SCÈNE DE CRIMES FINANCIERS ET FONCIERS
RAPPORT IGE 2014
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Des crimes financiaro-fonciers ont jalonné les 12 ans de règne de Me Abdoulaye Wade. Dans le lot, l’Inspection générale d’Etat (Ige) met en lumière dans son rapport 2014 quelques cas pratiques qui ont vu une pluie de milliards innondée le chef de l’Etat et ses proches. Notamment le monument de la Renaissance africaine, les terres de Bambilor.
Le rapport de l’Inspection générale d’Etat (Ige) démonte le montage financier qui a permis la réalisation du monument de la Renaissance et remet en cause ce qui a été appelé «dation en paiement» pour permettre à Mbackiou Faye de disposer de foncier, sans commune mesure, dans l’histoire du Sénégal au vu de la valeur des terrains qui lui ont été cédés. Le rapport dit : «Le financement du monument de la Renaissance africaine a été confié à un particulier en contrepartie d’un paiement en nature improprement dénommé ‘dation en paiement’ (…) A ce sujet, les investigations menées ont permis de constater de multiples violations de la loi et une absence totale du souci de préserver les intérêts de la Collectivité. ».
Le comble, «il n’a été trouvé aucune trace, dans les comptes de l’Etat, du financement de l’ouvrage»
D’abord, «les travaux ont été engagés sans que les crédits nécessaires à la couverture de leur financement n’aient été prévus au budget, en violation des dispositions des articles 17 du Code des obligations de l’administration (Coa) et 6 du Code des marchés publics (Cmp)». En plus, «la réalisation de l’ouvrage a été confiée à l’entreprise sous la forme d‘un marché de gré à gré donc, sans appel à la concurrence».
Pis, souligne le rapport, dans le cas d’espèce ni le montant du marché et le mode de détermination de son prix, l’imputation budgétaire, le comptable assignataire du paiement et les modalités de paiement n’ont été déterminés comme le stipule l’article 18 du Code des marchés publics. «En lieu et place, il est fait référence à un ‘protocole d’accord et à ses avenants signés entre l’Etat du Sénégal et la personne qui prend en charge le financement’». Du reste, ajoutent les Ige, «aucun dossier technique n’a été produit pour la détermination du coût de l’ouvrage, tout comme pour les travaux supplémentaires».
Mbackiou revend les terres à l’Ipres et la Css à 29,324 milliards et…
C’est ce qui fait que «le coût initial de l’ouvrage a été fixé de manière forfaitaire à 12 milliards de francs Cfa. A la fin du chantier, il a été enregistré des travaux supplémentaires de 8 milliards de francs Cfa». Ce montant de 8 milliards, poursuivent les enquêteurs, a «aussi été fixé de manière forfaitaire dans la mesure où aucun dossier technique justificatif n’a été produit. Les autorités d’alors s’étaient contentées d’un simple ‘mémoire en réclamation’ du responsable des travaux listant les éléments qui ont entraîné l’augmentation du prix initial ».
Mais là n’est pas l’effarant dans cette affaire du financement du monument de la Renaissance. Le comble, «il n’a été trouvé aucune trace, dans les comptes de l’Etat, du financement de l’ouvrage. C’est parce que celui-ci a été pris en charge par un particulier pour 20 milliards de francs Cfa, en contrepartie de l’attribution, en pleine propriété, de terrains domaniaux d’une superficie de 56 ha 03 a 56 ca».
