QUI BLÂMER ?
TROISIÈME PM EN MOINS DE TROIS ANS
Le présent comporte toujours une collection de réponses et questions d'un passé plus ou moins proche. Il est nécessaire de bien les classer, mais malheureusement nous sommes si préoccupés par les questions de l'heure que les réponses tombées qui devraient nous éclairer passent inaperçues.
Le limogeage de Mimi Touré du poste de Premier ministre après seulement neuf mois d'activité, est plus que tout autre chose la sanction de la décision stérile qui l'avait portée à cette station en remplacement d’Abdoul Mbaye, avec à la clé, la promesse d'accélérer la cadence....
À seulement neuf mois des locales, à moins d'être sous l'emprise de la panique, la raison ou la pondération tout simplement devaient suffire à choisir de faire l'économie d'un remaniement annonciateur de clashs à retardement.
Le grand perdant dans tout ça c'est le président de la République dont le leadership en prend forcément un coup, porté par les accusations de tergiversation et manque de clarté dans la vision. Les premiers ministres passés à la trappe, eux s'en vont aussitôt retrouver un sommeil qu'ils avaient perdu depuis leur nomination, tellement la charge à ce poste est lourde (se rappeler Abdoul Mbaye tard le soir dans les zones inondées, Mimi Touré au plus grave de la crise de l'eau à Keur Momar Sarr.)
Une fois la décision prise de limoger un Premier ministre, fini les spéculations sur lui. Nous citoyens, sommes renvoyés au président de la République que nous avons élu, avec un lot de questions dans nos têtes, visant à décrypter à travers la suite de ses décisions les messages adressés.
Paradoxalement neuf mois auparavant l'on nous justifiait la nomination de Mimi par la nécessité d'accélérer la cadence dans la délivrance des promesses sociales de campagne du Président. Ce faisant l'on avait constaté que c'était une personnalité partisane et éminemment politique qui était choisi pour le job, en remplacement d'un technocrate avéré.
Neuf mois plus tard, avant même que la jadis nommée n'ait pu réaliser le moindre objectif de sa mission, elle est limogée au gré d'une défaite politique pour laisser de nouveau la place à un technocrate.
Qu'est-ce que cela dit ? Pour le moins, accélérer la cadence n'était qu'un digestif servi à la population et non la motivation réelle de la nomination de Mimi comme Premier ministre.
Le timing de son limogeage, les circonstances politiques et l'impasse faite sur l'argument principal de sa nomination (l'accélération de la cadence) au moment de la passation du témoin, nous renseignent davantage sur les vraies attentes du pouvoir de cet acte, lesquelles étaient politiques.
L'électorat des grandes villes dont la capitale, celui des femmes et des jeunes, étaient visés pour les locales mais malheureusement tout n'a pas marché comme prévu.
Par conséquent, l'on aurait pu faire l'économie de ce changement et laisser Abdoul Mbaye atteindre la haie politique des locales du 29 juin, pour une bonne stabilité, cohérence et harmonie dans la façon de gouverner. Ce qui a été fait semble n'avoir été qu'une bourde irréfléchie, que vient de mettre à nu le limogeage de Mimi.
C'est pourquoi au-delà de ce limogeage le Président devrait investiguer le processus qui avait mené au remplacement prématuré d’Abdoul Mbaye. Questionner le lieu d'où cette idée était partie, comment cela avait prospéré, qui avait joué quel rôle, pour en savoir précisément les causes et éviter éventuellement, aux dépens du nouveau Premier ministre la perpétuation de telles méprises.
Un nouveau PM, le troisième en moins de trois ans pour le Président Macky. Inutile de dire qu'il s'est mis dans la situation d'un coach d'équipe de football qui a épuisé son droit de recourir à un remplaçant. Il faut éviter le ridicule et s'en arrêter à ce dernier pour le reste de ce mandat au moins, sinon supprimer le poste une bonne fois pour toute. Heureux que celui qui est choisi, Mahammed Ben Abdallah Dionne, un homme que je connais bien, ait indubitablement le profil du poste, du point de vu professionnel comme moral. Sa promotion a été bien accueillie et sa communication d'entrée rassurante : il ne promet pas le miracle de l'accélération et appelle les gens à retourner au travail.
Du fait du PSE (Plan Sénégal émergent) qu'il vient de quitter pour ce nouveau poste, il a une bonne compréhension de ce que requiert le développement en terme de contribution de tous les citoyens. Ce qui ferait du PSE, qu'il va continuer à soutenir, un Punch Social et Economique.
Cependant pour être sincère avec le Président, qu'il ne se fasse pas d'illusion. Un bon Premier ministre est non négligeable certes, mais pas un argument suffisant pour décrocher un second mandat, si tant est son désir. Il n'aurait lui même, en négligeant les attaques à son encontre, que trop aidé l'opposition en lui donnant matière à proclamer qu'il n'est que le clone de Wade dont on ne voulait plus, qu'il n'a ni vision ni l'autorité nécessaire pour diriger le pays. A cela il faut des réponses tactiques.
L'échéance des locales a été le bon alibi pour divertir les détracteurs, mais maintenant qu'elle est derrière nous et que les présidentielles se profilent à l'horizon, les attaques vont reprendre de manière plus organisée. Il appartient à Macky de faire revenir son image d'avant son élection à la présidence, d'homme bienséant, désintéressé, accessible et déterminé à implanter la justice au Sénégal.
Ce dont il a absolument besoin et dès à présent est d'une large coalition autour de lui. Tout réside dans la crédibilité qui lui sera accordée, sa disponibilité à s'ouvrir aux autres par des actes sincères, son habilité à vendre son projet de second mandat à ceux qu'il désire s'allier. 2019 c'est après demain, 2017 c'est la prochaine aube.
Ibe Niang Ardo est président du mouvement citoyen «Jog Ci»