REVELATIONS RENVERSANTES SUR ABDOULAYE SYLLA
ADMINISTRATION PROVISOIRE DE AHS

Alors que le grief principal fait à Karim Wade et à ses présumés complices est de s’être enrichis illicitement notamment à travers la création de sociétés offshore, des investigations révèlent que la société Add-Value Finance, à qui la commission d’instruction (Ci) de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) a confié l’administration provisoire de Ahs, est basée…aux Iles Vierges Britanniques. Effarant !
La gestion décriée d’Alboury Ndao à qui la Commission d’Instruction (Ci) de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) a confié pour un temps les rênes de Dp World, est une goutte d’eau dans l’océan à côté de ce qui se passe à Ahs où l’administration provisoire est entre les mains d’Abdoulaye Sylla. Les faits sont tellement gravissimes que les conseils de Pierre Goudjo Agboba, Mamadou Pouye et Ibrahim Aboukhalil dit Bibo Bourgi ont saisi, depuis le 25 juillet dernier, la Ci d’une requête aux fins de révocation de la société Add-Value Finance Sa, pour le compte de qui Abdoulaye Sylla agit. Dans leur correspondance dont nous avons obtenu copie, les avocats demandent au Président Bèye et aux autres membres de la Ci de mettre hors d’état de nuire la société Add-Value Finance. A en croire nos sources, les plaideurs ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin et entendent aller plus loin en demandant l’arrêt pure et simple de cette administration provisoire «qui met en péril l’avenir d’Ahs et de ses 450 salariés».
Par ordonnance du 3 juin, rappellent les conseils, la Ci a désigné Add-Value Finance pour qu’elle administre provisoirement Ahs, après avoir estimé que certaines circonstances rendaient impossible son fonctionnement normal. Mais, font remarquer les requérants, Add-Value Finance ne travaille pas dans l’intérêt de Ahs (qui est au bord de la faillite) et sa révocation est une «nécessité impérieuse et vitale». Plusieurs éléments troublants ont fait aboutir à cette conclusion.
Pour commencer, curieusement, Add-Value Finance ne s’affiche sur le tableau d’aucun ordre professionnel légalement constitué au Sénégal. Mise sur pied en novembre 2012, elle n’a aucune expérience dans le domaine juridique, encore moins aéronautique. Pourtant, elle a été désignée pour administrer provisoirement Ahs qui existe depuis plus de dix ans, qui est numéro 1 continental dans son secteur d’activité et qui emploie plus de 450 travailleurs, font remarquer les avocats.
ADD-VALUE FINANCE BASÉE AUX ILES VIERGES BRITANNIQUES
Un détail qui fait froid dans le dos, note une source au fait de ce dossier, c’est que l’un des principaux griefs que le Procureur spécial près la Crei, Aliou Ndao, fait aux dirigeants d’Ahs, c’est d’avoir créé des sociétés offshore, c’est-à-dire des entreprises dont il a du mal à identifier les bénéficiaires économiques. Pourtant, aussi bizarre que cela puisse paraître, Add-Value Finance est la propriété d’une société offshore. En effet, renseignent nos sources, il s’agit d’une société anonyme unipersonnelle avec un capital de 50 millions de francs Cfa, dont seul le quart a été libéré au moment de sa constitution. Son actionnaire unique est Iveria Investissements Holdings, créée le 12 juillet 2012, basée aux Iles vierges britanniques et administrée par un avocat de Monaco, Me Stéphane Postiferri.
En vérité, fustige notre source, «la Ci de la Crei a désigné comme administrateur provisoire d’Ahs une société qui a été créée exactement selon les mêmes procédés que la société Ahs dont les dirigeants Bibo Bourgi, Mamadou Pouye, Pierre Agboba ont été inculpés et placés en détention pour les deux derniers nommés.» Face à de tels éléments, ni le parquet spécial ni la Ci n’ont le droit de s’abriter derrière l’ignorance. Car, estime notre source, c’est leur rôle de savoir. D’autant que ces informations sur Add-Value Finance sont à la portée de n’importe quel citoyen. Le registre de commerce et du crédit mobilier n’a rien de secret. Autre fait majeur, Add-Value Finance a été créée par la notaire Patricia Lake Diop, principal témoin à charge contre Karim Wade.
