RELIGION ET HOMOSEXUALITÉ
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Au Sénégal, la présence d’une écrasante majorité musulmane et la cohabitation d’une minorité chrétienne obligent à trancher la question de la position de ces différentes religions sur le fait homosexuel. Ce fait avait déjà par le passé été pris en compte par ces religions et l’évolution de la société n’a pas pour autant corrigé cette position presqu’intangible. Thomas Garrick exposant le point de vue que professe l’Eglise tranche net :
"Dans la distinction sexuée de l’homme et de la femme, il y a lieu à respecter ce que Dieu a prévu. Ce qui est normal, moral et naturel, c’est la relation homme-femme. C’est ce que l’on confesse dans cette religion. Maintenant, si des personnes envisagent un autre type de relation, si on interroge la religion, elle dira que c’est contre nature de l’envisager pour des personnes de même sexe. En matière morale, on considérera que l’acte sexuel dans le cadre de l’homosexualité est un péché grave. Il faut le dire comme ça. Si vous êtes dans la conviction catholique, c’est comme ça que cela se lit. Il faut le dire quand bien même des gens ne partageront pas cela."
Toutefois, il admet qu’il est toujours possible pour ces personnes de se racheter une conduite :
"Ces personnes ont la possibilité de revenir à Dieu qui, dans son infinie miséricorde, accorde toujours au pécheur le temps ici-bas, au cours de sa vie, de pouvoir se convertir. Et la conversion dont parle l’Eglise signifie un retour à Dieu lorsqu’on s’est éloigné de ce qu’Il veut et attend de nous comme ses créatures."
Selon la pensée chrétienne, une dualité existe entre l’homme et son action. Thomas Garrick avertit :
"Il faut distinguer les comportements de la personne humaine de sa personne. Le péché c’est cette attitude de rejet de Dieu, dans ce qu’il attend de la personne pour se livrer à ce que l’on veut soi-même." Aussi, est-il possible de rejeter l’acte intrinsèquement abject sans "nier à cette personne sa dignité d’être créée à l’image et à la ressemblance de Dieu" et par conséquent "continuer de l’aimer, lui manifester que Dieu l’aime tout en attendant qu’un jour il puisse se convertir".
Il est possible de se réfugier dans la miséricorde divine en ce sens que Dieu reconnaît l’homme pécheur. A côté, la réplique musulmane n’est guère variable. Cheikh Ndongo Fall, consultant indépendant division de lutte contre le Sida et islamologue, l’exprime ainsi, convoquant la sourate Ahraf où le prophète Loth parle à sa communauté par le biais de questionnement:
"Il n’a pas demandé de fagots de bois pour les brûler ou de les décapiter. Il leur a demandé pourquoi font-ils l’acte sexuel avec d’autres hommes ? C’était cela son message. Que c’est un acte condamnable que le Seigneur n’attend pas d’eux."
Le fait d’être homosexuel n’apostasie pas quelqu’un en islam
L’érudit pense que la relation entre l’homme et la femme est considérée comme une sorte d’accomplissement final de la piété en islam.
"Tu n’atteindras le summum de ton adhérence aux principes spirituels de l’islam qu’au jour où tu seras marié", formule-t-il. Alors que les homophobes proposent des sanctions exemplaires, il tempère :
"Il ne faut pas confondre le Code pénal islamique avec la Charia qui est l’ensemble des lois divines qui régissent le fonctionnement de la vie. Jamais volontairement dans l’histoire de l’islam, le Prophète ne s’est levé pour aller chercher le code à exécuter. Au contraire, l’objectif de l’islam c’est de trouver l’impossibilité d’appliquer la peine. Même quand un homme surprend sa femme avec un autre homme, cela ne lui donne pas le droit de demander l’application d’une peine. Il faut que 4 personnes issues de 80 kilomètres les surprennent ensemble."
Cheikh Ndongo Fall pense également que le fait d’être homosexuel n’apostasie pas quelqu’un en islam.
L’histoire de l’homosexuel mort dans un jardin public
Cette histoire, qui a bordé les échanges lors du séminaire, raconte la fin dramatique d’un Msm décédé il y a quelques mois dans les jardins publics de la Zone B. Alors que son corps était découvert dans ces lieux, il habitait une maison R+2. Un des membres de sa communauté détaille :
"Cette personne était un Msm qui a été rejeté par sa famille. Il était membre de notre association. Il avait dansé dans un sabar et les gens l’ont suivi jusque chez lui avec des jets de pierres. Voilà pourquoi sa famille l’a rejeté. Il est resté malade et traînait dans les jardins publics jusqu’à sa mort. Quand on a voulu l’enterrer, une personne a appelé pour dénoncer le penchant homosexuel du défunt. On a alors refusé de l’enterrer à Yoff. C’est là qu’on l’a amené à Saint-Louis, et la même personne, toujours sous l’anonymat, appelle encore pour empêcher l’enterrement. Sa famille a dû faire des pieds et des mains pour qu’on puisse l’enterrer là-bas."