…Réalise un gain de 7 milliards par rapport au financement et il lui reste 36 ha
S’agissant maintenant du montage financier, «c’est le protocole signé avec le partenaire de l’Etat qui a déterminé le coût initial du projet soit 12 milliards de francs Cfa qui sera porté à 20 milliards de francs Cfa, compte tenu des travaux supplémentaires de 8 milliards de francs Cfa». Pour matérialiser cette transaction, indiquent les vérificateurs, «un acte constatant une ‘dation en paiement’ a été signé». Mais, soulignent-ils, «la société civile immobilière, partie à la transaction a, par la suite, procédé à la vente, à l’Institut de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres) et à la Caisse de sécurité sociale (Css), c’est- àdire des démembrements de l’Etat, de deux parcelles de terrains d’une superficie de 184 353 mètres carrés et de 14 310 mètres carrés, à respectivement 27,652 milliards de francs Cfa et 2,432 milliards de frabcs Cfa. Elle a, donc, réalisé un gain de 7,652 milliards de francs Cfa, compte non tenu des 36 hectares restants». Ce qui fait conclure l’Ige que «dans cette transaction, il apparaît de toute évidence que les intérêts de l’Etat n’ont pas été sauvegardés».
L’Architecte-Conseil du Président de la République payé 920 millions par l’entrepreneur
Une dernière perle au sujet du monument, compte non tenu des «défaillances de la Commission de contrôle des opérations domaniales» : il s’agit d’un conflit d’intérêts noté dans le projet et «manifestement, préjudiciable aux intérêts de l’Etat». Selon le rapport, «c’est l’Architecte-Conseil du Président de la République (Ndlr : Atepa) qui a proposé, au chef de l’Etat, pour la réalisation du monument de la Renaissance africaine, un entrepreneur et signé, avec celui-ci, un ‘Contrat d’assistance globale à la conception architecturale, aux études techniques et au suivi des travaux». Il devait, ainsi, poursuit le document, l’accompagner dans la réalisation de l’ouvrage commandé, alors qu’il lui revenait d’être aux côtés de l’Etat pour veiller à la bonne conception de l’ouvrage et en assurer le suivi de l’exécution. Entré en relations d’affaires avec le cocontractant de son employeur, il a été rémunéré par ce dernier à hauteur de 920 millions de francs Cfa, se plaçant ainsi dans une situation manifeste de conflit d’intérêts». Dès lors, estiment les enquêteurs, «l’Architecte-Conseil du président de la République n’était plus en position de défendre ceux de l’Etat».
BAMBOULA A BAMBILOR : LES MILLIARDS DE LA TERRE
Un autre scandale foncier qui vaut bien son pesant de milliards, c’est celui dit du «Domaine du Général Chevance Bertin» à Bambilor et qui avait fait l’actualité en son temps. Considérations préalables de l’Inspection générale d’Etat (Ige) sur la question : «L’opération foncière consistant en l’acquisition par l’Etat des terres du Général Chevance Bertin à Bambilor, au motif déclaré de sécuriser les villages situés à l’intérieur de ces terres comporte, sur un fond de détournement d’objectif, des manœuvres manifestes de contournement de la loi. Par ailleurs, il y est relevé la perte de ressources fiscales, l’enrichissement de particuliers au détriment de la collectivité nationale et du Trésor public. De même, des négligences de nature à compromettre les intérêts de l’Etat ont été notées dans le suivi des dossiers».
L’Etat mord la poussière : 30,533 milliards de pertes
Au total, constate le rapport pour le regretter, «l’Etat a perdu, dans ces opérations, hors toutes pénalités, amendes et intérêts de retard, la somme de 30,533.456 milliards». Donc, estime l’Ige, «la manière dont l’opération a été menée a révélé que l’objectif ainsi déclaré n’était qu’un prétexte et que le soubassement véritable était un projet planifié d’enrichissement de particuliers». Il a été constaté que «les opérations foncières, comme la délimitation et la sécurisation n’ont pas été conduites à leur terme» et que «les terres acquises par l’Etat ont été cédées à des particuliers qui les ont revendues notamment à la Caisse de sécurité sociale, à la Caisse des dépôts et consignations et à une coopérative d’habitat». Ce qui traduit le «but spéculatif» qui est à la base de tout ce montage. «Les particuliers, personnes physiques et personnes morales, qui ont bénéficié de cessions sur les terrains de Bambilor ont été indûment enrichis, suivant un procédé frauduleux», constatent les enquêteurs qui dévoilent le modus operandi invariable comme cela s’était passé avec le Monument de la renaissance.