DE Me POSTIFERRI A Fatoumata ZAHRA DEME AVANT D’ABOUTIR A A. SYLLA
Mais ce n’est pas la fin des incongruités. Me Stéphane Postiferri a fait une subdélégation de pouvoir à Fatoumata Zahra Dème (meilleure amie d’une très haute autorité), administrateur de société. Grâce à ce sésame, elle se retrouve à la tête de Add-Value Finance dont les statuts indiquent, entres autres activités, qu’on y fait du commissariat aux comptes, domaine réservé aux membres de l’Ordre national des experts et évaluateurs agréés du Sénégal (Oneeas). «Si ce n’est pas de l’exercice illégal de la profession de commissaire aux comptes, cela y ressemble à s’y méprendre», commente une source au fait de cette affaire.
Sur les papiers, il n’y a plus de trace de la présence de Mme Fatoumata Zahra Dème, en dehors de la première lettre de notification qu’elle a signée. Tous les autres actes portent la signature d’Abdoulaye Sylla qui est son…époux !
Ce dernier, qui n’a aucun mandat à en croire nos interlocuteurs, signe, agit et se comporte comme l’administrateur provisoire d’Ahs. Ce qui constitue, ont relevé les avocats dans leur requête, une «usurpation de titre et de fonction manifeste et grossière, un délit prévu par l’article 226 du Code Pénal et passible d’un emprisonnement de 1 à 5 ans».
Dix jours après sa nomination, Abdoulaye Sylla a posé un certain nombre d’actes. Il s’est arrangé pour avoir la mainmise sur tous les comptes de la société alors que, rappellent nos sources, c’est Add-Value Finance, représentée par son épouse, qui a été désignée.
COMMENT SYLLA A DÉCAPITÉ LA DIRECTION GENERALE
Les coudées franches, il décapite la société en licenciant tout le staff de la direction. Le directeur général, la directrice des opérations, le chef comptable et le comptable adjoint passent tous à la trappe. A noter que le directeur général et la directrice des opérations représentaient Menzies Aviation, en vertu d’une convention d’assistance technique. Menzies Aviation a considéré cette décision comme une déclaration de guerre et a rompu le contrat qui le liait à Ahs depuis une dizaine d’années.
Les deux premières têtes coupées ont été remplacées par un agent de Add-Value Finance nommé par Abdoulaye Sylla et Cheikh Tidiane Ndiaye qui avait été licencié de Ahs le 13 juillet 2012 pour faute lourde.
REINTEGRATION SPECTACULAIRE LE COMPTABLE CHEIKH TIDIANE NDIAYE RENAIT DE SES CENDRES
Le cas Cheikh Tidiane Ndiaye, qui a été licencié en 2012 pour faute lourde et qui a fait un come back en force à Ahs en se faisant doubler son salaire, mérite qu’on s’y penche.
Né le 17 juin 1972 à Dakar, il a été engagé par Ahs le 24 janvier 2003 en qualité d’agent de trafic. C’est dire donc qu’il a vu naître et grandir cette entreprise qu’il connaît comme sa poche. Ambitieux, Ndiaye gravit les échelons et se hisse jusqu’au fauteuil de chef du département Sûreté, Sécurité et Environnement. En juillet 2012, la direction d’Ahs découvre qu’il avait effectué du travail au noir au profit de Sensicass et qu’il s’était fait payer plusieurs millions de francs Cfa par cette dernière, avec l’aide de l’une de ses épouses qui y travaillait. En agissant ainsi, expliquent nos sources, Cheikh Tidiane Ndiaye a violé une clause de non-concurrence contenue dans son contrat de travail et s’est enrichi illicitement au préjudice de son employeur. Il a déposé une plainte pour licenciement abusif devant le Tribunal du travail de Dakar et une autre pour dénonciation calomnieuse instruite par la Section Recherches de la gendarmerie de Colobane, avant d’être transmise au procureur de la République puis au doyen des juges. Cette plainte a débouché sur l’inculpation du directeur général de Sensicass, d’un collaborateur d’Ahs et sur un mandat d’arrêt contre M.Riffi, ancien représentant de Menzies Aviation et qui avait assuré pendant quelques mois l’intérim de la direction générale d’Ahs. C’est lui qui a été signataire de la lettre de licenciement. Détail troublant, l’unique témoin à charge présenté par Cheikh Tidiane Ndiaye s’est rétracté au cours de l’enquête préliminaire, avant même que le procureur de la république et le doyen des juges ne soient saisis.
