Selon Saer Seck, le Sénégal peut devenir un des grands pays, exportateurs de footballeurs
Comment se porte la Ligue Pro ?
J’ai trouvé une Ligue qui a assuré et sécurisé la compétition. Depuis 4 ans, le championnat se joue de manière régulière, même si les formules ne sont pas les mêmes. J’ai trouvé une Ligue Pro qui a assuré, sur les 3 ans, toutes les charges sauf la dernière année, où on a constaté un déficit qui est né de l’absence de financement extérieur du Sargal Foot Pro.
C’est pourquoi le Président Lamotte et son bureau ont laissé des champions, des vainqueurs des coupes de la Ligue à qui on n’a pas payé les primes de victoire. En dehors de ça, la Ligue Pro n’est pas déficitaire parce que tous les frais liés à l’organisation des matchs, à l’arbitrage, ont été réglés. Il ne reste que les primes des équipes championnes. Globalement, ce n’est pas mal pour une Ligue Pro qui fonctionne encore avec l’absence de l’Etat. Une expérience unique en Afrique. Partout où il y a le foot pro, il y a l’appui de l’Etat, de certains partenaires et des sponsors. La Ligue Pro sénégalaise a la particularité de se lancer avec la cotisation de ses dirigeants.
Pensez-vous qu’elle puisse se développer sans le soutien de l’Etat ?
Si on ne le pensait pas, on ne s’y lancerait pas. Même si le soutien de l’Etat n’était pas là au début, on pense qu’il nous suivrait par la suite… Donc, on ne désespère que l’Etat nous vienne en soutien pour que notre football ne soit pas en retard par rapport aux mouvements qui s’amorcent avec l’érection de championnat non-amateur. Il y a une situation assez bonne par rapport aux objectifs et les moyens mis en place. On est arrivé avec l’ambition de structurer et de fortifier notre championnat professionnel.
Les sponsors se font toujours désirer, quand même ?
Tout à fait ! Les sponsors ne sont pas des philanthropes, ce sont des investisseurs. Et pour investir, il faut un environnement qui le permette, dans de bonnes conditions. Malheureusement, les conditions fiscales ne sont pas encore bien codifiées pour permettre aux entreprises d’investir dans le sponsoring, étant entendu qu’il n’y a pas de dispositions fiscales avantageuses pour les entreprises qui veulent sponsoriser. Pour investir aussi, il faut un retour sur investissement. Pour ça, il faut une bonne qualité du spectacle, que les sponsors aient un crédit de notoriété et de sympathie sur leurs produits plus important, de sorte que cela impacte sur leurs ventes. Or, nous avons démarré sans visibilité, avec nos cotisations, sans télévision, avec un environnement fiscal qui, jusqu’au moment où l’on parle n’est pas codifié. Il n’est pas étonnant que cela se passe comme ça. Pour faire du spectacle, il faut des infrastructures de qualité pour que les stades deviennent des endroits de convivialité, où les entreprises invitent leurs clients, où on a des salons pour recevoir les sponsors. Malheureusement, il y a un déficit criard dans ce domaine. Mais Paris ne s’est pas construit en un jour…On connait les difficultés, on les a identifiées, de manière courageuse et sereine, on a engagé le chemin qui nous permet de lever les obstacles pour avoir, enfin, l’appui des sponsors et avoir un public fidèle. Ce qui nous permettra d’avoir des clubs forts qui ont des actifs et qui auront des résultats.
Mais avec le manque d’infrastructures et de soutien de l’Etat, est-ce que le football peut jouer son véritable rôle dans l’économie ?
On ne le joue pas actuellement, mais on pense le jouer demain. L’erreur, c’est de dire comme aujourd’hui, on ne peut pas le faire, demain, on ne le pourra pas. Il faut être réaliste, le football professionnel joue aujourd’hui un rôle économique non négligeable. Compte tenu du diagnostic de la situation, avec des stades encore à parfaire, avec un appui pas très fort des partenaires, même s’il faut souligner la présence d’Orange puisque, c’est un partenaire important qui est là depuis le début. Même sans l’appui de l’Etat, nous employons entre 1000 et 1500 personnes. L’Etat a investi beaucoup d’argent dans des programmes comme l’ANEJ, pour l’emploi des jeunes, sans qu’il y ait des emplois stables comme la Ligue Pro en a créés en peu de temps…
Il faut que l’Etat s’arrête pour regarder la Ligue Pro et le football d’un autre œil, parce que l’investissement dans la Ligue Pro, au-delà de la pérennisation des 1 500 emplois, permettrait aussi de créer des vocations et d’exporter des talents. Le Brésil compte parmi ses ressources à l’exportation, les footballeurs qui en constituent une grande partie d’ailleurs. C’est un secteur qu’il faut développer. Le Sénégal compte beaucoup de talents qui s’exportent, avec une politique suivie. Sous l’angle économique, le football peut devenir un des grands secteurs d’exportation de notre pays. Je pense même qu’au niveau de la Stratégie de Croissance Accélérée, le football peut devenir éligible. Ce qui permettrait à l’Etat de codifier l’environnement économique de ce secteur pour lui permettre d’atteindre ses objectifs.
