''ON A SAISI LE MATERIEL PARCE QU’IL Y AVAIT REFUS D’INJONCTION DE LA PART DU PROMOTEUR''
MOR NDIAYE MBAYE, SECRETAIRE GENERAL DE L’ARTP, SUR L’AFFAIRE BANLIEUE TV
Après avoir saisi l’émetteur de la chaîne de télévision banlieue Tv, l’Artp s’explique. Et c’est son secrétaire général Mor Ndiaye Mbaye qui est monté au créneau. Il revient ici sur toute la procédure qui a démarré au mois de juin et qui a abouti à l’enlèvement de l’émetteur de Banlieue Tv après avoir défoncé la porte d’accès. Soulignant que la fréquence n’appartient pas à L’IAM qui était en partenariat avec D-média pour son exploitation, Mor Mbaye explique aussi comment, entre les deux tours de la présidentielle, l’ancien ministre de la Communication Moustapha Guirassy s’est réattribué cette fréquence initialement donnée à un autre Sénégalais.
L’AS : L’Arpt a coupé le signal de banlieue Tv et saisi le matériel d’émission. Pourquoi cette décision ?
Mor Ndiaye Mbaye : Ce qui s’est passé, c’est que l’Artp a déroulé une action qui fait partie de ses missions de contrôle et de surveillance dans le domaine des télécommunications. On a été amené à constater l’utilisation illégale de fréquence. L’Artp, conformément à ses missions et à la loi, a été amenée, au terme d’une procédure très longue qui a duré cinq mois, à saisir le matériel parce qu’il y avait refus d’injonction de la part du promoteur.
Pourquoi avez-vous senti la nécessité de défoncer une porte pour saisir le matériel d’émission de banlieue Tv ?
Le code des télécommunications, en son article 114, précise que l’utilisation frauduleuse d’une fréquence est punie par la loi. Quand on a vu qu’il y avait quelqu’un qui émettait sur la fréquence sans avoir l’autorisation de le faire, nous avons déroulé la procédure prévue par la loi en dépêchant sur place une équipe d’agents assermentés, depuis le 20 juin 2013. Le constat d’infraction est là avec moi. Il a été fait devant des représentants de ce promoteur et sommation lui a été faite d’arrêter d’émettre sur ce canal qui ne lui appartenait pas. Depuis lors, vous avez constaté que l’émission a continué. Nous, nous avons parallèlement déployé la partie judiciaire de la procédure. Nous avons saisi le procureur de la République en lui transmettant le constat d’infraction. Il nous a donné l’autorisation d’aller saisir le matériel d’émission. Nous avons reçu l’autorisation du parquet et c’est sur cette base que lundi dernier nous sommes descendus sur le terrain avec les forces de l’ordre. Arrivée sur les lieux, notre équipe a constaté que les portes étaient fermées. Ils ont appelé, devant les forces de l’ordre, M. Guèye (Ndlr : Bougane Guèye Dani) qui a refusé de venir assister à la saisie du matériel ou d’envoyer des représentants y assister. L’équipe est revenue me voir. J’ai dit : on retourne au parquet pour lui demander l’autorisation de défoncer les portes. Cela nous a été donné. L’équipe est retournée sur place et la porte a été défoncée. C’est en ce moment qu’il est arrivé avec son avocat. Il a assisté à l’enlèvement du matériel. Je précise que dans les locaux où était le matériel, M. Guèye avait d’autres équipements, mais qui n’étaient pas frauduleux. Ce sont des équipements qui sont en règle. Ces équipements-là ont été laissés sur place. Nous avons remis une serrure neuve. Nous avons, devant M. Guèye et son avocat, fermé les lieux et nous lui avons demandé s’il avait besoin des clés pour pouvoir accéder dans les locaux pour faire des interventions, si jamais il en avait besoin. M. Guèye nous a dit non, devant toujours son avocat, nos agents et les forces de l’ordre. Nos agents sont revenus avec les clefs et avec l’émetteur. Tous ces éléments ont été remis au parquet. Voilà ce qui s’est passé sur cette affaire
Ce n’est pas venu comme ça au mois de novembre. Ça a débuté en fin juin quand on est allé faire le constat d’infraction. Et depuis lors, plusieurs actions ont été faites. On a toujours invité M. Guèye à la raison, mais il a toujours voulu passer outre.
