REPUBLICAINS OU NARCISSIQUES ?
RIFIFI DE L’APR
Au début, c’était comme une simple brise triviale des changements de météo politique. Comme une fleur de mauvaise saison sur les aires d’apprentis jardiniers. Hélas. Trois fois hélas. Tous ont piqué du nez. Les républicains non encore républicanisés. Le rififi au sein de l’alliance pour la République a précédé toutes les déviances syllogistiques que les prédictions formulaient pour la coalition que ce parti au pouvoir ne partage que péniblement. L’APR ne va-t-il pas ravir la fatalité de l’implo- sion à Benno Bokou Yaakar avant même le divorce prévu au locales l’année prochaine ?
A la vérité, les batailles permanentes autour du pouvoir central, fussent-elles endogènes au parti du Président de la République, sont l’émulsion du cours normal des choses. C’est le contraire qui eût été inusuel mais les principes des sociétés démocratiques com- mandent que ces égotismes de compétition politique s’opèrent dans les limites d’un cadre objectif : La république. Malheureusement, l’alliance pour la république en très sérieux mal de maturité se prête aux dispositions antirépublicaines d’échanges bien aigres- doux sans retenue.
Le spectacle aux allures de fiction du 7eme art qu’ont donné Djibril War et Mammouth Saleh non sans recours à l’arme pour se tenir en respect dans une abjecte prise de bec fait partie des plus odieux panoramas que ce parti politique ou ce qui en tient bien lieu, donne à voir. C’est pour vous faire grâce des diatribes et écarts d’émotions dont Alioune Badara Cissé, Mor Ngom, Moustapha Cissé et le même Mamouth Saleh étalent ces temps derniers Ils violent tous la recommandation de Francis ponge sur la meilleure façon de servir la République : Redonner force et tenue au langage.
L’excuse la plus évidente est l’accession précoce à la magistrature suprême de cette jeune formation jusqu’ici inexistante aux quatre coins du territoire national. On dirait qu’il aurait bien fallu qu’elle ne briguât pas ce mandat présidentiel de sitôt parce que l’angoisse collective à sauver l’Etat des égarements du vieux Wade manqua de se pencher sur le choix de son successeur. Et du coup, un club de ce qu’il n’est pas exagéré d’appeler les amateurs du pouvoir, de compagnie intermittente à un Macky Sall de toutes les veines ces dernières années, débarque et se surprend du partage du butin électoral.
Le PDS sorti de 26 ans d’opposition n’aurait pas connu les mêmes errements, encore que la plupart de ces arrivistes qui font aujourd’hui, plus vite qu’on ne le pensait, la honte d’un parti au pou- voir, doivent leur initiation au Pape du Sopi. Pour le vieux parti socialiste, ça se passe de tout commentaire. N’eut été l’usure et son statut d’otage que d’autres égoïsmes entretiennent, il serait l’exemple. L’APR n’a eu que le temps de naître d’une frustration et de s’appuyer sur une corporation de vieux briscards pour braver le sommet au bout de deux ans de gestation anonyme. Comme qui dirait, il ne fallait pas s’attendre à mieux.
Pourtant l’opinion publique, cette force poli- tique de Sauvy qui n’est prévue par aucune constitution demeure imprévisible. L’Egyptien Morsi vient d’en faire les frais. Il se croyait tout permis et immunisé par une légitimité jamais pourvue dans son pays. L’APR n’a qu’à bien se tenir, le commun des sénégalais n’est plus loin de se poser les questions qui lui ont longtemps échappé et que les politicards remettent au goût du jour. A savoir pourquoi se battent-ils tant ? Pour la république ? Certainement pas. C’est cela le net corollaire de la démobilisation, un manquement propre aux associations politiques qui n’ont d’égale existence que la conquête du pouvoir sans plus. C’est élémentaire.
D’autres missions sont dévolues aux formations politiques, d’où l’activisme pour la rééducation de leurs mass- es, l’imprégnation aux idéaux ou encore le développement du mouvement. Or ce qui devient l’Alliance contre la République est le prototype d’une association politique aux structures dolemment engourdies. Cela se voit à l’inertie des mouvements de jeunes, de femmes, de cadres ou du directoire pléthorique dont l’activité se résume aux communiqués qui sanctionnent des rencontres jamais organisées sans l’ombre du gourou. C’est bien la première fois au Sénégal qu’un parti au pouvoir ne connaît pas de débats de comité directeur ou de thématiques contradictoires reliant le sommet du secrétariat national à la base.
On n’est pas prêt de sortir de cette auberge espagnole. Faute de dépassement moral, beaucoup excellent dans toute leur dimension animale et attendent que Macky Sall sonne la fin de la récréation. Le chef de parti, par ailleurs Président de la République qui n’a malheureusement pas failli au cumul honteux des chefferies démocratiques subsahari- ennes, ne dispose plus du temps. Il est occupé à d’autres tâches à la tête de la nation pour reprendre son conseiller Jules Diop sur le plateau de la RTS. La distinction entre les deux titres aurait pu innover les réformes de la commission à Amadou Macktar Mbow mais les plus âpres apéristes se disent intraitables là-dessus, le Chef de l’Etat demeurera le patron du parti.
Et certainement le candidat naturel du parti. Pourtant le postulat indépendantiste de Senghor pour obtenir de créer un parti politique était qu’il fallait qu’une porte fût ouverte ou fermée. Il faut que nous soyons dans la République ou hors de la République Disait-il pour ceux qui croient à ce jour que Macky Sall est la propriété d’un clan. Ceux qui se réclament d’une amitié de longue date avec lui. Ce sont les mêmes qui signalent pour s’en plaindre que certains ministres apérisés avaient plutôt soutenu la candidature de Moustapha Niasse et ne sauraient jouer les premiers rôles dans leur parti. Contradictoire pour ces théoriciens de la transhumance qui rameutent des troupes au PDS pour massifier leur petit parti avant les élections locales. Que deviendrait en réalité cette APR laissée en l’état entre les mains de quelques vieux compagnons de frustration de Macky Sall qui ne pèse guère politiquement un fétu ?
Une crise de croissance qui dure trop longtemps passe pour une défaillance dont il faut tirer les conséquences. Montesquieu en établit que ce qu’on appelle union dans un corps politique est une chose très équivoque. La vraie union dit-il, est celle de l’harmonie qui fait que toutes les tendances, quelque opposées qu’elles nous paraissent, con- courent au bien général de la société, comme des dissonances, dans la musique, con- courent à l’accord total. En l’espèce, elles nourrissent plutôt l’égo des adeptes de la poli- tique du ventre de François Bayard. Et pour combien de temps encore ? Il n’est donc pas tôt de redouter : Macky Sall ne dispose toujours pas d’un parti politique.