RÉDUIRA, RÉDUIRA PAS ?
Du mandat présidentiel et des conditions de sa réduction
Qui disait que l’opposition et le Président ne pouvaient ni ne pourraient jamais s’entendre sur une question sérieuse concernant la vie de la Nation ? Et pourtant, ils s’accordent très bien sur la réduction de la durée du mandat présidentiel, surtout sur celui en cours même si les intérêts, les arguments et les approches sont divergents.
Il est important de noter que nous parlons ici du président de la République, seul concerné directement par le mandat en question, étant entendu que des membres de son camp ne peuvent émettre qu’un avis démuni même du caractère consultatif.
En effet, pour le Président de la République, il ne s’agit pas d’une promesse qui l’a rattrapé, il ne l’a jamais oubliée mais c’est plutôt d’une déclaration tenue pendant la campagne de 2012 qu’il souhaiterait traduire en acte fort et en parfaite phase avec sa vision politique se référant constamment à l’éthique, la droiture, la vérité ainsi que sa conception de l’exercice du pouvoir avec le sens de la mesure, l’humilité pour éviter les dérives liées à la compétition, la rivalité sans merci que se vouent les prétendants au fauteuil présidentiel.
L’homme Macky Sall, à un moment où il était dépité, touché, attristé au plus profond de luimême par ce qu’il avait vu et entendu pendant les périodes de braises, d’affrontements malheureusement devenus rapidement sanglants, parfois même meurtriers, à cause d’une troisième candidature que son prédécesseur voulait briguer vaille que vaille en 2012 suivant l’interprétation faite de la Constitution avait fini par penser tout bas pour ensuite dire très haut pendant la campagne électorale qu’au-delà de cette limitation à deux mandats seulement pour un Président, il fallait surtout aller du septennat (7 ans) au quinquennat (5) pour éviter l’ivresse du pouvoir, cette étourderie qui rend tout humain difficile à éloigner des avantages liés à la stature, lui et souvent son entourage qui lui met la pression.
Il est vrai que son prédécesseur, après des dizaines d’années de lutte politique pour la conquête démocratique du pouvoir, était arrivé au Palais très tardivement ce qui avait motivé son désir de disposer plutôt d’un septennat en lieu et place d’un quinquennat. Le temps ne jouait pas en sa faveur du fait de son âge avancé, de son immense envie de bâtir beaucoup de choses pour développer notre pays selon sa vision.
Certes, de belles réalisations ont été faites au niveau des infrastructures qui nous régalent encore, aujourd’hui, tout en faisant notre fierté mais leur érection a été menée au prix de sacrifices énormes sur le plan social sans compter que d’autres choix ont été trop coûteux alors qu’ils n’étaient pas plus nécessaires que les questions élémentaires de survie. Il fallait choisir, décider et celui qui avait les destinées du pays l’avait fait laissant au Peuple souverain la latitude d’apprécier positivement
ou négativement ses décisions. Il a voulu accomplir des actes inoubliables qui resteraient gravés à jamais dans l’histoire et la mémoire collective de notre pays, ce qui l’empêchait d’admettre cette vérité qu’aucun homme n’avait pas jusque-là tout réussi sans oublier que nul autre ne parviendra jamais à réaliser la totalité de ses rêves, ses envies, ses projets durant sa vie, en politique certains seront inéluctablement repris, entamés, achevés ou parachevés par d’autres individus de quelque bord qu’ils soient parce qu’ils sont élus pour le faire. La vie continuera toujours sans nous et il en sera ainsi pour l’Etat, en effet
«les hommes passent et les institutions demeurent».
C’est ce dernier point qu’il faut nécessairement garder à l’esprit par rapport à la gestion de l’Etat, ceci est valable pour le privé. Alors, la question de certains hommes politiques, actuellement au pouvoir, est de savoir si 5 (cinq) ans d’exercice sont suffisants pour dérouler un programme de développement d’un pays. Ne vaudraitil pas mieux se fixer sur 7 (sept) ans ?
