RECONFIGURATION POLITIQUE
VERS L’ÉRECTION D’UN GRAND PÔLE DE L’OPPOSITION
Les retours quasi simultanés des leaders du Parti démocratique sénégalais (Pds) et du Rewmi sur le territoire national sonnent comme une chaude alerte pour le camp présidentiel qui feint de n’en être point troublé.
Ces retours au bercail sont salutaires pour la démocratie sénégalaise, surtout en cette période où les contre-pouvoirs périclitent et où les équilibres se fragilisent avec le phénomène sordide de la transhumance. Cela va mobiliser davantage les troupes de l’opposition en capilotade et galvaniser les énergies.
Depuis longtemps, on n’entend plus un discours contradictoire qui suscite l’écoute et l’intérêt des Sénégalais. Déjà à son arrivée à l’aéroport, dimanche dernier, Idrissa Seck a commencé à lancer ses salves médiatiques traumatisantes. En qualifiant le Programme Sénégal Emergent (PSE) de cirque folklorique, le Rewmiste en chef a fait sortir hors de ses gonds, Souleymane Jules Diop, le conseiller en communication du président Macky Sall, qui n’a pas tardé à apporter la réplique.
En sus, il a déclaré que son parti chercherait à nouer des alliances stratégiques avec l’ensemble des forces de l’opposition qui veulent en découdre avec le pouvoir en place. Ce qui veut dire qu’on s’achemine inexorablement vers une recomposition politique qui sera dictée par les intérêts politiques des uns et des autres.
Une chose est sure : une grande alliance composée du Pds, du Rewmi et des autres formations politiques qui en sont issues, des restes de And Bolo Takhawou Askan wi, des mécontents du Parti socialiste (Ps) et de l’Alliance des forces de progrès (Afp), des candidatures émanant de listes citoyennes et peut-être même de certains frustrés du parti présidentiel va bientôt voir le jour parce l’objectif commun est de battre l’Alliance pour la République (Apr) avec ses alliés de Bennoo Bokk Yakaar.
Benno l’inconnue
Aujourd’hui, l’Apr court le risque d’être politiquement esseulée dans cette reconfiguration politique qui se profile à l’horizon des locales de juin prochain. C’est la posture de Bennoo Bokk Yaakaar qui demeure la grande inconnue. L’Afp, sous contrôle de Moustapha Niasse, s’alignera sur la position apériste comme il l’a déjà déclaré publiquement.
Mais il est évident que Malick Gakou, futur tricard pour insubordination à l’autocrate Moustapha Niasse, s’opposera au sein de cette coalition, que l’on subodore dans les propos d’Idrissa Seck, à l’Apr/Guédiawaye, que le frère du président de la République, Alioune Sall, sans feu ni lieu, veut conquérir à tout prix.
Il en sera de même pour la coriace Soham Wardini que son parti, l’Afp, avait écartée de la mairie du point E au profit de Malick Diop. Qui sait si ce dernier, malgré sa fidélité sans faille à son leader, n’aura pas une attitude rebelle si l’on sait que les Apéristes lui ont fait part de leurs intentions conquérantes vis-à-vis de la mairie qu’il dirige actuellement ?
Il en sera de même pour l’actuel maire de Dakar, le socialiste Khalifa Sall qui, sans attendre son parti, encore dans une position floue, a déjà concocté ses listes dans toute la région de Dakar et même en dehors.
Aïssata Tall Sall, à qui les Apéristes ont déjà déclaré la guerre en adoubant Racine Sy pour lui reprendre la mairie de Podor, intégrera ce grand pôle politique qui sera la version 2014 de Benno Siggil Senegaal de 2009.
On retrouve le même casus belli à Saint-Louis où le parti présidentiel, conduit par Mansour Faye, Délégué général à la Solidarité, par ailleurs frère de la Première dame, s’active pour déboulonner l’actuel maire Cheikh Bamba Dièye, ministre de la Communication et de l'Economie numérique et patron du FSD/BJ.
A ceux-là, il faut ajouter ces pontes politiques frustrés comme Ibrahima Fall, Cheikh Tidiane Gadio, Moussa Touré, qui ont claqué la porte de BBY avec l’esprit vindicatif de prendre une revanche sur Macky Sall qui les a sous-estimés au profit de Moustapha Niasse, Amath Dansokho, Ousmane Tanor Dieng et Abdoulaye Bathily.
Dans cette imminente coalition, il faut associer Bess Du Niakk de Serigne Mansour Sy Djamil qui s’est constitué aujourd’hui comme une force d’opposition au régime de Macky Sall. C’est le cas aussi de Mamadou Lamine Diallo du mouvement Tekki que l’on classe désormais comme un adversaire du pouvoir actuel.
Ces forces de l’opposition reconfigurée seront appuyées indubitablement par les forces citoyennes telles que Y en a marre, le M23 patriotique et d’autres mouvements comme SOS littoral qui luttent farouchement contre l'érection de la nouvelle ambassade turque sur la façade marine.
Le syndrome des locales de 2009
Avec cette grande coalition politique qui fera bientôt jour d’où surgiront aussi, selon les opportunités, voire les opportunismes politiques, des alliances locales, il y a fort à craindre du côté du pouvoir et de ses alliés de BBY, lesquels semblent être atteints d’une cécité tenace qui les empêche de tâter le mécontentement général grandissant de la population.
Lors des municipales de 2009, les forces de l’opposition et certaines candidatures indépendantes s’étaient liguées pour battre le Pds (l’alors parti au pouvoir) dans les grandes villes à forte concentration démographique. Même si au sortir de ces locales, le Pds était sorti majoritaire dans l’ensemble des collectivités locales, il demeure que cette victoire avait l’amère saveur d’une défaite électorale.
Cette déchéance électorale du Pds et de ses alliés aux locales de 2009, à travers laquelle s’était manifesté, de façon subliminale, le mécontentement populaire, préfigurait celle de la présidentielle de 2012. Ainsi le risque est grand avec l’Apr qui s’est mise à dos une bonne partie de ses alliés et qui a remis en selle un Pds et un Rewmi fortement atrophiés avec leurs nombreux départs.
Aujourd’hui avec une Apr qui ne parvient pas à transcender ses divisions intestines et à contrôler les partis alliés dont les chefs n’ont aucune emprise sur certains électrons libres, il est quasi certain que le scénario de 2009 se reproduira, à moins que, comme le supputent certains responsables de la mouvance présidentielle, les locales ne soient reportées pour une quelconque raison spécieuse. Histoire de permettre au camp présidentiel d’éviter un éventuel camouflet le 29 juin prochain.