REVISITER L’ACTE TACTIQUE EN JEU
Marasme ! Après 8 journées de Ligue 1, soit un peu moins du tiers du déroulement du championnat national, la moyenne des statistiques éclaire sur l’ampleur des faiblesses. Cette saison devait permettre d’entrer dans une phase de consolidation des acquis, voilà qu’on se retrouve face à un jeu qui frise la pauvreté et soulève des doutes quant aux capacités des joueurs à s'insérer dans les bonnes activités dynamiques de déroulement des actions de jeu.
Les cinq premières équipes de tête cumulent 19 matches nuls, dont 5 pour le Jaraaf et 4 pour les deux premières équipes au classement, c’est-à-dire le Port et l'As Pikine.
Quant aux «académiciens» des Diambars, ils en sont déjà à 3 défaites pour 2 nuls. Là où les 8 équipes qui tirent vers le bas ont encaissé 64 buts pour 39 marqués. On est largement en dessous de la moyenne des performances qui caractérisent la bonne maîtrise du jeu.
A l'analyse, on se pose la question de savoir si les joueurs ont les capacités qu’il faut pour s'exprimer dans les conditions épanouissantes du jeu tactique évolué. Autrement dit, maîtrisent-ils l'acte tactique en jeu ?
Dans les années 1980, l'expert allemand Friederich Malho publiait un traité dans lequel il considérait que l'acte tactique en jeu n'est pas une activité simple pour le joueur qui l’entreprend. En dehors de ses aspects morphologiques, cela implique, chez lui, des processus mentaux au niveau du comportement. L'analyste attirait l'attention sur le fait que lancé dans son action de jeu, le joueur est beaucoup plus un élément mental que moteur.
Tout ce qui est tactique est, par conséquent, mental, d'abord. Le joueur doit user de sa pensée pour trouver la solution motrice de la tâche imposée par le jeu. Malho disait que «l'acte tactique en jeu entrepris par le joueur est le produit de processus psychomoteurs complexes, qui ont entre eux des rapports de temps et qui se déroulent successivement et simultanément».
En disséquant cette formulation, on observe que l'acte tactique en jeu est d'abord un produit, celui de la pensée et de l'action motrice. Le fait que celles-ci se déroulent successivement et simultanément montre que cela nécessite une fusion ; ce qu’on définit comme sensori-motrice, car intégrant la pensée à l'action motrice. Ainsi les rapports de temps se dissolvent, donnant à l'acte tactique une unité de réalisation.
Les composantes de l'acte moteur sont définies par l'expert allemand comme étant, d’abord, «la perception et l'analyse de la situation qui a pour résultats la connaissance du déroulement du jeu devant et autour du joueur».
Ensuite, «la programmation mentale de la tâche à effectuer qui a pour résultats l'anticipation intellectuelle de la démarche pratique».
Enfin, «la solution motrice pour résoudre la tâche imposée, mais dans la mesure d'une bonne maîtrise des actes gestuels dans la trilogie prendre, conserver, acheminer le ballon».
Le joueur de club sénégalais a des déficits majeurs dans ce domaine et reste dès lors faible au niveau de l'acte tactique en jeu. On note donc les difficultés qu’il peut connaître dans l'insertion au sein de projets de jeu dont les deux tiers résultent du domaine de la pensée.
Les prises de décisions isolées que les joueurs sénégalais ont tendance à faire limitent le déroulement d’actions de jeu efficientes. On a affaire à des éléments purement moteurs, ce qui se caractérise par une tendance au jeu individualiste. Ils n’ont pas le temps de l'observation, encore moins de l’élaboration d'une unité sensori-motrice qui, dans la pratique, se déroule dans un très court temps.
Ainsi, le joueur sénégalais perd son efficacité quand les élaborations ne sont pas le produit d'une démarche programmée. Le recours à l'entrainement fondamental est la première étape pour la maîtrise de l'acte tactique en jeu. Mais la théorisation par la démarche, avec l'utilisation du «tableau», qui se faisait couramment, est de nos jours presque inexistante.
Cela se comprend. L'encadrement technique dans les clubs n'a plus la même consistance et les débats tactiques sont presque du domaine du passé. Et l'acte tactique en jeu, comme base de rationalité du jeu, a disparu, laissant au jeu son actuelle pauvreté.
Les équipes du championnat ne savent pas gagner, car ne produisant pas de moyens rationnels de déséquilibre, à travers une progression rationnelle maîtrisée. Il faut nécessairement retourner à la maîtrise de l'acte tactique en jeu et redonner au jeu ses actes rationnels. C’est le principal moyen pour s’éloigner des chiffres actuels qui ne font pas honneur à un football d'élite dit professionnel.