RETOUR DE LA GUERRE FROIDE ?
CRISE EN UKRAINE
Le soulèvement populaire qui a opposé des dizaines de milliers d’Ukrainiens aux forces de l’ordre depuis novembre autour de la place Maiden, la place de l’Indépendance à Kiev, risque d’être lourd de conséquences.
Pour l’Ukraine d’abord.
Après l’éviction du président de la République, Victory Yanukovych, ce pays qui est tiraillé entre une partie Est tournée historiquement et culturellement proche la Russie et une partie occidentale attirée par l’Europe, risque la partition.
Pour le monde entier ensuite.
En effet, ce qui se passe en Ukraine semble énoncer le retour de la guerre froide entre ce qu’il faut bien appeler les blocs de l’Est (autour de la Russie) et ceux de l’Ouest (les Etats-Unis, l’Union Européenne, l’OTAN et leurs alliés).
Quand on considère en effet le degré d’implication de la Russie d’un côté et du «bloc occidental» de l’autre, les Etats-Unis et l’Union Européenne, on peut se demander si ce conflit politique local, n’inaugure pas en fait une nouvelle guerre froide.
Le déclencheur du mouvement social qui a fini par drainer des dizaines de milliers d’Ukrainiens sur la place Maiden, a en effet été la décision du président Victory Yanukovych d’établir en fin de compte un accord de coopération entre son pays et la Russie plutôt qu’avec l’Union européenne.
Il est maintenant établi que ce sont les pressions d’une part de la Russie sur le pouvoir ukrainien, en particulier de Poutine sur Yanukovych, et celles de l’Union européenne et des Etats-Unis sur les partis d’opposition et leur dirigeants qui ont entretenu la tension entre le gouvernement et les manifestants et conduit à la confrontation armée.
Il s’agit pour le Président Poutine d’attirer l’Ukraine qui a depuis des siècles fait partie de sa zone d’influence, dans son espace vital, dans une union eurasiatique économique et militaire dotée de missiles rassemblant des pays de l’ex-URSS (Arménie, Belarus, Kazakhstan, Kirghizstan notamment).
Il s’agit au contraire pour le bloc occidental d’attirer l’Ukraine dans l’Union européenne et dans l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) qui entend déployer des missiles jusqu’en Pologne et en Roumanie.
C’est l’arme économique que le Président Poutine utilise pour s’attirer les faveurs de l’Ukraine, fort de la dépendance de ce pays en gaz vis-à-vis de la Russie et sa quasi faillite, l’accord entre les deux pays réduit d’un tiers le prix de vente du gaz et propose un investissement de 15 milliards de dollars pour stimuler l’économie ukrainienne.
Ce qui est en jeu dans ce pays, ce n’est pas seulement une lutte pour le pouvoir politique qui oppose différentes élites locales. Il s’agit en fait d’une bataille dans la confrontation qui oppose la Russie à l’Union européenne, l’OTAN et les Etats-Unis d’Amérique depuis la dislocation de l’URSS.
C’est pourquoi, alors que Poutine ne s’est certainement pas retenu de faire des pressions directes quasi quotidiennes par téléphone sur le Président Yankowitch, l’Union européenne et les Etats-Unis eux, n’ont pas hésité à prendre langue directement avec les leaders de l’opposition en plein cours de l’insurrection.
Des sénateurs américains sont même allés jusqu’à haranguer les foules sur la place Maiden pour les assurer de la sympathie et de l’appui des Etats-Unis d’Amérique.
Cette confrontation entre la Russie et le bloc occidental survient après plusieurs autres : en Syrie, en Iran et autour de l’affaire Snowden, notamment. Derrière chaque crise mondiale on retrouve les deux camps, face à face.
L’Afrique a payé un lourd tribut à la guerre froide, entre les années 1960 et 1990. Sous l’influence de l’un ou de l’autre des deux blocs, elle s’est vue imposée des régimes néocolonialistes et s’est retrouvée trainée dans des dérives idéologiques et des guerres civiles.
Elle a trop souvent subi le chantage de l’Est ou de l’Ouest pour accéder à des financements et avoir droit à des transferts de technologies. Aussi, l’Afrique doit-elle refuser ce retour à la logique des blocs qui est à l’œuvre aujourd’hui à Ukraine.
Elle doit se rappeler l’esprit de non alignement énoncé à la Conférence de Bandung dés 1955 et se résoudre de s’en remettre au moins en matière de politique internationale, aux décisions de l’Union Africaine.