ON REPARLE DE LA MÉDIATION PÉNALE
RECOUVREMENT DES BIENS MAL ACQUIS
Faut-il privilégier les sanctions pécuniaires à la place de la sanction pénale, dans le cadre de la délinquance économique et financière ? L’idée a été agitée par le Chef de l’Etat, hier, lors de l’audience solennelle de la rentrée des cours et tribunaux pour l’année judiciaire 2014.
La médiation pénale est-elle la solution pour recouvrer les biens mal acquis ? L’idée avait soulevé des vagues, il y a quelque temps. Elle semble pourtant être l’option du gouvernement. Hier, lors de l’audience solennelle de la rentrée des Cours et tribunaux pour l’année judiciaire 2014, le Chef de l’Etat a déclaré que la médiation pénale est un moyen efficace de recouvrement.
‘’La médiation pénale, conduite en toute transparence, peut constituer un recours valable et efficace, pour accélérer le recouvrement des biens dits mal acquis’’, a indiqué le Président Macky Sall, tout en insistant ‘’sur la nécessité de concilier la rigueur de l’instruction et le respect des droits des personnes poursuivies, notamment la présomption d’innocence et le droit à un procès équitable’’.
Les juges partants pour la médiation pénale
Auparavant, c’est le procureur général près la Cour suprême qui a loué les mérites de la médiation pénale. Citant les exemples de certains pays occidentaux où elle est pratiquée, Mamadou Badio Camara a indiqué qu'il s'agit ''de rechercher une solution librement négociée, entre les parties, à un conflit né d'une infraction”.
Son collègue Adama Ndiaye, auteur du discours d’usage axé sur le thème : ‘’Traitement judiciaire de la délinquance économique et financière’’ a renchéri en ces termes : ‘’Le recouvrement, avant poursuite et jugement de biens dissipés ou détournés, permet d’éviter des pertes de temps générées par des procès souvent gangrenés par toutes sortes de dilatoires et de difficultés de fond et de forme’’.
Il a ajouté qu'une ''mauvaise publicité peut entraîner une fuite des capitaux et une délocalisation des entreprises’’. Toutefois, le juge a invité à un respect des formes. ‘’Un recouvrement réalisé en secret risque d’être en contradiction avec l’esprit des normes de déontologie contenues dans la loi portant code de transparence dans la gestion des finances publiques’’, a mis en garde le magistrat. Selon lui, ''il est souhaitable que tout mode alternatif soit fait sous l’égide d’un juge ou au moins d’un parquet’’.
Le président veut ''appauvrir à la mesure de l'enrichissement illicite''
Au-delà de la traque des biens mal acquis, l'option du recouvrement est souhaitée dans le traitement de la délinquance financière, d’une manière générale. Car, aux yeux du président de la République, la prison n’est pas assez dissuasive, pour éradiquer ces pratiques. Macky Sall affirme qu'il ''est avéré que celui qui est décidé à s'engager dans la délinquance économique et financière mesure son fait délictuel au gain qu'il espère en obtenir, à la probabilité d'être arrêté, à l'amende et/ou à la durée de la peine de prison qu'il encourt’’.
De ce fait, ajoute le chef de l'État, ‘’si les peines d’emprisonnement et d’amende sont, du point de vue de l’impact, inférieures à son gain, il n’hésitera point à accomplir son forfait’’. Fort de ce constat, il préconise la sanction pécuniaire. ‘’Le délinquant financier qui pose des actes répréhensibles, dans le seul but de s’enrichir, devrait, parallèlement à la peine d’emprisonnement, subir une condamnation pécuniaire de nature à l’appauvrir à la mesure de son enrichissement, voire davantage’’, indique le Président Sall.
‘’Les peines d’amende et de confiscation ne seraient-elles pas plus dissuasives pour les contrevenants et plus efficaces pour le patrimoine national que les peines traditionnelles privatives de liberté qui obligent l’État à construire des prisons et à prendre en charge des détenus ?’’ s’est-il interrogé.
Impérieux de prévenir les détournements
Toutefois, au-delà de la répression, le Président Sall estime que le traitement judiciaire de la délinquance économique et financière doit aussi mettre l’accent sur l’aspect préventif. Le bâtonnier de l’ordre des avocats a abondé dans le même sens.
‘’S’il est absolument important de recourir à la sanction pénale, il est en effet tout aussi crucial de promouvoir (...) les clauses anticorruption à insérer dans les contrats, les chartes éthiques et d’impliquer les entreprises du secteur privé et les organisations de la société civile’’, a plaidé Me Ameth Bâ.
C’est dans cette optique que le gouvernement a rappelé au Président Sall de créer l’OFNAC (Office national de lutte contre la fraude et la corruption). ‘’L’objectif est de faire preuve de transparence et de lever ainsi toute équivoque sur l’état du patrimoine de toute personne participant à la gestion de la chose publique’’, a-t-il indiqué.
C’est à ce titre qu’il a invité ses collaborateurs à être irréprochables. ‘’J’attends de mes collaborateurs et plus généralement de tous ceux qui participent à la gestion des ressources publiques un comportement irréprochable et à la hauteur des aspirations et attentes des Sénégalais’’, a lancé le Chef de l’État.