Les spéculateurs «ont tous payé à l’Etat avec les gains réalisés sur les ventes faites à ses démembrements »
«En effet, les terres qui leur ont été cédées ont été revendues, notamment à des démembrements de l’Etat, avec un différentiel de prix qui leur a permis de réaliser de substantielles plusvalues. La manoeuvre la plus déconcertante a été qu’ils ont tous payé à l’Etat avec les gains réalisés sur les ventes faites à ses démembrements. Au surplus, après la conclusion de leurs contrats, des facilités de paiement leur ont été accordées par le service chargé des Domaines ».
Pour corroborer leurs constats, les Ige rapportent ce cas véritablement symptomatique des menées du régime Wade dans ce dossier comme dans tous les autres scandales fonciers. «Ainsi, il est apparu que certaines de ces personnes avaient même démarché les structures futures acquéreurs pour la cession de terrains, avant d’avoir elles-mêmes acquis les terrains qu’elles proposaient de leur vendre. C’est le cas de l’une d’elles qui, par lettre du 15 février 2010, proposait, déjà, à la Caisse des dépôts et consignations, de ‘mettre à (sa) disposition une assiette d’une superficie de 150 hectares à Bambilor et dépendant du TF 1975/R».
Un des spéculateurs propose des terrains à la Cdc avant même d’en être bénéficiaire
Cette offre, selon les enquêteurs, avait ainsi été faite avant même que l’intéressé n’ait acquis les 175 ha cédés par l’Etat. «A cette date, la Commission de contrôle des opérations domaniales n’avait même pas encore examiné de demande de cession immobilière le concernant. Cette commission ne s’est prononcée sur sa requête que le 2 mars 2010 et le contrat de vente, signé le 26 mars 2010, n’a été approuvé que le 26 mai 2010». Mais tout ceci ne serait certainement pas arrivé si, comme le soulignent les Ige, certains démembrements de l’Etat impliqués dans ces scandales fonciers avaient «acquis directement auprès de l’Etat, si le service chargé des Domaines leur en avait donné l’opportunité». Qui plus est, «ils auraient fait des économies substantielles correspondant exactement à la plus-value réalisée indûment par ces spéculateurs».
(In)délicate posture des Impôts et Domaines
Mais il semble que certains services de l’Etat n’aient pas joué le jeu de l’Etat ou plutôt aient joué le jeu des promoteurs de cette spéculation, Wade en tête. Lisez ce passage du rapport : «Ainsi, la Cdc ayant besoin de 150 ha, pour réaliser un programme immobilier de 6 000 logements sociaux, conformément aux missions que lui assignent la loi n° 2006-03 du 4 janvier 2006 qui l’a créée, avait acheté 50 ha auprès de l’Etat, avant de se retrouver dans l’obligation d’acheter dans les conditions présentées ci-dessus, simplement parce que, suite à sa requête pour acquérir 100 ha complémentaires, le Directeur général des Impôts et des Domaines lui avait signifié qu’il n’y avait plus de disponibilité foncière dans la zone, alors que la personne qui lui a vendu 100 ha a été bénéficiaire de cession sur un terrain contigu à ses 50 ha». Que dire de plus ?
CONSTAT DU RAPPORT 2014 DE L’IGE - Le Fesman, le festival mondial des gré à gré et des «pratiques inédites et malsaines»
L’organisation du 3e Festival mondial des arts nègres (Fesman) est un scandale sans fin. Et chaque jour, des éléments sont mis à jour pour conforter cette réalité. Il en est ainsi du rapport 2014 de l’Ige qui confirme que le Fesman a été un festival mondial des gré à gré et des «pratiques inédites et malsaines». Se penchant sur le cas du 3e Festival mondial des arts nègres (Fesman) que Dakar a abrité en décembre 2010, l’Inspection générale d’Etat (Ige), souligne que la Vérification administrative et financière (Vaf) de l’organisation de cet événement a «permis de constater, comme mentionné dans le précédent rapport public, de nombreuses irrégularités et des pratiques se situant aux antipodes des lois et règlements, ainsi que de la bonne gouvernance». Dans le cadre de cette Vaf, des investigations complémentaires ont été conduites postérieurement à la publication dudit rapport public, qui confirment ces irrégularités et pratiques, selon l’Ige.
