RELIGION ET SPIRITUALITÉ
La question n’est pas tant sur l’islam ou le christianisme, la question s’étend sur la transmission de la structure religieuse quand elle reste figée dans le dogme comme ultime but. La seule réponse c’est celle de l’Homme
«Qui m’octroie sa miséricorde m’aura auparavant ployé sous le fardeau de la faute et de la culpabilité. La question de l’homme, seul l’homme peut répondre, toute réponse définitive à la question de l’homme est totalitaire.»
Felwine Sarr
Il convient de se poser la question de savoir en quoi consiste la finalité religieuse ? Je dirai en premier lieu qu’il y a deux dimensions dans le fait religieux. Il y a la dimension sociale, sociologique, rituelle (qui organise une communauté autour de rites, d’un culte et d’une identité). Mais ces formes, elles servent à se construire, elles sont juste un moyen pour atteindre une finalité.
Dans toutes les traditions religieuses, il y a donc la dimension rituelle et la dimension spirituelle. Et quand on prend l’islam par exemple, le projet c’est «Al Ihssân / La rectitude». Et même certains disent que le projet c’est «Ihssânal Kamîl / Atteindre la perfection de l’Homme».
Donc, le rite, le dogme et le culte doivent opérer une transformation chez l’individu. C’est la raison pour laquelle Guy Joffroy disait : «L’Islam sera spirituel ou ne sera plus.» Il arrive que dans le temps, une religion se fige dans sa forme et qu’elle oublie donc l’essence. D’aucuns m’accuseront de tous les péchés d’Israël en tentant de comprendre par-là que l’islam n’est pas assez spirituel.
De ce fait, on pourrait même dire que ce n’est pas la religion en tant que telle, mais tout processus religieux en règle générale. Alors, on comprend tout de suite que toute religion qui ne se vivifie pas, qui ne fait pas de la question spirituelle le cœur même de sa finalité, dégénère dans une contemplation dogmatique et une doctrine purement totalitaire. C’est un fait historique, on le connaît dans toutes les traditions religieuses.
La spiritualité se cache jusqu’au fin fond du panier de la religion. Au départ, il y a une source qui est vivante, un message présent et les premiers qui embrassent la religion sont dans le message vivifiant. Au fil du temps, le médium se prend pour le message et la petite sphère qui avait été créée oublie qu’elle sert à un but qui va au-delà d’elle.
Cela a été le cas de l’Eglise, cela aussi a été le cas des Orthodoxes. Les hommes oublient l’essence de la religion et s’adonnent plus à l’aspect rituel. C’est la raison pour laquelle le Professeur Félwine Sarr dans son ouvrage Méditations africaines, disait «Ô mon Dieu, je t’aurai aimé au-delà des paroles et des formes que les hommes t’auront prêtées».
La religion comme le défendent d’aucuns n’est pas en faveur du fanatisme. Elle en a horreur. Pourquoi alors les humains et pratiquants s’acharneraient sur un tel fait ? Tous ceux qui défendent la religion au nom du fanatisme n’ont pas compris en réalité ce message religieux tant vaste et très facile à décrypter.
Les séries d’attaques perpétrées un peu partout dans le monde au nom d’une telle ou telle religion ne peuvent être considérées que comme un acte d’incompréhension vis-à-vis de ceux qui le font et un manque de dépassement et d’incompréhension vis-à-vis de ceux qui sont offensés.
Il faut ensuite et surtout répondre tout de suite que la religion n’a pas à avoir peur des questions, fussent-elles impertinentes ou odieuses, mais qu’au contraire elle en a besoin et s’en nourrit. C’est cela que représente fondamentalement le message religieux, il faut le prendre ainsi.
La religion et la spiritualité, c’est comme la question de la forme et du fond. C’est vraiment cette question là. Souvent nous oublions nous tous que le but de la forme, c’est d’atteindre un fond. Ce n’est pas un reproche fait à la religion en tant que telle ou bien à un corps religieux. C’est une question que je pose à la structure religieuse quand elle reste figée dans le dogme comme ultime but.
Et si vous observez bien, dans toutes les traditions religieuses, il y a la dimension exotérique que tout le monde partage et si on veut allez plus loin, il y a une dimension ésotérique qui est une dimension d’excellence. Pour dire qu’on n’est pas encore arrivé au bout du chemin et que si l’on veut aller plus loin, il faut que l’on passe à un autre stade.
