux élections locales sans stratégie, dans la division et mal préparés. Il a manqué d’autorité dans le rassemblement de ses troupes.
Autant il n’a pas su assurer son leadership dans Benno bokk yaakaar, autant il n’a pas su non plus mettre ses partisans au pas pour aller ensemble aux élections. Le résultat était tout de même prévisible !
En 2012, le Président Macky Sall a été élu avec un boulevard de possibilités. Il a su, entre les deux tours, usurper l’héritage des «Assises nationales» qui lui offraient sur un plateau, un projet de société et des réformes institutionnelles capables d’apporter la rupture, en plus des voix du «peuple des assises».
Il a aussi bénéficié de la victoire citoyenne qui matérialisait l’ardeur et la ferveur des Sénégalais vers le changement de cap. Les forces vives qui ont mené la lutte citoyenne victorieuse de Wade étaient toutes prêtes à accompagner le Président nouvellement élu dans les sentiers de la refondation.
Mais lui, a préféré s’emmurer avec des caciques prétendus expérimentés de la chose politique qui n’ont pas su mobiliser les Sénégalais autour de leurs projets pour vaincre Me Wade.
Il a tendu l’oreille -à huis clos- aux mohicans de l’ancien régime socialiste et autres révolutionnaires retraités. Eux-mêmes dépassés pas la dynamique de notre démocratie et imputables de notre tragédie politico-économique quarantenaire, qui a abouti à l’élection de Me Wade en 2000.
Comment Moustapha Niasse et Ousmane Tanor Dieng, des acteurs politiques d’une autre époque, réactionnaires par l’usure, peuvent-ils être les conseillers privilégiés d’un président qu’on dit «jeune», né après les indépendances et devant porter les aspirations d’une nouvelle génération.
Serait-il concerné par la mise au point du Président Ougandais, Y. Museveni, qui, en s’adressant à la jeunesse panafricaine à Kigali, il y a quelques jours, lui a dit : «La jeunesse n’est pas une affaire biologique, c’est plutôt une question de mentalité. Il y a des jeunes qui le sont juste par leur âge, mais qui dans leur tête refusent le progrès et ont peur des défis de leur époque.»
Que dire de Monsieur Macky Sall, malgré sa trajectoire politique assez fournie. Qu’a-t-il appris de son initiation politique dans la gauche, de son compagnonnage avec l’audacieuse et imprévisible bête politique Abdoulaye Wade ?
Il ne semble pas être à la hauteur des défis du moment, ou du moins des attentes des Sénégalais. Il a la manie même de se faire oublier et quand il apparaît, c’est pour parler sans convaincre, ni mobiliser autour de l’effort de construction nationale !
La rupture, les réformes institutionnelles, le changement des fondamentaux de notre système politique conservateur et clientéliste auraient dû être les priorités du Président Sall. Le contexte de son élection devait lui permettre de mobiliser, dans un nouvel élan, la jeunesse sénégalaise et l’ensemble des cadres progressistes qui sont prêts à s’invertir dans une œuvre de transformation nationale, avec un leadership fort et courageux.
Mais Macky Sall n’est assurément pas au rendez-vous de l’histoire. Il a préféré se cacher le visage, en se refugiant derrière des mandarins de l’ancien empire, comme Moustapha Niasse. Ce dernier est même allé très loin dans sa fidélité opaque avec l’actuel Président.
Abandonné à la magie des honneurs, il n’a pas hésité à saborder son parti et couper l’herbe sous les pieds de ses valeureux jeunes camarades. Il a sonné le glas de toute espérance de rupture dans la gestion des affaires publiques par ses actes et sa voix dissonante.
Du haut du siège douillet de son Perchoir, il dit aux Sénégalais : «La rupture n’est pas une série de coups de hache qu’on assène à un arbre, mais un processus de longue haleine.» Comment peut- on à ce point trahir le dictionnaire de la langue de son maître Senghor et en même temps émousser l’espoir de changement de tout un Peuple ?
La rupture a bien une signification. Elle veut dire interruption, séparation, solution de continuité. Elle doit aussi intervenir avec promptitude, mais ne peut s’accommoder d’anciennes habitudes. Malheureusement, Macky a préféré entendre la voix du passé plutôt que le cri de l’avenir !
Après les élections locales, Macky a perdu une partie du jeu. Belote ou rebelote ? Il trouvera certainement son bonheur en amour !
Car, dit-on, l’influence de sa dame Marième Faye Sall est en train de faire de notre démocratie, une «goro-cratie»i.
On lui souhaite heureux ménage car s’il ne change pas de tactique, en 2017, les Sénégalais lui diront : Passe !