QUID DE LA POLITIQUE COMMUNICATIONNELLE DU MINISTÈRE DU TOURISME FACE À EBOLA ?
«Dans un monde caractérisé par la profusion d’images, de discours et d’information, l’événement, souvent, nous prend de court et nous aveugle.» Alain Bertho, Nous autres, nous-mêmes.
«Attendre d’en savoir assez pour agir en toute lumière c’est se condamner à l’inaction.»Jean Rostand
Au moment où un patient de la Guinée a été dépisté au Sénégal ; allongeant ainsi la liste des pays où l’épidémie a été officiellement déclarée, beaucoup de départements ministériels, à l’image du ministère de la Santé et de l’action sociale, sont à pied d’œuvre pour traiter convenablement ce cas.
Ce qui a d’ailleurs valu à Madame Awa Marie Coll Seck, un satisfecit unanime en raison des efforts qu’elle est en train de déployer non seulement pour mettre hors d’état de nuire l’unique patient en question avec son isolement à l’hôpital de Fann, mais aussi pour sensibiliser et tranquilliser la population locale et la Communauté internationale face à cette épidémie susceptible d’installer une psychose générale exagérée.
En effet, en ce XXI siècle où la mondialisation a fini de dicter sa loi en installant ses tentacules dans presque tous les secteurs d’activités à l’instar du tourisme, le voyage est devenu incontournable voire indispensable.
Donc, dès lors que le Sénégal a enregistré un cas, si particulier soit-il, il incombe à tous d’adopter des mesures et stratégies à la hauteur des enjeux liés à cette épidémie. Mais à ce sujet, quelques questions ne cessent de tarauder les acteurs touristiques dont je fais partie, tant cet unique cas continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive :
Les différents départements ministériels ont-ils pris le temps et la peine de s’informer objectivement sur la fièvre hémorragique ? Ne se contentent-ils pas des seules informations véhiculées par la presse internationale et relayée par la presse nationale ?
Doit-on laisser au ministère de la Santé et de l’action Sociale la lourde et complexe tâche d’assurer la communication requise en cette période de crise ? N’assiste-t-on pas à des campagnes de communication fragmentées voire désarticulées ?
Les enjeux liés à ce cas autorisent- ils les différents départements de l’Etat à, apparemment, ne rien faire ? Quand on sait le rôle déterminant de la communication dans l’industrie du tourisme et la sensibilité de certaines informations, le Ministère du tourisme et des transports aériens (Mtta) est-il aussi impliqué que le ministère de la Santé et de l’action sociale dans la dynamique de sensibilisation et de communication face à cette épidémie ?
Tout d’abord, en ce qui concerne le mythe qui entoure le virus Ebola, les pays africains en général et le Sénégal en particulier n’auraient pas encore fait des efforts pour lever l’omerta sur cette maladie décrite à hue et à dia comme une catastrophe, une malédiction.
Par exemple, alors que le journal Le Monde parle quotidiennement de «ravage» et de «catastrophe», la réalité est que l’épidémie de virus Ebola reste d’ampleur très modeste. Il suffit de jeter un coup d’œil sur le site de l’Organisation Mondiale de la santé (Oms) traitant de cette épidémie pour se rendre qu’il n’y a que 788 décès causés par le virus Ebola contrairement aux 1 229 morts annoncés par la presse.
C’est un truisme de reconnaître que ces 788 morts sont de trop. Mais comparé aux 1,2 million de morts causés annuellement par le paludisme ou aux 2 000 morts que la France déplore annuelle- ment à cause de la grippe saisonnière, nous nous rendons compte que derrière la psychose fomentée à dessein se cachent des intérêts non dévoilés.
A la lumière de ce qui vient d’être souligné par Bohler, nous pouvons dire que face à une situation de crise, à l’image d’une épidémie, tous les acteurs concernés doivent non seulement être au même niveau d’information mais aussi ils ont intérêt à coordonner leurs actions pour s’assurer d’atteindre le même objectif.