En quoi l’utilisation de cette fréquence par Banlieue Tv est illégale, du moment qu’il est en partenariat avec le propriétaire, en l’occurrence l’IAM ?
Là, c’est le plus grand aveu de faute de M. Guèye qui reconnaît utiliser une fréquence qui ne lui appartient pas. M. Guèye, en reconnaissant que la fréquence ne lui a pas été attribuée, est tout de suite disqualifié pour l’utiliser. C’est ça que les gens doivent comprendre. Il est disqualifié à utiliser la fréquence dès l’instant qu’il reconnaît qu’elle ne lui a pas été attribuée. La loi est claire. Et elle dit que la fréquence est incessible. Cela veut dire que vous ne pouvez ni la vendre, ni la prêter, ni la céder à quelqu’un, ni la mettre en bail de quelque manière que ce soit. La fréquence est attribuée sur la base d’un cahier des charges que le porteur de projet présente. Dans le cahier des charges, sont indiqués les services et les contenus des programmes qu’il va faire. Sur cette base-là, nous ne pouvons pas permettre à un détenteur de fréquence d’aller la céder à quelqu’un ou de s’associer à quelqu’un. L’Etat ne demande rien au porteur de projet. Ce n’est qu’après assignation de la fréquence que le citoyen porteur de projet est assujetti au payement de redevance. Donc, on ne peut pas permettre que des gens fassent gratuitement la procédure pour accéder à une fréquence, pour ensuite aller la vendre ou la louer.
Cette fréquence est d’ailleurs source de polémique parce qu’elle serait attribuée à deux promoteurs à la fois. Comment cela est-il possible ? L’Artp n’est-elle pas fautive quelque part ?
Ce qui s’est passé, c’est que cette fréquence a été attribuée légalement à un promoteur. Mais entre les deux tours de la présidentielle, M. Guirassy qui était alors ministre de la Communication a voulu une fréquence. Il a demandé à l’Artp, mais il s’est trouvé qu’en ce moment il n’y avait plus de fréquence disponible. Plus aucune fréquence de télé n’était disponible sur Dakar. Réponse lui a été faite en ce sens là. Seulement, Guirassy qui était ministre de la Communication s’est arrogé le droit de s’octroyer la dernière fréquence assignée à un autre Sénégalais. Voilà pourquoi on dit que la fréquence a été doublement attribuée. Et c’est ce promoteur qui nous a saisis depuis le mois de juin. Il nous a saisis par lettre pour nous dire que sa fréquence est en train d’être utilisée par quelqu’un d’autre. C’est en ce moment que nous avons enclenché la procédure. Voilà ce qui s’est passé.
Si je vous comprends bien, c’est l’ancien ministre de la Communication qui est responsable de cette double attribution?
L’Artp n’est pas habilitée à attribuer les fréquences. L’Artp instruit la demande sur instruction du ministère et répond à la demande pour dire si c’est possible ou non. Nous instruisons techniquement. C’est-à-dire, voire si la fréquence est libre, si elle est possible dans la zone pour le type de services que le citoyen veut faire. Si l’étude technique est concluante, nous répondons au ministre pour lui dire que c’est possible. Le ministère nous réécrit pour nous demander de faire l’assignation. On prend alors une décision d’assignation que l’on adresse au ministère. A charge pour lui de donner l’attribution au promoteur. Il est le seul habilité à donner la fréquence au promoteur.
S’il y a double attribution, comment allez-vous régler le problème, maintenant que vous avez interdit à banlieue Tv d’émettre ?
A côté de tout ce que je viens de dire, nous avons continué la procédure administrative qui consistait à saisir le ministre de la Communication pour lui signaler la situation et lui demander l’autorisation d’annuler l’autorisation qui octroyait la fréquence à M. Guirassy. Le ministère nous a répondu favorablement et nous avons pris une autre décision qui annule celle de M. Guirassy qui lui attribuait la fréquence. Et cela a été notifié au ministère. Le ministère a son tour doit le notifier à M. Guirassy.
Il faut retenir que dans cette affaire comme dans d’autres, l’Artp n’a fait que dérouler sa mission, dans le respect des lois et règlements. Le Directeur général a dit dès son arrivée, et il le répète tous les jours, qu’il veut des résultats et zéro scandale. C’est son slogan. Toute l’équipe est aujourd’hui en train de dérouler cette vision, conformément aux lois et règlements. Et c’est ce que nous allons continuer de faire.
Propos recueillis par Mbaye THIANDOUM