SAUPOUDRAGE
En 1992, le président Abdou Diouf était en visite dans la capitale du bassin arachidier et je me souviens, à l’époque, un journal avait titré « Kaolack cache sa lèpre ». En effet, depuis l’entrée de la ville jusqu’à la gouvernance, tout a été nettoyé, astiqué, les troncs des arbres peints à la chaux, des lampadaires neufs installés et un mur fut même érigé pour cacher une décharge d’ordures marécageuse.
Tout cela pour que le regard de l’auguste hôte ne se portât que sur un spectacle nickel.
Dernièrement, lors des séjours du président Macky Sall à Ziguinchor et à Kédougou, les grands moyens ont été sortis par ces deux villes et les populations s’étaient mobilisées pour « aseptiser » leur environnement. Dans l’absolu, c’est une bonne chose qu’un effort supplémentaire soit fourni quand on reçoit le chef de l’Etat afin que la ville se présente sous son meilleur visage.
Mais là où le bât blesse, c’est le côté cosmétique de ces actions, car généralement, tout retombe dans la situation d’insalubrité qui prévalait avant. Plutôt que de travailler dans la durée et de manière régulière, souvent on fait du saupoudrage pour dépasser une situation ponctuelle.
Pourquoi, un maire, même si sa ville n’accueille pas le chef de l’Etat, ne mobiliserait-il pas assez régulièrement (on sait que les moyens financiers manquent), les moyens de sa commune pour rendre propre sa cité.
S’il le fait pour le président de la République, il doit le faire également pour ceux qui l’ont élu. De la même manière les populations doivent se mobiliser, tous les jours, pour rendre leur environnement propre. Elles doivent le faire pour leurs enfants et pour elles- mêmes.
C’est cette insuffisance de la mobilisation populaire à la base, souvent constatée, qui constitue un des goulots d’étranglement du développement local. La propreté n’est pas une question de niveau de développement, mais avant tout de mentalité et les populations devraient en prendre davantage conscience et encouragées à maintenir la dynamique de mobilisation après la visite du président de la République.
Faire semblant de travailler n’a jamais produit de bons résultats. Dans nos collectivités locales, avec l’Acte III de la décentralisation qui va bientôt entrer en application, les élus locaux doivent savoir que les populations sont devenues de plus en plus exigeantes et que seul un bon bilan peut servir de quitus pour un nouveau mandat.
Dans un passé pas lointain, presque tous les maires des grandes villes de notre pays passaient le plus clair de leur temps à Dakar sous prétexte que c’est ici que tout se règle. Alors dans de telles conditions, comment peuvent-ils réellement s’imprégner des problèmes que vivent leurs administrés et réagir à temps, chaque fois que de besoin.
Un autre point important et sur lequel, beaucoup de maires rateraient leur examen de pas- sage, c’est la création d’espaces verts dans leur ville. Nous ne pouvons pas continuer à construire des cités où le béton règne en maître sans une seule touche de fraîcheur.
Dans beaucoup de quartiers à Dakar, l’espace qui était prévu pour aménager un jardin a été détourné de son objectif et des bâtiments y ont été construits. Aujourd’hui, les citadins sont de plus en plus gagnés par la défense de leur environnement.
L’aménagement de l’espace urbain doit tenir compte de ce besoin et donner une place à la nature. Ce n’est pas quelque chose qui est hors de portée d’une bonne partie de nos collectivités locales. Puisque nous aimons tellement imiter l’Europe, voilà au moins une occasion où copier serait salutaire.