QUEL SOCIALISME POUR LE 21e SIÈCLE ?
La solidarité est rendue davantage nécessaire par les effets désastreux d’une mondialisation profondément inégalitaire
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SenePlus publie intégralement, ci-dessous, l'intervention du secrétaire général du Parti Socialiste sénégalais lors de la célébraion du 150ème anniversaire du Parti social-démocrate allemand (SPD) le 22 mai 2013 à Leipzig. Le titre original de son intervention était : "Alliance progressiste : Un réseau de forces progressistes pour le 21ème siècle".
Notre rencontre d’aujourd’hui intervient dans un contexte international marqué, autant que dans les temps précédents, par des interrogations lourdes et graves sur la stabilité du monde et sur l’avenir des peuples.
C’est que le capitalisme a changé de forme, c’est une évidence. Il s’est étendu à la surface du globe, il s’est financiarisé, accélérant la succession des crises, il s’est démultiplié, aspirant à marchandiser toutes les activités humaines.
Il crée des richesses autant qu’il produit des inégalités dans les sociétés comme entre les pays du Nord et ceux du Sud. Il permet des développements mais entraîne des reculs sociaux, économiques et idéologiques d’une grande brutalité. Je me réjouis, en ma qualité de Secrétaire Général du Parti Socialiste du Sénégal, de prendre part à une réflexion qui me semble nécessaire sur le Socialisme démocratique confronté aux enjeux du 21ème siècle, à ses urgences et à ses complexités mais surtout à son socle de valeurs sans lesquelles l’action politique n’a ni sens, ni finalité ultime.
Le discours sur la crise des idéologies est un poncif trop connu, un argument de brouillage qui, pendant longtemps, était à l’œuvre, opérait comme une sorte de croyance sur l’impossibilité d’un système de rechange, d’un projet alternatif au dogme libéral.
En somme, la théologie libérale était, pour tout le monde, l’horizon indépassable de toute action. Tous les Socialistes du monde savent que les modalités actuelles de partage des richesses ne sont pas satisfaisantes mais l’idée continue de dominer qu’on ne pourrait que gérer ces conséquences et tenter d’en limiter les manifestations les plus ostensiblement scandaleuses.
L’impératif du progrès social et économique, si elle reste un objectif affiché et revendiqué, est parfois ravalé au rang d’incantation identitaire. Ce renoncement n’est pas acceptable. Tous les systèmes économiques, quelle que soit leur inspiration idéologique et doctrinale, s’accordent tous sur les objectifs de création d’emplois et d’encouragement de la croissance. La différence, dans la mise en œuvre de politiques respectives, n’est pas dans les moyens.
La ligne de partage réside précisément dans les valeurs. La gauche, d’une manière générale, a des valeurs qui lui sont propres, notamment notre attachement viscéral aux notions d’égalité, de solidarité et la volonté permanente de veiller à la suppression des rapports de domination. Si le mot d’ordre ne peut plus être aujourd’hui «l’appropriation collective des moyens de production », c’est aussi parce que la possession physique de ces moyens n’est plus le seul, ni même le plus déterminant des instruments de domination et d’oppression.
La dynamique irréversible du phénomène de la mondialisation semble consacrer l’hégémonie d’une illusion, celle qui fait croire, par effet de nivellement, que tout se vaut. Là se trouve, me semble-t-il, le cœur du débat. Pour des millions d’hommes et de femmes sur la planète, la prétendue modernité de la nouvelle économie a toujours le même goût amer de l’inégalité et de l’injustice. Si le socialisme est né de la conscience de l’égalité humaine ainsi que l’affirmait Léon Blum, cette conviction induit mécaniquement le principe de justice comme fondement ultime de toute action humaine, a fortiori de l’action politique.
En tant que composante essentielle de l’identité socialiste, la notion de justice n’est pas une vertu comme une autre. Elle est l’horizon de toutes les autres vertus et la loi de leur coexistence. Vertu complète, disait Aristote. Toute valeur la suppose, toute humanité la requiert. La justice, me semble-t-il, se joue tout entière dans ce double respect de la légalité dans la cité et de l’égalité entre individus. Tel est, très clairement, le postulat qui donne sens au socialisme démocratique et qui s’inspire du principe rousseauiste selon lequel «ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste». Si bien que la notion de justice, au risque de demeurer un concept vague et théorique, doit s’incarner dans les réalités socio-économiques concrètes, contribuant à l’ordonnancement et à la régulation des rapports sociaux d’abord à l’intérieur de chaque pays pris individuellement et entre pays en développement et ceux du nord industrialisés.
Quant à la solidarité, elle est rendue davantage nécessaire par les effets désastreux d’une mondialisation profondément inégalitaire. Il me paraît crucial que soit remise au goût du jour la définition d’un nouvel internationalisme. Il s’agira, pour la gauche des pays industrialisés, en concertation avec les forces progressistes des pays du sud, de mettre en mouvement un nouveau projet de co-développement qui intégrerait les mutations d’aujourd’hui et en tirant les leçons des échecs du passé.
Il est temps de rendre opérationnelle une nouvelle génération de droits des peuples.
C’est aux Socialistes d’assumer cette mission historique.