Ainsi, relativement à l’organisation et au fonctionnement, il a été noté le caractère lacunaire des textes constitutifs du cadre juridique, relève l’Ige qui souligne que «la direction du Fesman n’a pas correctement exercé ses fonctions managériales et, à cet égard, n’a élaboré ni manuel de procédures ni document de planification de son action. De plus, elle n’a exercé aucun contrôle sur les actes posés par son personnel, se contentant de signer des conventions, sans s’assurer du respect des procédures prévues. Le recrutement et la rémunération de ce personnel ont occasionné de nombreuses violations de la loi».
Entre pratiques opaques, dérives et abus
Après le Festival, la direction du Fesman n’a pas, comme l’exige son cadre juridique, présenté un rapport d’activités rendant compte de ses réalisations et de l’utilisation des moyens publics mis à sa disposition, selon les vérificateurs qui expliquent que, relativement à l’exécution financière et comptable, il a été noté que des intervenants ont réalisé des recettes et des dépenses sans aucune habilitation à cet effet. Les fonctions d’ordonnateur et de comptable ont été souvent cumulées, en violation des dispositions légales en vigueur, dit le rapport. D’après l’Ige, le duo Abdoul Aziz Sow et Sindiély Wade, respectivement Délégué général et Délégué général adjoint au Fesman, s’est adonné à des «pratiques opaques, en marge de la réglementation financière et contraires à toute logique d’efficacité ». «Des dérives ont été également constatées dans le recours abusif aux décrets d’avance, pour financer le Fesman. S’y ajoute le gaspillage de ressources publiques engagées dans des opérations exécutées, au surplus, dans l’illégalité la plus manifeste. Enfin, toutes les transactions faites dans le cadre du Fesman ont été marquées par une violation flagrante du Code des marchés publics, aucune mise en concurrence n’ayant été organisée», constat l’Ige.
«Fortes présomptions de fraude, de corruption et de blanchiment d’argent»
«D’autres pratiques inédites et malsaines, perpétrées avec l’aval du ministère de l’Economie et des Finances, ont été relevées, à l’occasion des opérations dites de clôture du Festival. Ainsi, un simple particulier a été constitué comptable public de fait, et chargé de manipuler des deniers publics mis à disposition par une banque privée de la place, dans le cadre d’un prêt consenti au Fesman, d’un montant de 15 milliards de francs Cfa», s’étonne l’Ige qui informe que de nombreux paiements ont été effectués par remises directes d’espèces, pour des montants particulièrement élevés, en violation de toutes les dispositions réglementaires. «Par ailleurs, une certaine opacité, voulue et entretenue, dans les transactions financières du Fesman fait naître de fortes présomptions de fraude, de corruption et de blanchiment d’argent», consigne l’Ige dans son rapport qui affirme que le président de la République d’alors, Me Abdoulaye Wade, est «apparu comme un acteur principal du Fesman, en choisissant des entreprises devant effectuer des travaux, tout comme en se constituant ordonnateur et exécutant de dépenses, même étrangères à cette manifestation, pour un montant total de 6,425 milliards de francs Cfa».
