QUAND MACKY SALL FERME LES YEUX SUR L'ÉTHIQUE
TRANSHUMANCE POLITIQUE
En recevant sans arrêt les transhumants au Palais, publiquement ou en cachette, le président de la République perpétue une pratique décriée par les Sénégalais, dans le silence le plus absolu, et ne semble point se soucier des qu'en-dira-t-on.
S’il est vrai qu’en politique “il ne faut jamais dire jamais”, l’arrivée de Awa Ndiaye à l’Alliance pour la République (APR) aura quand même surpris plus d’un.
Reçue en audience par le président Macky Sall, l’ancienne ministre de la Famille a annoncé officiellement sa transhumance vers les prairies...marron. “Je ne ménagerai aucun effort pour massifier l’APR”, a-t-elle déclaré face à ses militants de Saint-Louis. “Nous allons mettre toutes nos forces dans la bataille pour soutenir le président de la République, pour que son candidat (aux élections locales à Saint-Louis) et sa coalition gagnent Saint-Louis”. Qui l’eût cru ?
Awa Ndiaye était une plus que proche de la famille de l’ancien président de la République. Ancienne égérie de la “Génération du concret”, elle était de ceux qui avaient pourtant promis d’”accompagner Karim Wade au Palais”. Sa proximité avec les Wade lui a valu d’ailleurs sa nomination à la tête du ministère de la Culture puis à celle de la Famille. Une proximité qui semble lui avoir également procuré une impunité qui ne dit pas son nom. Épinglée en 2008 par l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) pour “surfacturation”, elle n’a jamais été inquiétée.
Pour rappel, le “gendarme” des marchés publics avait publié un rapport dans lequel Awa Ndiaye avait été accusée de surfacturations diverses : clé USB à 97 500 francs Cfa, tapis de prière à 15 850 francs, cuisinière grand modèle à 2 115 000 francs, ordinateur à 1 695 000 francs. Ou encore : cuillères grand modèle à 37 500 francs, couteaux grand modèle à 42 000 francs, carafes grand modèle à 47 100 francs Cfa. Alors que l'opinion s’attendait à son audition par le procureur de la République, Awa Ndiaye procède à un revirement à 180° pour rejoindre le parti présidentiel. Cherche-t-elle à sauver sa peau ?
En tout cas, l’ancien ministre sous Wade (Enseignement supérieur, Justice, Forces armées), ne semble pas avoir été impliqué dans un quelconque scandale. Toutefois, le Pr. Moustapha Sourang reste un fin calculateur. Discret depuis la chute de Wade, il a été nommé président de la Commission nationale de la réforme foncière. En attendant (ou pas) une officialisation de son ralliement au pouvoir en place.
“Ce qui me lie à Macky Sall” (Adama Bâ)
Ex-maire libéral de la commune de Gueule Tapée-Fass-Colobane, Adama Ba ne fait pas mystère de son adhésion au parti présidentiel. “J’ai rejoint l’APR parce que je me vois mal faire face à Macky Sall qui est un ami”, justifie-t-il. “Macky Sall, (feu) Ousmane Masseck Ndiaye et moi, étions toujours ensemble ; nous ne nous séparions qu’à minuit”, ajoute-t-il. Son passage à la “Génération du concret” n’a apparemment pas altéré cette amitié avec le président de la République.
Au contraire. Adama Ba est devenu le président du Conseil d’orientation à la Délégation générale des pôles de développement de Diamniadio et de Lac Rose. Si cette nomination dérange à l’APR, lui revendique pourtant sa part dans la seconde alternance. “J’avais très trop tiré la sonnette d’alarme en disant à Wade : au lieu de se faire accompagner par sa famille originelle, Idrissa Seck, Macky Sall, Aminata Tall, il a préféré les transhumants. J’avais dit aussi que la Génération du concret allait tomber”, se rappelle-t-il. “Aujourd’hui, l’histoire m’a donné raison”, se glorifie-t-il.
Sa désignation comme membre de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) avait été dénoncée par des organisations de la société civile dont le Forum civil du fait de son profil politique. Mais Amadou Niang, ancien ministre du Commerce, n’en a cure car bénéficiant de la “confiance” du président de la République. Après avoir démissionné du Parti démocratique sénégalais (PDS), il avait décidé donc de “prendre du recul par rapport à la politique”, dans une lettre transmise au coordonnateur Omar Sarr. Une décision qui avait été interprétée comme une manière de transhumer en douce vers l’APR.
“Ce serait suicidaire de retourner à l’APR” (Khoureïchi Thiam)
S’il y a un homme politique dont la transhumance aura suscité autant de bruit, c’est bien celle de Khoureïchi Thiam. Après avoir annoncé son départ du PDS pour l’APR, l’ancien ministre de la Pêche est revenu au bercail la semaine dernière devant l’hostilité de l’APR de Tamba. “Après 22 mois d’attente devant les portes de l’Alliance pour la République, je reviens dans la maison-mère. Je suis à nouveau dans le parti. J’ai quitté définitivement l’autre rive”, avait déclaré M. Thiam.
Surprise ! Le surlendemain, il est reçu en audience par Macky Sall au Palais de la République, sur demande de ce dernier. Motif ? “Le président m’a demandé de venir à l’APR, je lui ai dit que je ne peux pas le faire. J’ai déjà fait ma déclaration. Donc, ce serait suicidaire de retourner à l’APR. C’est une question de dignité”, confie à EnQuête l’ancien ministre.
“Je n’ai pas parlé de politique avec Macky Sall” (Seydou Diouf)
Seydou Diouf lui, refuse qu’on l'assimile à un transhumant. Ce nouveau collaborateur conseiller spécial du président de la République précise que sa nomination est purement technique. “Je suis conseiller technique ; je n’ai pas parlé de politique avec le président de la République. Ce n’est pas dans les termes de la discussion”, a déclaré l’ancien président de la commission des Finances à l’Assemblée nationale, joint par EnQuête hier.
Outre, ces personnalités, il y a en d’autres, de moindre envergure politique, comme Malick Guèye Latmingué, Me Nafissatou Cissé, Youssou Diagne, etc.