Quels sont les contours du partenariat avec Orange ?
Le partenariat avec Orange s’exerçait autour du Championnat et de la Coupe de la Ligue pour environ 250 millions Fcfa. Il arrive à terme cette année et il va être renégocié. D’aucuns diront que c’est des croupinettes, d’autres que sans Orange, nous n’aurions peut-être pas tenu quatre saisons. Donc, c’est l’histoire du verre à moitié vide ou à moitié pleine, ça dépend de la perspective où on se trouve. En tout cas, Orange est venue à nos côtés alors que même l’Etat n’y est pas. Pour l’heure, c’est le partenaire qui a été à nos côtés, qui nous prête attention dans les renégociations. On ne demande pas de mécénat, c’est un partenariat qu’il faut féconder dans le business pour que l’impact de la Ligue pro permette à Orange d’améliorer les différents indicateurs de son activité économique. Ce qu’Orange Mali, dirigée par l’actuel DG de Sonatel, a fait pour le football malien, dépasse ce qu’Orange a fait pour le football sénégalais. On espère qu’il ne peut pas faire moins pour le football sénégalais.
Y-a-t-il des sponsors qui sont intéressés ?
Aujourd’hui, pour être honnête, nous n’avons pas une qualité de spectacle pour dire que tel sponsor nous intéresse ; tel autre, on va l’éconduire. On ne va pas jouer à Miss Sénégal, on n’en a même pas les attributs. C’est à nous d’aller vers les sponsors pour leur dire que nous avons les potentiels pour leur être utiles.
Qu’est-ce que la participation au championnat pro a apporté à l’Institut Diambars ?
Jouer dans la Ligue et bien y figurer augmente la visibilité pour Diambars, comme tout club. C’est une chance pour Diambars d’amener ses jeunes dans le championnat de 1ère division et se confronter à ce qui se fait de mieux au Sénégal. C’est une continuation dans la formation. L’entrainement ne remplace pas la compétition, avec tout ce qu’il y a comme adrénaline. C’est une aubaine économique en ce sens que ça peut accroitre le crédit de sympathie, de notoriété et aussi de visibilité, avec les matchs qui sont souvent télévisés.
D’aucuns pensent que pour que le football joue pleinement son rôle, il faut d’autres écoles à l’image de Diambars ?
Je ne le crois pas… C’est une voie, mais pas la seule. Des centres comme Diambars, Dakar Sacré Cœur, peuvent constituer des pôles d’attraction dans ce championnat, des symboles, mais la Ligue Pro sera ce que tous les clubs en feront. Il faut faire de notre football un spectacle, y mettre de la convivialité, en faire un endroit où il se produit des choses qui valent que les gens se déplacent et payent pour le voir. Il faut en parler de manière sereine. C’est ce qui fera que demain, notre football aille de l’avant…
Pour la diffusion, la télé nationale a quand même une mission de service public…
Vous revenez à la question du soutien et de l’implication de l’Etat dans le football pro. Je ne suis plus en situation d’incantation, je n’ai pas envie d’être dans l’interpellation qui n’est pas loin de l’invective pour dire à la RTS de faire un certain nombre de choses. Il faut dire que la chaine publique a des difficultés, si elle fait quelque chose pour le football, elle devra aussi le faire pour les autres sports, les autres secteurs… La question, c’est se demander si elle a les moyens de tout faire. Au lieu de les inciter, nous visons à les intéresser, à aller plus loin. Le football dans le monde est essentiellement financé par les télévisions. Donc, on en est à dire qu’il faut que la télévision vienne juste pour relayer notre spectacle. On n’en est pas à dire que la télévision vienne financer et acheter nos spectacles. Si on est dans cette démarche, on n’est pas dans la bonne. Il faudrait que nous ayons un spectacle tel que la RTS vienne se bousculer pour la couvrir parce qu’elle lui donne de l’audience, parce qu’elle pense qu’il y a un spectacle.
Quand on aura ce spectacle chéri par les Sénégalais, pour le diffuser, il faudra mettre la main à la poche. Nous sommes dans cette dynamique. Aujourd’hui, contentons-nous d’intéresser les gens, non par le fait d’une obligation de service public, mais plutôt parce que le spectacle est attrayant. Une fois qu’il le sera, on aura la possibilité de le commercialiser avec un certain nombre de droits. La Ligue n’a pas vocation à être riche, mais à aider les clubs à se structurer et à être riches.