Wade, acteur principal d’une surfacturation de plus de 5 milliards
Poursuivant, l’Ige note qu’«au surplus, la contribution d’un pays ami du Sénégal, d’un montant d’un milliard de francs Cfa, lui a été remise par un plénipotentiaire de ce pays. Or, aucune trace de l’encaissement de cette somme n’a été retrouvée dans les comptes du Fesman. Dès lors, se pose la question de la transparence dans l’utilisation de l’argent reçu». «En outre, dit l’Ige, dans le cadre de la réalisation des deux sites d’hébergement des festivaliers, le président de la République de l’époque a acquis, à titre personnel, à partir de ressources publiques, un terrain sis à Ngor d’une superficie de 5 435 mètres carrés, pour un montant d’un peu plus d’un milliard de francs Cfa. Cette transaction a également été marquée par des irrégularités fiscales, les droits d’enregistrement, la taxe sur la plus-value immobilière et les pénalités pour dépôt tardif n’ayant pas été acquittés, pour des montants respectifs de 177,307 millions de francs Cfa, 174,372 millions francs Cfa et 94,621 millions de francs Cfa. Il s’y ajoute que des transactions suspectes ont été opérées dans le cadre de la réalisation des sites d’hébergement des festivaliers. Le montant global des surfacturations s’y rapportant a été estimé, a dit d’expert, à 5,460 de francs Cfa».
Tous les responsables disent avoir «agi sur instructions» de Wade
«Les principaux responsables impliqués dans de telles irrégularités financières et comptables ont, de façon générale, affirmé avoir agi sur instructions de l’ancien président de la République», confie les vérificateurs qui, dans leurs conclusions, déclarent que «l’organisation du Fesman a, globalement, été marquée par une absence de démarche planifiée et par des improvisations à chaque étape du déroulement des procédures et opérations. «Cet état de fait a abouti à un constant pilotage à vue qui a été érigé en règle la mal gouvernance», se désole l’Ige. «C’est pourquoi, prévue au départ pour coûter 5 milliards de francs Cfa, au titre de la participation sénégalaise, la 3e édition du Fesman a finalement coûté au contribuable sénégalais plus de 80 milliards de francs Cfa, sans compter les sommes encore dues à divers créanciers qui continuent de se présenter, pour réclamer le paiement de leurs prestations. Le montant total de ces prestations a été arrêté à 1,768 milliard de francs Cfa», indique le rapport. Au-delà des violations déjà présentées, d’autres pratiques non conformes aux règles de passation des marchés publics ont été constatées dans l’exécution de certains projets, selon l’Ige. Il en est ainsi du non-respect des préalables liés à la mise en place des structures appropriées que sont les Commissions et Cellules de passation des marchés, ainsi qu’à la publicité à portée générale à travers les Plans et Avis généraux de passation des marchés.
MAISON DU SENEGAL - Micmacs à New York : des millions de dollars…out of the house
Des millions de dollards erdus par le Sénégal dans des surfacturations et des micmacs liés aux projets de la Maison du Sénégal à New York. Voilà cet autre scandale du magistère de Wade mis au grand jour par le raapport 2014 de l’Ige avec des détails très choquants. Un nouveau faisceau de lumière sur les micmacs newyorkais de nos autorités d’alors, Wade comme toujours en tête. Quand il décide d’acquérir un terrain à New York pour en faire une «Maison du Sénégal » où l’ambassade, comme l’ambassadeur seraient logés à digne enseigne, les autorités jettent leur dévolu sur un terrain situé au 227-235 East Street 44 th à New- York et d’une superficie d’environ 630 mètres carrés, soit l’équivalent de 6 781 pieds carrés destinés à l’édification d’un immeuble, à usage multiple, de 8 étages. Seulement souligne l’Ige «il s’est avéré que les actes posés pour la réalisation de ce projet, sont aux antipodes des principes et règles qui régissent la gestion des deniers, la commande publique ainsi que la création et le fonctionnement des entreprises publiques».
Des surfacturations en termes de millions de dollars
Des choses pas catholiques ont été décelées par les enquêteurs. «Il a été noté un surenchérissement du coût d’acquisition de l’immeuble de 3,736 millions de dollars US, soit environ un 1,888 milliard de Cfa (…) Le coût d’acquisition est passé de 26,650 millions de dollars US, à 30,386 millions de dollars US». Mais il n’y a pas que cela. «Il a également été relevé le coût exorbitant des frais architecturaux évalués à 5 millions de dollars US dont 2,050 millions de dollars US ont été payés à titre d’avance ». Mais ce qui est curieux et qui poussent les Ige à la circonspection, c’est que «d’après les informations recueillies, il n’existe pas dans tout l’Etat de New-York, un immeuble dont le coût de l’esquisse architecturale dépasse 6 dollars par pied carré». Mieux relèvent-ils, «l’architecte dont la signature est l’une des plus recherchées de la Ville de New-York, applique ce taux». Conséquence : «rapportés au cas d’espèce, les frais de cette nature pour l’édifice que doit réaliser le Sénégal auraient dû être de 500 000 dollars US, en lieu et place des 2,050 millions de dollars payés en guise d’avance. Il en résulte une surestimation d’au moins 1,550 million de dollars US».