Ainsi, en prenant l’exemple de la fièvre hémorragique qui défraie la chronique, aussi bien le ministère de la Santé et de l’action sociale, le ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Communication ainsi que le ministère du Tourisme et des transports aériens doivent adopter une stratégie de communication commune destinée non seulement à sensibiliser les concitoyens mais aussi à encourager les autres nationalités à continuer à vaquer à leurs occupations. Puisque les échanges sont devenus l’alpha et l’oméga des relations internationales.
Concernant le Ministère du tourisme et des transports aériens (Mtta) dont les champs d’action tournent principalement autour des mouvements de flux humains (accueil de touristes, transport aérien) jugés vulnérables à l’épidémie d’Ebola, ce statu quo devrait servir à ce ministère de cadre d’expérimentation de sa politique communicationnelle.
Cependant, hormis les velléités de promotion de la destination Sénégal de la part du ministre du Tourisme et des transports aériens ; invité du journal télévisé de 21 heures du 10 Septembre 2014, ledit ministère a été avare en messages de sensibilisation et de promotion de la destination Sénégal. Pourtant, tout le monde sait que l’information est au début, au cœur et à la fin du voyage touristique et de son organisation.
C’est d’ailleurs ce qui a expliqué en partie la réticence des touristes vis-à-vis de notre destination et les annulations de réservation en cascade suite à l’annonce d’un cas de fièvre hémorragique.
Ce déficit communicationnel, qui ne date pas d’aujourd’hui, a été signalé par Adama Ndiaye dans sa thèse de doctorat, «Communication, tourisme et développement durable au Sénégal : enjeux et risques» en ces termes : «A l’intérieur comme à l’extérieur, la promotion touristique sénégalaise est déficitaire.»
En effet, étant donné que la communication touristique intervient en amont de la communication destinée au touriste, elle se subdivise en deux phases : la communication interne et la communication externe.
La première forme s’appuie sur la mobilisation des acteurs directs et indirects de l’activité touristique. Cette phase, qui regroupe les professionnels publics et privés, a pour objectif de créer une belle image touristique de la destina- tion. De même, la communication interne vise-t-elle la création d’une identité pour ladite destination. Ici, l’objectif serait de trouver le concept autour duquel la stratégie devrait prendre forme.
Autrement dit, il convient de véhiculer les valeurs censées correspondre au territoire ou au produit sur lequel on souhaite communiquer.
Quant à la seconde forme de communication, notamment la communication externe, elle consiste à aller à la rencontre du client ou du consommateur. Con- crètement, il s’agit de faire connaître au prospect la destination, les prestations et de l’amener dans un processus d’achat. Pour s’assurer d’une bonne politique de communication, plusieurs étapes doivent être franchies.
Tout d’abord, les responsables de la destination doivent initier la communication de conquête qui consiste à conquérir de nouveaux clients pour le moyen et le long terme. S’ensuit alors la communication d’accueil qui correspond au moment où la clientèle est directement confrontée à la réalité lors de sa visite de la destination.
Cette phase et suivi de la communication d’entretien pendant laquelle les responsables entrent dans un processus de fidélisation afin de faire revenir le client. Il y a également la communication de veille qui a pour objet de surveiller la concurrence en tenant compte, par le biais de la presse professionnelle, des innovations technologiques et des nouveautés pour rester compétitif. Enfin, arrive la communication de crise qui mérite d’être mentionnée en prenant comme prétexte l’épidémie d’Ebola.
Vu la vulnérabilité du tourisme qui est l’un des secteurs les plus volatiles (aléas et cas de force majeure), il incombe aux acteurs publics et privés de la destination Sénégal, d’asseoir ensemble une stratégie de communication susceptible de faire face à n’importe quelle situation.
Enfin, pour ce qui est des mesu- res à prendre pour résister à la psychose née du virus hémorra- gique, ne perdons pas de vue ce que dit Anthony Fauci, directeur de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses des Etats-Unis :
«L’outil le plus effica- ce contre Ebola est de prodiguer les soins de base aux malades. La véritable priorité devrait être de créer des infrastructures médicales dans les pays touchés pour fournir aux malades, le soutien médical de base comme l’hydratation et la transfusion sanguine. Cela aura un beaucoup plus gros effet sur la santé que la distribution au hasard de quelques médicaments expérimentaux.»