SALY PORTUDAL SE MEURT
400M DE PLAGE ENGLOUTIS, PLUS DE 1000 EMPLOIS PERDUS...
Jadis première station balnéaire du Sénégal, Saly Portudal connaît aujourd’hui un grand déclin marqué par la chute drastique du taux d’arrivées. Pour tirer la sonnette d’alarme et décliner des pistes permettant d’inverser cette tendance, les acteurs du secteur ont initié, en collaboration avec le collectif des journalistes de Mbour, un week-end de presse. Au programme, une visite de terrain et un forum qui ont permis de mettre le doigt sur les facteurs bloquants.
Le secteur du tourisme, jadis seconde mamelle de l’économie nationale après la pêche, est actuellement sur une pente raide. Il est au bord du dépôt de bilan. Il suffit de faire un tour à la station balnéaire de Saly pour se rendre compte à quel point la situation est alarmante.
Ces dernières années en effet, presque 400 mètres de plage ont été engloutis par la mer, ce qui a engendré la perte de 1.000 emplois. Pour tirer la sonnette d’alarme, un week-end de presse a été initié par les acteurs du secteur, en collaboration avec le collectif des journalistes de Mbour.
A cette occasion, une visite de terrain de l’hôtel Savana jusqu’à l’hôtel Téranga a permis de se rendre compte des dégâts causés par l’érosion côtière. Ndiaga Sarr Mboup, un sculpteur sur bois trouvé sur le point bas de l’hôtel Savana et présent sur les lieux depuis 1982, affirme que la mer a emporté sous ses yeux plus de 200 mètres de plage.
Et à cet endroit le désastre est visible à l'oeil nu, car il n’y existe plus d’allée pouvant permettre aux touristes de se promener au moins sur la plage. Ils étaient trois sculpteurs à ce niveau, mais le troisième a finalement plié bagages pour investir d’autres créneaux, tellement la situation est difficile.
Un autre cri de détresse a été lancé par cet acteur du village artisanal de Saly, qui supplie l’Etat du Sénégal d’agir très vite. Leur gagne-pain est en train de sombrer, car ils restent parfois un mois sans vendre le plus petit objet d’art. Au niveau de l’hôtel Téranga, c’est plus de 400 mètres de plage qui ont disparu et la mer a même emporté le bar qui a été ainsi rayé de la carte de l’hôtel.
Et pourtant, les lions du Sénégal de l’épopée de 2002 s’entraînaient régulièrement sur cette plage, aujourd’hui totalement disparue. Selon un touriste français rencontré sur la plage, malgré le fait que le Sénégal soit pris entre deux feux (la crise malienne et la propagation du virus Ebola en Guinée), l’envie de venir au Sénégal reste encore vivace en Europe. C’est pourquoi, dit-il, il appartient au Sénégal de créer les conditions pour exploiter cette opportunité.
En tout cas, lors du forum qui a précédé la visite de terrain, une très longue liste d’écueils a été égrenée. Selon l’expert Faouzou Dème, le tourisme est gravement malade et doit être confié à un spécialiste pour espérer des soins appropriés. La difficulté fondamentale, à l’en croire, vient de la nomination de ministres purement politiques à la tête du département et des directeurs nationaux qui ne connaissent rien du secteur.
SOS POUR 17 HÔTELS ET 92 AUBERGES
Directeur de l’hôtel Bougainvilliers, Boubacar Sabaly affirme que la courbe des arrivées est descendante depuis 2011 et il y a eu même presque une année blanche en 2012, suite aux troubles préélectoraux. Et pourtant, dit-il, le seul volet découverte du tourisme à Saly, à travers des visites au Lac Rose, au Parc de Bandia… a un potentiel de 18 milliards de FCFA.
Au-delà de l’érosion côtière, les 109 réceptifs de Saly composés de 17 hôtels et 92 auberges souffrent des effets de la contrainte du visa biométrique appliqué aux touristes qui veulent emprunter la destination Sénégal, au point de mériter un véritable SOS pour espérer sortir la tête de l’eau. La destination Sénégal ne bénéficie pas d’une bonne politique de promotion sur le marché européen, selon les acteurs.
Il s’y ajoute la cherté de la destination. Les billets d’avion ne sont pas concurrentiels par rapport au Maghreb, pour la simple raison qu’ils sont rendus extrêmement chers par la taxe aéroportuaire qui peut atteindre parfois la moitié du prix du billet.
La meilleure illustration est donnée par le fait qu’un touriste doive débourser une somme de 1.500 euros en demi pensionnat pour une semaine au Sénégal, contre seulement 300 euros en pension complète dans les pays du Maghreb, pour la même durée.
Ainsi, l’Etat est directement interpellé pour prendre les décisions idoines. Selon Pathé Dia Directeur de l’hôtel Téranga, le pouvoir libéral n’a jamais voulu soutenir le tourisme en 12 ans de magistère. Le pouvoir actuel a exprimé une volonté de jouer sa partition pour redynamiser le secteur afin qu’il redore son blason, à travers la récente visite du Chef de l’Etat.
Mais malheureusement, se désole-t-il, depuis lors aucune avancée significative n’est notée en terme d’actes concrets posés dans le sens de la matérialisation de cette volonté.
Suffisant pour que Boubacar Sabaly parle de manque de volonté politique. La Société d’Aménagement de la Petite Côte (Sapco) est également indexée pour avoir, selon Boubacar Sabaly, tourné le dos à sa mission d’aménagement pour verser dans le morcellement de terres et les lotissements.
Il s’y ajoute des routes dégradées dans le périmètre de Saly et qui n’ont jamais été refaites depuis 1980, l’installation de restaurants, de boutiques de Maures non loin des hôtels. Pour les acteurs, la redynamisation du secteur passe entre autres par le maintien de l’exemption des visas d’entrée aux touristes, la mise en place d’une structure dédiée à la Promotion Touristique sur la base d’une gestion paritaire, la requalification de la station balnéaire, la restauration des plages par une lutte efficace contre l’érosion, l’élaboration d’un plan d’urgence de relance, etc.