Incongruité sur la nature juridique de la société Teranga Llc
Autres irrégularités notées : le fait de payer des frais aussi onéreux à un architecte avec l’enveloppe prévue pour acquérir un terrain (…) l’absence de réception par une commission de la propriété acquise constitue une autre irrégularité». Enfin, le rapport de l’Ige pointe un «manquement aux règles de création et de fonctionnement des entreprises publiques». Car pour gérer l’opération, une société à responsabilité limitée (Sarl), dénommée Teranga Llc a été constituée, avec comme actionnaire unique, l’Etat du Sénégal. C’était pour «contourner les difficultés pour l’Etat du Sénégal à lever directement des fonds sur le marché bancaire et financier new-yorkais». Seulement, soulignent les enquêteurs, «sur le plan de la forme, selon les dispositions de la loi n° 90-07 du 26 juin 1990 relative à l’organisation des entreprises du secteur parapublic et au contrôle des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique, modifiée, une société par actions dont le capital est intégralement souscrit par l’Etat, est une société nationale ». C’est pourquoi les Ige pensent qu’«on assiste ainsi à la création d’une Sarl de droit public, qui est une catégorie inconnue de la loi précitée».
Des affaires personnelles dans le dossier
Pire, souligne le rapport, en juillet 2008, le ministre de l’Economie et des Finances (ndlr : Abdoulaye Diop), par mandat irrévocable, a «délégué», par simple lettre, au ministre de l’Energie (ndlr : Samuel Sarr), ses pouvoirs pour la recherche des financements nécessaires à l’acquisition de la propriété, sa démolition et l’édification d’un nouvel immeuble. Pour l’Ige, Abdoulaye Diop et Samuel Sarr ont «outrepassé les attributions qui leur ont été conférées (…) le ministre n’est pas habilité à déléguer ses attributions à un autre membre du gouvernement ». L’Ige révèle que pour mettre à exécution son «mandat», «le ministre de l’Energie a instrumentalisé la Société Afrinvest, société anonyme unipersonnelle dont il est l’actionnaire unique et l’administrateur principal». Seulement, soulignent les vérificateurs, «en sa qualité de membre du gouvernement, sa prise de participation viole les dispositions de l’article 2 de la loi organique n° 78-45 du 15 juillet 1978 relative aux incompatibilités avec les fonctions de ministre ou de secrétaire d’Etat, modifiée par la loi organique n° 83-64 du 03 juin 1983. Cet article dispose que ‘le ministre ou secrétaire d’Etat ne peut, pendant la durée de ses fonctions, être actionnaire majoritaire dans une société, un établissement public ou une entreprise quelconque’».
DYSFONCTIONNEMENTS ADMINISTRATIFS - L’ige épingle le destinataire de ses rapports
L’administration sénégalaise marche-t-elle sur la tête ? Au regard des multiples dysfonctionnements, anomalies et autres défaillances constatées dans la gouvernance administrative et relevés par l’Inspection générale d’Etat dans son rapport 2014 le laissent penser. Une situation largement favorisée, selon le rapport, par «la défaillance du processus décisionnel, du contrôle interne, du suivi des décisions, du défaut de consultation de l’Inspection générale d’Etat ». Si on y ajoute, le «manque de rigueur dans la conduite des enquêtes de moralité », tout cela conduit à des «dysfonctionnements dans l’élaboration des actes réglementaires et plus spécialement, dans celle des actes de nomination».
