RASER PUIS REBÂTIR SANDAGA
EXCLUSIF, PAR SALIOU GUÈYE SenePlus : LE PROBLÈME N’EST PAS SEULEMENT L’ÉDIFICE DÉTRUIT PAR LES FLAMMES NI LES MARCHANDS AMBULANTS, MAIS LE MARCHÉ DANS SA GLOBALITÉ.
Le 19 octobre dernier, le préfet de Dakar décidait de rendre effective la fermeture du marché de Sandaga dont les bâtiments vétustes menaçaient de s’effondrer d’un instant à l’autre. Six jours après la fermeture, un incendie d’une rare violence ravagea cet édifice vieux de huit décennies. Les pertes sont chiffrées à des centaines de millions et l’origine de cet accident mystérieux tarde à être connue.
Le préfet et le maire de Dakar sont au banc des accusés. Des commerçants amers, ayant subi le préjudice, ruent dans les brancards et indexent le maire Khalifa Sall d’être le commanditaire de l’incendie ravageur. Des politiciens sans scrupule comme Ibrahima Sène du Parti de l’indépendance et du travail (Pit) ont même eu le toupet d’accuser le préfet de Dakar d’être le responsable de cet incendie.
Mais en dehors des accusations fondées ou pas, il ne fallait pas être devin pour présager que ce vieux bâtiment lézardé partout, en sus de ses branchements artisanaux clandestins, s’effondrerait d’un instant à l’autre s’il ne se consumerait pas du fait d’un court-circuit électrique. Cet incendie pose aujourd’hui l’opportunité voire la nécessité de la destruction intégrale de tout Sandaga.
Le bâtiment central, une petite partie du problème
Le problème de Sandaga, comme on a coutume de le dire, n'est pas seulement l’édifice qui est détruit par les flammes ni l’épineux problème des marchands ambulants, mais le marché dans sa globalité. Dans l’avenue Emile Badiane où les cantines Sandaga ont pignon sur rue, on a l’impression que les autorités gouvernementales et municipales se sont inclinées devant la force de l’entêtement des occupants du marché qui rechignent à respecter les règles les plus élémentaires en matière d’occupation d’espace.
Sur ladite avenue, c’est l’encombrement total. Des tabliers et des voitures de commerçants en stationnement irrégulier rétrécissent la largeur de la route au point que les chauffeurs des bus Dakar Dem Dikk manœuvrent et slaloment avec toutes les peines du monde pour s’ouvrir un passage jusqu’au terminus Malick Sy. Devant les cantines, l’insalubrité fait loi. Si ce ne sont pas des gobelets de café ou les emballages de marchandises qui jonchent la route, c’est l’eau des ablutions et des crachats puants qui y dégoulinent constamment.
Bien qu’il y ait ramassage constant d’ordures, l’espace de Sandaga reste encore crasseux du fait de l’irrespect des règles d’hygiène élémentaires des commerçants occupants. Comme disaient les Romains à propos de la destruction de Carthage, Sandaga ‘’delenda est’’. Tout Sandaga doit être détruit et reconstruit sur la base d’un plan urbanistique directeur moderne. C’est une œuvre de salubrité et de sécurité publiques.
Quand on se rend au Plateau, partant de l’avenue Emile Badiane en continuant par les avenues Pompidou ou Lamine Guèye pour déboucher respectivement sur la place de l’indépendance ou le boulevard de la République avant d’atterrir au palais présidentiel, on a même honte de voir que ce sont de vieilles cantines exiguës rafistolées n’importe comment avec des installations électriques d’un autre âge, des bâtiments vieillots abritant des commerces et des habitations, des immeubles flambant neufs disproportionnés sans aucune cohérence urbanistique qui constituent le quartier des affaires de la capitale sénégalaise.
Dakar n’est pas comme Paris, pas même comme Abidjan
Dakar est loin d’être comme Paris des années 60 comme le souhaitait le président Léopold Sédar Senghor. Dakar-Plateau est à des années-lumière de retard d’Abidjan-Plateau, centre administratif, commercial et financier de la Côte-d’Ivoire que l’on surnomme le «Manhattan des Tropiques» avec ses nombreux gratte-ciel et ses immeubles de prestige surplombant la lagune Ébrié, ses institutions de la République telles que la présidence et l’Assemblée nationale, ses hôtels grand standing, la grande mosquée du Plateau et la majestueuse cathédrale Saint-Paul d’Abidjan, sans comparaison en Afrique de l’Ouest.
En janvier 2004, le marché du Plateau d’Abidjan a été rasé après le déguerpissement des vendeurs ambulants et des taxis collectifs (sorte de taxis clando) dit ‘’woros-woros’’. Cela s’inscrivait dans le programme de réhabilitation de l’aire communale du centre d’affaires de la capitale ivoirienne, conduite par la municipalité de Plateau. Aujourd’hui au Sénégal, c’est ce même courage politique dont les autorités municipales et gouvernementales doivent s’armer pour raser entièrement Sandaga qui étouffe la circulation du centre-ville de Dakar et y reconstruire des édifices modernes.
Ensuite redessiner, selon un plan architectural approprié, les rues enveloppées, du sud au nord, par l’avenue Faidherbe et la rue de Thiong et, d’ouest en est, par Petersen et la rue Moussé Diop.