RÉCONCILIER L’ÉCOLE ET L’ENTREPRISE
L’insertion des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur au Sénégal est devenue aujourd’hui un enjeu de société. Le chômage des jeunes diplômés est inquiétant. Aujourd’hui, passer de l’école à l’entreprise est devenu un parcours de combattant. Ce phénomène est notable dans tous les pays du monde mais en Afrique subsaharienne, où l’accroissement de la population est plus élevé qu’ailleurs, le problème se pose avec plus d’acuité.
Globalement, on dénombre 100 000 nouveaux demandeurs d’emplois par an au Sénégal selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie. Faute de trouver une alternative intéressante, 90% d’entre eux se retrouvent dans le secteur informel ou rural. On comprend bien que l’un des défis majeurs à relever se situe bien à ce niveau.
Le secteur éducatif et le monde de l’entreprise doivent pleinement jouer leurs rôles respectifs. Pendant trop longtemps, l’entreprise et l’école se sont ignorées et sont restées indifférentes à tel point que nous nous sommes retrouvés dans une incompréhension totale entre ceux qui forment et ceux qui emploient. L’inadéquation entre la formation et l’emploi découle de ce fait. Aujourd’hui ce qui est paradoxal, c’est que des milliers de jeunes cherchent du travail d’un côté et que de l’autre des postes restent non pourvus dans les entreprises. Par conséquent, les difficultés de recrutement des entreprises sénégalaises sont réelles.
Une nouvelle ère
En revanche, il est tout aussi vrai que la situation a beaucoup évolué sous l’effet conjugué de la crise économique et des difficultés sociales. Il est incontestable qu’aujourd’hui, les chefs d’entreprises travaillent en bonne intelligence avec le monde de l’éducation. Le patronat est représenté dans les organes de gouvernance des universités publiques. De la même manière, de grandes entreprises accompagnent concrètement le développement des écoles de commerce.
C’est fort de ce constat et de ces acquis, que l’enseignement supérieur privé supérieur au Sénégal s’est tourné résolument dans la professionnalisation des formations depuis le début des années 95. L’adoption du système Licence Master Doctorat (LMD) basé sur l’ouverture internationale et les pratiques professionnelles a aussi contribué à l’ouverture des universités et à une plus forte collaboration avec les entreprises. Toutes les formations aussi bien dans le public que dans le privé conduisent dorénavant à des stages, à des projets tuteurés et à des rencontres avec des professionnels.
Les forums écoles entreprises se multiplient. Récemment, celui organisé par BEM Dakar, regroupant les plus grandes entreprises du Sénégal, en est la preuve. Il s’agit de créer un espace de rencontre et de partage entre des étudiants et des chefs d’entreprises. Mieux encore, c’est une occasion de sensibiliser les étudiants et de leur donner les clés du monde professionnel. Ce qui va leur permettre de se décomplexer et de pouvoir envisager sereinement le futur et les perspectives qui s’offrent à eux.
A travers des conférences et des ateliers, les étudiants comprennent mieux les stratégies de recrutement des entreprises et leurs attentes en termes de profils et de compétences. La lutte concurrentielle entre les grandes entreprises ne se joue pas uniquement au niveau des services et des produits qu’elles commercialisent. Elle se déploie aussi dans la détection et le recrutement des jeunes à haut potentiel. L’enjeu est alors de faire comprendre aux jeunes diplômés qu’ils doivent se positionner non pas comme des demandeurs d’emplois mais plutôt comme des offreurs de services. Pour cela, il est indispensable de leur donner une véritable culture économique et de leadership.
Associer professeurs qualifiés et professionnels compétents
Réussir ce challenge, suppose que le lien entre l’école et l’entreprise soit permanent. Les conventions doivent être le résultat d’une cocréation de partenariats ou l’entreprise est associée à la vie de l’école y compris dans l’élaboration des programmes de formation. C’est ainsi que l’adaptation des connaissances et des compétences pourront se faire par une meilleure ouverture des entreprises aux étudiants et aux enseignants.
En effet, on oublie trop souvent le rôle que doit jouer le corps professoral et la nécessité d’avoir à côté des professeurs «académiquement qualifiés», des intervenants «professionnellement qualifiés». C’est ce mix qui permet d’asseoir une bonne base d’acquisition de connaissances théoriques et pratiques.
L’insertion des jeunes ne doit plus être traitée à la légère parce que c’est la finalité des études, de l’investissement des parents et de la nation. On ne peut pas non plus envisager d’avoir consacré autant de temps et d’argent à étudier pour se retrouver dans une situation de sans emploi. Il faut absolument éviter que la déception des jeunes soit le résultat d’une impréparation à l’entrée dans la vie active.
Au contraire, il convient de les accompagner à trouver leur voie en les sensibilisant sur les nouveaux métiers et en leur donnant la capacité à faire face aux défis et aux contraintes de l’entreprise de demain. Prendre la mesure de l’urgence ne suffit certes pas. Il est devenu impératif de l’inscrire au rang de priorité nationale avec une énorme conviction.