Détournement d’objectif en matière de décrets de répartition de service
Et à ce sujet, l’Ige s’est particulièrement intéressée aux nominations en Conseil des ministres, les fameuses «mesures individuelles » pour déplorer certaines décisions «contraires à la réglementation en vigueur», notamment «la nomination, par décret, à de hautes fonctions, de personnes ne remplissant pas les critères requis, notamment la qualité de fonctionnaire et l’appartenance à la hiérarchie exigée» ou la «nomination, en qualité de Secrétaire général de département ministériel, de contractuels ou d’agents non-fonctionnaires de la hiérarchie A, en violation de l’article 2 alinéa 2». Il a été aussi déploré «la nomination, à de hautes fonctions, de personnes sous le coup de sanctions administratives prononcées, notamment, à la suite de rapports de vérification de l’Ige» ou celle «à des postes de responsabilité, d’agents de l’Etat admis au départ volontaire».
Dans son rapport, l’Ige épingle les plus hautes autorités pour détournement d’objectif à travers le décret de répartition des services. «Le décret portant répartition des services de l’Etat est détourné de son objectif. Il n’a vocation, ni à créer ou supprimer des structures, ni à changer la dénomination de celles-ci». L’objectif de ces décrets portant répartition des services de l’Etat, indique le rapport «n’est pourtant pas de créer de nouvelles structures, mais bien de déterminer le rattachement organique des services administratifs déjà créés, ainsi que la tutelle des entreprises du secteur parapublic».
De certaines incongruités dans les décrets de répartitions de services
Ainsi les vérificateurs ont noté «l’existence de services qui, paradoxalement, ne figurent pas dans l’organigramme de leur ministère de rattachement et qui, de surcroît, ne disposent pas d’actes réglementaires les organisant» ou «des services créés, mais qui ne sont pas opérationnels». Toujours dans les incongruités notées, «l’existence concomitante, pour des secteurs déterminés, de services centraux chargés de la mise en oeuvre de la politique définie dans ces secteurs, à côté d’administrations techniques décentralisées ayant les mêmes missions». C’est le cas, explique l’Ige, de la promotion des investissements éclatée entre le ministère de la Promotion des Investissements et des Partenariats, l’Agence chargée de la Promotion des Investissements et des grands Travaux (Apix-Sa) et la Direction de la Coopération économique et financière du ministère de l’Economie et des Finances. S’y ajoute, parfois, selon toujours le rapport, «la coexistence d’entités ayant des missions identiques dans un même département ministériel. Il en est ainsi du maintien, au ministère du Tourisme et des Transports aériens, de la Direction des Transports aériens, alors que la mise en oeuvre de la politique de l’Etat dans le domaine de l’Aviation civile est confiée à l’Agence nationale de l’Aviation civile et de la Météorologie (Anacim).
Quand l’Ige apporte de l’eau au moulin de Mamadou Sy Tounkara
Toujours dans les dysfonctionnements de l’administration, l’Ige répertorie des manquements dans l’élaboration de divers actes réglementaires qui lui sont transmis. Une remarque qui va apporter de l’eau au moulin de Mamadou Sy Tounkara qui avait vitupéré le style de rédaction du communiqué du Conseil des Ministres, c’est l’«inobservation de manière récurrente des normes en matière de rédaction administrative, un outil essentiel de communication de l’Administration. Sont souvent ignorées des règles a priori aussi élémentaires que le respect de la ponctuation et l’usage des majuscules, mais tout aussi importantes, notamment pour la compréhension et l’interprétation des actes». Les Ige ont aussi déploré «l’antériorité de la date de signature de certains décrets de nomination par rapport à la date du Conseil des Ministres au cours duquel ces décisions de nomination ont été prises», des «entorses aux règles d’organisation des services publics avec, comme exemple notoire, ce décret nommant un Directeur général de ‘Bureau’, tout en lui conférant un rang de Délégué général». Il est relevé «La signature ou l’adoption régulière de textes à incidence financière, sans avis préalable du Ministère chargé des Finances et des autorités de contrôle habilitées»