Pour les opposants, si un Président ayant les destinées d’une Nation, se trouve nanti de tous les pouvoirs et moyens n’arrive pas à réaliser grand-chose (selon eux) en cinq ans, réussira-t-il quelque chose avec deux années supplémentaires ?
Serait-il utile de faire souffrir davantage les populations pendant 7
(sept) ans, pourquoi ne pas écourter à 5 (cinq) années ?
Le débat est politique, il est nourri entre 2 (deux) camps opposés, l’un qui est au pouvoir par la grâce du Peuple souverain et voudrait à juste titre le conserver face à un autre qui a un désir légitime de vouloir prendre sa place.
Mais bon sang où est l’intérêt du Peuple dans tout ça, où se trouve-t-il ?
Qui s’en préoccupe ?
N’est-il pas menacé par l’instabilité de la Constitution, de ce texte, cette charpente régissant la vie, le mode de fonctionnement des institutions, oui ce socle de nos droits et libertés ?
La question de la réduction du mandat présidentiel revient sans cesse dans les débats radiotélévisés ainsi que dans certains milieux au point qu’il nous semble opportun de donner notre avis de citoyen avide d’apporter une modeste contribution à l’édifice de la démocratie, au renforcement de nos institutions, à l’apaisement des esprits et à la juste information pour aider la majeure partie de nos concitoyens à comprendre le sujet, son intérêt pour choisir aisément et utilement soit de prolonger ou d’écourter la durée du mandat qui régit le magistère d’un homme élu par eux, le désignant, ipso facto, comme habilité à prendre les grandes décisions aux fins d’assurer leur sécurité, leur bien-être, leur quiétude, le développement économique et social de leur environnement vital, lasauvegarde de leurs biens et l’intégrité de leur territoire.
Le candidat Macky Sall, sans aucune pression ni contrainte, avait lui-même promis de réduire son mandat présidentiel de 7 (sept) à 5 (cinq) ans s’il était élu et il semble n’avoir discuté ni avec son entourage ni avec ses alliés sur une question qui s’avère aujourd’hui si importante parce que l’opposition si opiniâtre, si pugnace, si combattive au point de paraître impitoyable et une partie du Peuple figée sur nos valeurs ancestrales voient en cette déclaration, une promesse électorale qui aurait joué un rôle déterminant en faveur de son élection, par conséquent son respect est hors de toute possibilité de négociation.
Que cette assertion liant son élection à sa promesse soit vraie ou fausse, il est un fait indéniable que devenu président de la République et installé en tant que tel par la Cour Suprême pour une période de 7 (sept) ans il a insisté, ensuite, réitéré sa volonté de ramener la durée du mandat présidentiel à 5 (cinq) ans.
La répétition s’est faite à plusieurs niveaux et lors de nombreuses rencontres avec ses partisans, ses alliés ou la presse aussi bien nationale qu’étrangère au point que la limitation de mandat ne saurait être autre chose qu’une promesse à honorer ou respecter quel qu’en soit le prix.
Cependant, nous devons retenir sa constance sur la décision de vouloir réduire son mandat contre vents et marées, malgré les tentatives de dissuasion d’une partie de son camp, constituée de proches, d’anciens amis, de chevaliers ou de faucons ainsi que des alliés dont certains préfèrent garder le silence quand d’autres montrent un empressement à vouloir écourter sans aucune retenue, un compagnonnage en évitant de le dire à haute et intelligible voix allant jusqu’à suggérer une démission sous prétexte de faire faire des économies alors que le fait d’inviter le Peuple, par le biais de son Parlement, à le libérer de sa promesse aurait pu aussi être envisagé par eux si l’essentiel n’est pas d’avoir, coûte que coûte, des élections en 2017.
