RESTONS UNE DÉMOCRATIE !
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Il est vraiment heureux que le gouverneur de la région de Dakar ait sorti un communiqué pour préciser qu’il n’a jamais eu l’idée d’interdire des marches et autres manifestations publiques durant la période des derniers préparatifs et de la tenue du sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie à Dakar.
Ainsi, on présume que la manifestation politique envisagée par l’opposition le 21 novembre 2014 à la Place de l’Obélisque ne devrait pas faire l’objet d’une interdiction. Autrement, ce serait une faute politique grave pour le régime du Président Macky Sall.
Le communiqué du gouverneur de Dakar ne constitue pas moins une certaine reculade ou prise de conscience d’une hérésie qui allait se commettre. En effet, on se demande comment, si tant est que le pouvoir politique n’avait pas songé interdire la manifestation, a-t-on pu laisser persister dans l’opinion l’information relayée par de nombreux médias d’une interdiction ?
Aussi, le chef de l’Etat lui-même, en rencontrant les médias le dimanche 9 novembre 2014, avait laissé augurer la mesure d’interdiction quand il martelait qu’il ne laisserait personne perturber la tenue du sommet de la Francophonie ou quand il mettait en garde, affirmant que «l’ancien Président Wade continuer à faire ce qu’il veut, mais qu’il ne le permettrait pas aux autres responsables politiques».
Cette sortie du Président Macky Sall a autorisé des membres de son parti à investir les médias pour défier la marche de l’opposition et promettre d’en découdre avec les éventuels marcheurs.
C’est justement cette race d’énergumènes, prompts à parler à travers les médias et qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez dont tout pouvoir politique devrait se méfier.
Rien ne pourrait justifier une interdiction de la marche de l’opposition. Comment un meeting politique qui se tiendrait à la Place de l’Obélisque à Colobane pourrait-il déranger l’organisation d’une rencontre de chefs d’Etat prévue à Diamniadio, une semaine après ?
Une interdiction de la manifestation constituerait non seulement un grave recul démocratique, mais aussi se révélerait être une véritable provocation à l’endroit de l’opposition.
Il conviendrait donc au Président Macky Sall de ne point tomber dans une intolérance préjudiciable à la bonne tenue du sommet de la Francophonie. Cette rencontre internationale est une opportunité certaine pour son gouvernement de conforter l’image d’une amélioration de la gouvernance publique au Sénégal.
La réalisation dans des délais record et avec une haute qualité des infrastructures du Centre de conférences internationales de Diamniadio restera une belle prouesse.
Ils n’étaient pas nombreux à croire à la possibilité de réaliser l’ouvrage et de l’équiper avec un respect scrupuleux du cahier des charges. Jusque dans les rangs du gouvernement et même des propres organisateurs du sommet de la Francophonie, le doute ou même le scepticisme était de mise.
Aujourd’hui, on constatera en dépit des critiques sur la procédure employée pour l’adjudication de ce marché d’environ 50 milliards de francs Cfa que le sommet de la Francophonie de Dakar laissera au Sénégal une infrastructure qui lui permettrait au moins de mieux se positionner dans le marché du tourisme des affaires et des conférences internationales.
Qui ne se souvient pas que la seule infrastructure hôtelière dont dispose le Sénégal pour pouvoir abriter une rencontre de cette envergure demeurait être l’hôtel Méridien Président devenu King Fahd Palace, acquis grâce au premier sommet de la Conférence islamique tenu à Dakar en 1993 ?
Pourtant, entre-temps, le Sénégal a abrité la même Conférence islamique avec un budget de plus de 400 milliards. Karim Wade et compagnie nous avaient annoncé des réceptifs hôteliers et des centres de conférences ou des villas présidentielles. Où sont ces infrastructures ?
Il avait fallu dépenser plus de 27 milliards pour retaper l’hôtel Méridien Président pour éviter le ridicule au Sénégal à ce sommet de l’Oci de 2008.
Qu’est-ce que la manifestation du Festival mondial des arts nègres de Dakar (Fesman) de 2010 a laissé comme acquis au Sénégal malgré des dépenses dans le budget de l’Etat de plus de 95 milliards de francs Cfa ?
A l’occasion d’une conférence devant les jeunes de l’Alliance pour la République (Apr) à Mbodiène dans le cadre des Universités d’Eté de leur parti, le ministre de l’Economie et des Finances, Amadou Bâ, avait sorti une boutade très appropriée. Il disait que quiconque lui montrait la moindre cabane ou encore moins un édifice public comme retombée des 95 milliards dépensés avec le Fesman recevrait un prix !
C’est dire que le Président Macky Sall ne devrait pas souffrir d’un quelconque complexe vis-à-vis de la tenue du prochain sommet de la Francophonie. Le gain pour le Sénégal en termes de réalisations infrastructurelles est déjà acquis. Il resterait à ce que l’image de démocratie forte et stable, respectueuse des droits et libertés des citoyens, soit confortée.
C’est dans cet esprit que l’exception sénégalaise devrait encore être magnifiée. Ils sont rares les pays du tiers-monde où deux anciens chefs de l’Etat peuvent cohabiter pacifiquement avec celui qui est en exercice dans le même pays. C’est dire que le sommet de la Francophonie qui se tient à Dakar sera une belle occasion pour célébrer au Sénégal la fin des mandats de Abdou Diouf à l’Oif en présence de Macky Sall et de Abdoulaye Wade.
C’est dans cette perspective que l’Union internationale de la presse francophone (Upf) qui tiendra ses Assises à Dakar, en prélude à ce sommet de la Francophonie, avait eu cette idée de convier à la cérémonie de clôture de ses travaux ces trois hautes personnalités sénégalaises.
On ne regrettera jamais assez que tout le monde ne comprenne pas le gain que le Sénégal aurait pu tirer de la présence simultanée de Macky Sall, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade dans une même salle et face au monde.
Le Sénégal a fini depuis longtemps de régler les questions élémentaires en démocratie, à savoir l’organisation régulière et transparente des élections. Il restera toujours à élever le niveau de notre démocratie en adoptant des comportements de grandeur, de fair-play et de dialogue républicain.