Parti de Ahs dans ces circonstances, Cheikh Tidiane Ndiaye a été réintégré par Abdoulaye Sylla qui lui a fait un rappel de salaire de 20 millions, avant de doubler le salaire qu’il avait.
LES FAITS D’ARMES D’ABDOULAYE SYLLA
Un administrateur provisoire endetté à hauteur de 800 millions de FCfa
L’homme qui a la lourde tâche d’administrer provisoirement Ahs (qui pèse 48 milliards selon le parquet spécial) traîne des dettes à hauteur de 800 millions de francs Cfa, sans parler d’une créance au Crédit agricole qui avoisine le milliard de francs Cfa.
Les conseils de Bibo, Pouye et Agboba qui ont saisi la Ci pour demander la révocation d’Abdoulaye Sylla sont persuadés que l’homme qui bénéficie de soutiens solides auprès d’un haut gradé de la magistrature, n’est pas «un modèle de vertu en matière de gestion de société et de gestion de deniers».
Quelques uns de ses hauts faits d’armes ont été relevés par les requérants.
Abdoulaye Sylla a constitué une Sarl dénommée Alliance Communication Service dite Acs, par acte du 28 février 2002 dressé par Me Moustapha Ndiaye notaire. Ses associés n’ont pas été satisfaits de sa gestion et l’ont traduit devant le tribunal correctionnel pour abus de biens sociaux. Pour cette procédure, il aurait été relaxé.
Le même Sylla a mis sur pied Sylla Logistique Commerce (Slc) qui a obtenu de la compagnie d’assurance Amsa deux garanties de 600 millions, constituant une caution à Slc pour lui permettre de s’approvisionner en produits pétroliers auprès de la Société africaine de Raffinage (Sar). La Slc n’ayant pas réglé les factures à la Sar à concurrence de 535.274.260 F Cfa, la caution d’Amsa fut sollicitée en novembre 2006. En sa double qualité d’actionnaire unique de Slc et de caution solidaire de celle-ci, Sylla a reconnu, en juillet 2007, devoir à Amsa 401.173.314 FCfa et a promis de la payer, mais ne l’a toujours pas fait.
L’administrateur provisoire d’Ahs a aussi été à l’origine de «Etablissements Abdoulaye Sylla». Dans un contentieux qui oppose cette société à Oryx, Sylla, par un arrêt du 2 février 2009 de la chambre civile de la Cour d’appel de Dakar (toujours selon le document remis à la Ci), a été condamné à payer, solidairement avec Ets Sylla, 60.889.195 F Cfa à la suite de l’émission d’une lettre de change tirée sur lui-même et revenue impayée. «Cette décision demeure inexécutée du fait de l’insolvabilité notoire du débiteur», note-t-on dans le document.
LES SOCIETES ACS, SLC, EAS, ECOTRA SA… DANGEREUSEMENT ENDETTEES
Sylla, caution personnelle de Ecotra Sa, doit 164.901.283 FCfa à la Banque Sahélo Saharienne pour l’Investissement et le Commerce (Bsic).
Débiteur de 322.300.000 FCfa sur l’état de droits réels d’un terrain de 10.000 m2, Sylla, selon nos sources, a aussi une dette au Crédit agricole qui avoisine le milliard de francs Cfa.
Last but not least, Sylla s’est payé le luxe de ne pas représenter Ahs dans le dossier qui l’oppose à l’Agence des Aéroports du Sénégal (Ads), contentieux dans lequel Ads réclame plus de 957 millions de francs Cfa. En effet, à l’audience du 25 juillet 2013 devant la deuxième Chambre commerciale, personne n’a comparu pour le compte d’Ahs. Dans cette affaire, les requérants demandent à la Ci d’intervenir pour que les intérêts de Ahs soient sauvegardés. Espérons que le vacarme de cette sonnette d’alarme n’entre pas dans l’oreille d’un sourd !