Le président de la République, principal concerné tient à le faire mais dans le respect strict de la Constitution dont il est le garant, propos fortement marqués lors de sa prestation de serment, en séance publique devant le Conseil constitutionnel et les illustres invités d’un jour, transmis au peuple des villes, de la banlieue ainsi que du Sénégal des profondeurs sans oublier celui de la Diaspora éparpillée aux quatre coins du monde.
En levant la main droite il avait prononcé en 2012, ces mots que tout citoyen aurait aimé sortir de sa bouche, en ce moment si solennel, surtout opposants ou concurrents malheureux de la course au pouvoir : « *Devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale, de ne ménager enfin aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine» (Article 37Constitution 2001).
Alors est-il permis aujourd’hui au président de la République, son Excellence Monsieur Macky Sall de réduire directement son mandat de 7 (sept) à 5 (cinq) ans sans pour autant violer la Constitution et son serment devant le Conseil constitutionnel ?
Serait-il envisageable, par et pour lui, de violer sa promesse, son engagement pris devant le Peuple en pleine campagne électorale consistant à réduire de 2 (deux) ans, la durée de son magistère prévue pourtant pour 7 (sept) ans dans la Constitution en vigueur ?
Devrait-il démissionner au bout des 5 (cinq) de règne pour satisfaire ses opposants, les impatients, les adeptes de l’économie d’une consultation inutile ?
Devrait-il, comme le pensent et soutiennent des constitutionnalistes, des militants faire un premier mandat de 7 (sept) ans ou septennat pour ensuite réduire le second s’il était réélu ?
Quelle attitude adopter face à ce dilemme qui n’est toutefois pas une déchirure pour lui ?
Autant de questions relatives à différentes positions de notre petit, mais ô combien envahissant, monde politique, partisans et opposants confondus qui, malheureusement raisonnent beaucoup plus souvent en fonction de leurs propres intérêts allant même à l’encontre de ceux de la Nation et du Président lui-même alors qu’il revient à ce dernier la lourde charge d’assurer et de laisser à ses successeurs, à la postérité, une stabilité des institutions surtout sur ce point si fondamental, vu tous les pouvoirs concentrés entre ses mains.
Pourquoi écourter son premier mandat par la démission pour permettre la tenue d’élections anticipées alors que la question de la durée du mandat présidentiel va se reposer inéluctablement avec acuité aussitôt après sa réélection ou à l’installation d’un nouveau Président, sorti vainqueur des joutes électorales parce qu’ayant été lui aussi partisan de la réduction du magistère précédent, oui partisan parce qu’ayant adhéré à l’idée, soutenu, argué, sollicité, réclamé avec insistance, et enfin agi pour son application, sa mise en œuvre ?
En effet, en décidant de démissionner, rien que pour tenir une promesse électorale, il aura manqué à «remplir fidèlement la charge de Président de la République du Sénégal, d’observer et de faire observer scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois... ».
Mais aussi il aura failli à un objectif qu’il s’était fixé depuis 2011, dans un entretien accordé à Nouvel Horizon (N° 802 du 25 novembre au 1 décembre 2011) dans lequel il disait ceci à propos de sa candidature: «C’est d’abord l’expression d’une ambition inachevée par mon premier parcours politique et celui en tant qu’ancien Premier ministre.
Une ambition inachevée qu’il faut poursuivre par une nouvelle à travers un engagement nouveau de servir, mais surtout de relever le défi du développement. Je suis convaincu... qu’en identifiant très clairement les priorités des populations sénégalaises sans verser dans le populisme et la démagogie, nous atteindrons nos objectifs pour un développement durable.
Je suis convaincu qu’avec la confiance des Sénégalais, nous allons rebâtir la République, dans ce qu’elle a de plus fondamental, c’est-à-dire l’Etat dans son fonctionnement le plus efficace. »
Alors, rebâtir la République, n’est-ce pas aussi ériger, renforcer et protéger nos institutions et ceux qui ont la chance mais aussi la lourde tâche de les incarner ?
A suivre