RESCAPÉS D'ÉBOLA, DES MILLIERS D'ENFANTS VONT DEVOIR VIVRE SANS FAMILLE
Monrovia, 7 oct 2014 (AFP) - L'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest condamne des milliers d'orphelins à une existence en quarantaine bien après avoir échappé au virus, la stigmatisation et la peur l'emportant trop souvent sur les traditionnelles solidarités familiales.
"C'était différent avec l'épidémie de VIH", lorsque la famille éloignée ou des amis prenaient les enfants orphelins, se souvient Sarah Crowe, une porte-parole du Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef).
"C'était un filet de sécurité. Maintenant, avec la peur d'Ebola, ça casse ce système". Ils souffrent non seulement "de la perte de membres de leur famille", mais aussi "de la stigmatisation et du rejet par leur communauté, et même de proches qui craignent d'attraper le virus", se désole Krista Armstrong, de l'ONG britannique Save The Children.
Dans les trois pays principalement touchés - Liberia, Sierra Leone et Guinée - sur les quelque 3.500 morts officiellement recensés par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les moins de 15 ans représentent environ 15% des victimes, selon le directeur régional de l'Unicef, Manuel Fontaine, soit environ 500 enfants.
Mais le virus a fait des milliers d'orphelins d'au moins un des deux parents, d'après l'Unicef. "La plupart des gens qui meurent ont entre 25 et 45 ans", précise Sarah Crowe.
Trois catégories sont donc à distinguer: les enfants non contaminés dont les parents ont péri, qu'il faut surveiller 21 jours (durée maximale d'incubation du virus), les enfants ayant survécu mais pas leurs parents, et les enfants ayant survécu mais abandonnés par leur famille par peur de la maladie.
"Le plus difficile, c'est un enfant dont la famille a été touchée par la maladie (...) alors que l'enfant est négatif. Ceux-là, il faut les isoler 21 jours mais il n'y a pas de structures d'accueil", déplore Laurence Sailly, coordinatrice du centre de traitement d'Ebola de Médecins sans frontières (MSF) à Monrovia.
- 'Réseau des survivants' -
Harry (le nom a été modifié), 5 ans, est dans ce cas: il est arrivé fin septembre dans ce centre MSF avec ses parents malades. Lui ne l'était pas. Pendant que ses parents partaient pour la "zone rouge", dont 40% ressortent vivants, lui est resté plusieurs jours dans la "zone verte".
Les soignants de MSF se sont relayés durant leurs pauses pour lui tenir compagnie, lui donnant des crayons de couleur et du papier pour passer le temps. Finalement, l'Unicef a trouvé une famille de survivants pour l'accueillir. Cette solution temporaire risque de devenir définitive: le père de Harry est mort et sa mère était mourante dimanche.
"On a créé le +réseau des survivants+, par lequel on essaie de faire garder les enfants", explique Sarah Crowe. L'agence des Nations unies, qui contribue à la formation de 400 travailleurs sociaux et de santé mentale au Liberia, a annoncé un plan de mobilisation des survivants auprès des enfants en Sierra Leone.
Sur les six prochains mois, plus de 2.500 survivants, en principe à l'abri d'une nouvelle contamination, vont être formés à travers le pays pour s'occuper des enfants en quarantaine, selon l'Unicef, qui tente également de retrouver les familles élargies.
En Guinée, elle indique apporter un soutien psychosocial à 60.000 enfants vulnérables et à leurs familles dans des zones frappées par Ebola. Le sort s'acharne sur une partie des orphelins, ceux qui ont perdu leurs parents sans que leur décès ait été déclaré officiellement, car personne ne les prend en charge.
"Chaque jour, il y a des enfants chez eux, sans parents, et la communauté a peur de les aider", selon Sarah Crowe. Ce phénomène constitue "une inquiétude majeure" pour Save The Children, confie Krista Armstrong.
La solution toujours privilégiée est d'essayer de retrouver de la famille, décrit-elle. Si c'est impossible, les ONG cherchent des familles d'accueil, à qui elles fournissent un soutien matériel de base.
De petites structures d'accueil temporaires se mettent également en place, pour les enfants survivants ou nécessitant une quarantaine. Mais leur nombre reste largement insuffisant, dans des pays parmi les plus pauvres de la planète, aux structures étatiques sommaires et sans financements internationaux conséquents.
L'Unicef dit n'avoir reçu que 25% des 200 millions de dollars qu'elle juge nécessaires à cette mission.