QUI VA L'ARRÊTER ?
Yahya Jammeh garde les corps des présumés auteurs du putsch manqué en Gambie - Six militaires gambiens impliqués dans l'affaire sont traduits en cour martiale
Cela fait 43 jours que le dictateur gambien, Yahya Jammeh, retient à Banjul les corps de trois hommes tués lors de la tentative de coup d’Etat avortée du 30 décembre dernier. Pendant ce temps, un rescapé de ce putsch, qui s’est malheureusement fait arrêter, ainsi que six militaires de l’armée gambienne, sont quant à eux traduits en cour martiale depuis mardi.
Dire que le dictateur gambien Yahya Jammeh est un monstre est une lapalissade. La cruauté de cet autocrate qui règne sans partage depuis 20 ans sur la Gambie n’épargne même pas les morts. Depuis la tentative de coup d’Etat manquée contre son régime, le 30 décembre 2014, Yahya Jammeh retient les corps de trois des assaillants qui furent tués à la suite de leur fiasco. Il s’agit des dépouilles de Njaga Jagne, un capitaine en service actif dans la National Guard américaine, du lieutenant-colonel Lamin Sanneh, ancien commandant de la garde présidentielle gambienne et d’Alhagie Nyass, un ancien de la défunte gendarmerie gambienne.
Toutes les tentatives des familles de ces trois hommes, dont les circonstances de leur mort sont des plus mystérieuses, sont restées vaines. Comme réponse, le dictateur de Banjul fait monter des sentinelles armées jusqu’aux dents là où les corps des malheureux assaillants sont conservés, à la morgue de l’hôpital universitaire Francis Small de Banjul. Même les requêtes officielles des autorités américaines sont restées sans suite, car Njaga Jagne et Lamin Sanneh sont aussi des citoyens américains.
Monnaie d’échange
Aujourd’hui, EnQuête est à mesure d’affirmer, sur la base de sources sûres, que les conditions de conservation des dépouilles de Njaga Jagne, d’Alhagie Nyass et de Lamin Sanneh sont des plus hasardeuses dans cette morgue qui ne l’est que de nom. L’électricité étant une denrée très aléatoire à Banjul, les soldats chargés de veiller sur ces morts qui hantent le sommeil du dictateur Yahya Jammeh, sont obligés d’acheter de la glace qu’ils versent sur les dépouilles toutes les trois heures afin d’éviter qu’ils se décomposent. Une corvée incompréhensible puisque le plus simple serait de rendre ces morts inoffensifs à leurs proches pour qu’ils leur offrent une sépulture décente.
Seulement, la décence est le dernier des soucis du despote de Banjul qui a même refusé que ses opposants morts en exil soient enterrés en Gambie. Ce fut le cas de Kukoi Samba Sanyang et de Bubacar Michael Baldeh, tous enterrés au Sénégal, au cimetière de Yoff. D’ailleurs, une source au State House de Banjul renseigne à EnQuête que Yahya Jammeh entend se servir des corps des assaillants du 30 décembre dernier comme monnaie d’échange contre d’hypothétiques informations sur ses opposants de plus en plus déterminés à le chasser du pouvoir et par tous les moyens. D’où la chasse aux sorcières et les arrestations de vieilles femmes et d’adolescents, tous coupables d’avoir des liens de parenté ou un certain degré de proximité avec ceux qui ont échoué à le renverser quelques heures avant de la fin de l’année 2014.
Cour martiale
Au demeurant, l’ancien soldat Modou Njie de l’armée gambienne, qui est aussi un des assaillants, blessé et capturé lors du putsch, est discrètement traduit en Cour martiale depuis mardi, au camp militaire de Fajara, en même temps que le lieutenant-colonel Sarjo Jarju, les capitaines Buba K Bojang, Buba Sanneh et Abdoulie Jobe ainsi que les lieutenants Ansumana Sanyang et Amadou Sowe. Une justice cavalière qui s’est éventée lundi lorsque le juge mercenaire Emmanuel Amadi a été déclaré indisponible à une audience ordinaire au tribunal de Banjul. C’est là que les journalistes à l’affût de faits divers ont appris que le juge Amadi devait présider une audience en Cour martiale.
Pour rappel, Yahya Jammeh a clamé partout que pas un seul soldat de son armée n’a pris part au putsch. Le monstre de Kanilai a aussi affirmé que ses assaillants sont tous venus de l’extérieur. Mais la purge, les arrestations et la traduction secrète en Cour martiale des six officiers en service à Banjul est une nouvelle preuve que les vérités de Jammeh n’engagent que ceux qui y croient.