Dans toutes les traditions religieuses ! Cela veut bien dire que le destin du grand nombre, c’est d’atteindre le grand stade puisque le stade réservé (ésotérique) est une dimension d’excellence. On pourrait donner l’exemple du Baatine, du Soufisme ou du Cachet.
Dans la religion, il y a forcément une dimension sociologique. Donc, si je considère que la quête de ma soif est plus ardente, j’ai besoin d’un vêtement qui me couvre le mieux.
La question n’est pas tant sur l’islam ou le christianisme, la question s’étend sur la transmission de la structure religieuse quand elle reste figée dans le dogme comme ultime but. La seule réponse en matière de religion c’est celle de l’Homme, puisque toute autre créature hormis l’Homme est infinie.
Or, l’infini ne peut pas se loger dans une langue, l’infini ne peut pas se loger dans un code, l’infini va au-delà des paroles et des formes de messages, car toute langue est lacunaire, aussi belle soi-telle. Donc le message religieux va au-delà de la langue et y institue sa propre direction. Il n’y a pas d’enfermement linguistique en matière de religion, donc pas de fanatisme.
Pour donner un exemple concret de cette spiritualité religieuse qui n’est rien d’autre que le sens ultime à travers une sacralisation rituelle, je prendrai comme référence l’islam. Le fait qu’on dise que le Prophète Mouhamed (Psl) est le sceau des Prophètes, certes exégètes disent «Arrêtons de nous dire que c’est le dernier des messages».
Ce n’est pas ça le sens ultime, le sens ultime c’est de dire que l’homme est devenu adulte. Si l’on a considéré que le temps de la Prophétie devait s’arrêter, c’est parce que la conscience humaine est devenue tellement élaborée que l’homme désormais pouvait trouver des réponses.
C’est-à-dire que les messages sont arrivés dans des temps divers. On noue la conscience humaine et celui qui envoyait et qui voyait les messages venir a considéré que les hommes étaient devenus adultes, qu’ils avaient assez de matières pour discerner le bien et le mal, qu’ils avaient assez de messages et que ce n’était plus nécessaire d’envoyer quelqu’un.
Donc, l’homme finalement prône la prophétie. Du coup, il lui retranscrit la question de la réponse. D’ailleurs, dans le Coran, c’est à l’homme qu’il donne la possibilité de nommer les choses (Khalîfatou Fil Arde) parce qu’il appela les anges et ces derniers n’arrivent pas à nommer.
Donc, c’est l’homme qui crée le monde et c’est l’homme qui nomme. Et il lui transmet le pouvoir de donner du sens à la vie et lui en transmit des messages.
La foi est une ouverture au dialogue, aux échanges et au partage. Pourquoi, pour une simple et unique raison, des fanatiques et imposteurs personnels se sentiraient bien à l’aise de défendre une religion qu’ils ne connaissent pas en réalité et ne pratiquent pas du tout ? Le fanatisme est à bannir sous toutes ces formes.
Qu’il soit un fanatisme religieux, politique, idéologique ou sociétal, c’est un fanatisme à éradiquer sous toutes ces formes. D’ailleurs, le monde universitaire est né pour contrecarrer cette sorte de fanatisme. Et dommage qu’il en soit ainsi dans nos universités, trop de fanatiques pour une ouverture au dialogue.
L’université doit participer d’ailleurs à la lutte contre ce fanatisme religieux qui gangrène le monde et ne cesse de croître. Parce qu’elle est un espace de débat, un espace pluraliste et multidimensionnel qui met en valeur l’unique argument de la raison, car tout compte fait, la raison est l’instance ultime à laquelle nous devons rendre compte.
De toute chose qu’il soit, l’argument de la force et de la guerre rimera toujours avec celui de vengeance et de haine envers l’humanité. Observer un arrêt demeure fondamental pour observer à la prunelle de nos yeux cette religion qui nous est pourtant commune, mais qui nous est méconnue.
La finalité de la religion n’est rien d’autre que la spiritualité, mais il faut emprunter un canal rituel qui est le fait de jeûner, d’accomplir le pèlerinage à la Mecque par exemple, de respecter les 5 prières rituelles pour la religion musulmane.