Seydi Gassama est-il sérieux ?
Respect des droits de l’Homme
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Mêlant le vrai et le faux, le représentant d’Amnesty International, Seydi Gassama, abuse l’opinion. Quelques faits pour confronter cet individu jouant au plus malin. Comme il est de coutume, les organisations de la société civile excellent dans l’art de réinventer le réel. Si les raisons de leur existence tendent à disparaître, elles sortent de leur chapeau des faits imaginaires, pour justifier une seconde vie. Seydi Gassama de Amnesty International, maîtrise parfaitement cet art de la prestidigitation. Ce courtier de la misère trouve toujours les moyens de crier plus fort que ses concurrents. Le dernier rapport de l’organisation qu’il représente, renferme des contrevérités à la pelle. Même si les ruptures attendues du nouveau régime tardent à voir le jour, il faut néanmoins relever qu’il est malvenu de comparer le régime actuel avec celui sortant, en termes de droits de l’Homme.
En l’état actuel des choses, la comparaison est impertinente. Tenir un tel discours, c’est aussi prendre les Sénégalais, qui sont témoins des arbitraires du régime sortant, pour des idiots. Dans un entretien publié par Walfadjri du lundi 27 mai dernier, M. Gassama dit : « En ce qui concerne les cas de décès en détention et les cas de torture, Macky Sall a fait pire que Abdoulaye Wade ». Pour un activiste des droits de l’Homme bien imprégné des crimes impunis au Sénégal (des indépendances à nos jours), ce mensonge grossier relève du pathologique. Ou alors, le président d’Amnesty a-t-il sombré dans l’amnésie ?
De 2000 à 2011, pas moins de 10 décès ont été enregistrés dans les commissariats et autres lieux de privation de liberté. Il s’agit d’Alioune Badara M’Bengue (2 juillet 2002), Dominique Lopy (13 avril 2007), Alioune Badara Diop (13 décembre 2007), Aida Camara (27 novembre 2008), Mamadou Bakhoum (23 janvier 2009), Aboubacry Dia (18 novembre 2009), Sangoné Mbaye (12 août 2009), Moustapha Sarr (05 juillet 2009), Abdoulaye Wade Yinghou (14 juillet 2010), Alaadji Konaté (29 mars 2011). Ce décompte macabre ne comptabilise pas les victimes des manifestations de la Présidentielle de 2012 (estimées à 7 morts et 20 blessés graves).
Autant de cas avérés de torture ont été dénombrés. Mais, aucune sanction pénale n’a été entreprise à l’encontre de leurs auteurs. On se rappelle des populations de Ouakam, violemment et sauvagement battues par les éléments de la Légion de Gendarmerie d’Intervention (LGI), le 24 septembre 2006. Parmi les manifestants les plus touchés par les exactions des forces de l’ordre, on peut citer Bineta Guèye, Margo Samb, Ousmane Ndiaye, Serigne Boubou Ndoye et El hadj Malick Samb. « Cette affaire n’a jamais fait l’objet d’une suite, car aucune enquête judiciaire n’a été ouverte, encore moins une enquête interne qui aurait permis de prendre des mesures administratives à l’égard des auteurs de ces mauvais traitements », regrette la Raddho dans son rapport 2011.
C’est aussi sous le magistère de Wade que Talla Sylla a été agressé, en 2003. Gassama évoque les actes de maltraitance infligés à Cheikh Yérim Seck et l’interdiction de la marche des libéraux, pour assimiler le pouvoir en place à une dictature. Ces actes sont aussi condamnables que le supplice infligé au prisonnier Alioune Badara M’Bengue, torturé par six gardes pénitentiaires, le 12 juillet 2002, au point d’être amputé des deux bras. Concernant les victimes dans les commissariats sous l’actuel régime, Gassama cite Kékouta Sidibé et Bambo Danfakha. Pour les deux cas, les agents incriminés sont traduits en justice. Au moment où Amnesty publiait son rapport, une vingtaine d’agents des forces de l’ordre répondent devant la justice pour des faits de tortures ou meurtres.
Or, sous le régime de Abdoulaye Wade, seuls deux agents des forces de l’ordre ont été jugés pour crime ou torture. Il s’agit du policier Thiandella Ndiaye et du gendarme Gora Diop. Le premier est accusé d’être l’auteur de la balle qui a foudroyé l’étudiant Balla Gaye. Il a été acquitté par la suite. Pour le second, meurtrier du mareyeur Sangoné Mbaye, il fait actuellement face à la justice. A la lumière de ces informations, les observateurs vont se demander quand le régime de Wade est-il devenu un modèle en la matière, au point d’être cité en exemple par Amnesty international. Dans un entretien accordé à La Gazette en mars 2012, M. Gassama soutenait : « Les forces de l’ordre adoptent cette attitude violente parce qu’il règne un climat d’impunité absolue depuis que Wade est venu au pouvoir. Durant ces 12 dernières années, nous ne sommes au courant d’aucune sanction de prison ferme contre des policiers ou gendarmes ayant commis des actes de torture ».
Se désolant de cette situation, il ajoute : « Je fustige l’attitude des magistrats. Certains d’entre eux m’ont dit qu’il est très difficile de condamner des policiers à des peines de prison ferme, parce que ces derniers risquent la radiation. Donc, il faut penser à leurs femmes et à leurs enfants. Ce que les magistrats oublient, c’est que les personnes tuées par les forces de l’ordre sont parfois des pères de famille ». Il cite le cas d’Ousseynou Seck battu à mort par les gendarmes et qui a laissé une femme et un enfant de quelques mois. « De même pour Dominique Lopy, qui était le seul membre de sa famille à travailler. Il a été torturé à mort en 2007 par la police », explique-t-il.
Dans son réquisitoire M. Gassama crucifie le régime libéral et trouve l’explication de cette situation dans la volonté de Wade de faire main basse sur toutes les ressources du pays. « Toute cette impunité s’explique par le fait que Abdoulaye Wade compte sur la police et la gendarmerie pour perpétuer le système de prédation des ressources du pays. De ce fait, il a gangrené tout l’appareil d’Etat pour accorder l’impunité aux forces de l’ordre. Parce qu’il a besoin de semer la terreur, pour apeurer les gens qui sortent dans la rue protester contre la gabegie instaurée dans ce pays. Il a érigé la torture en instrument de pouvoir et c’est cela que nous dénonçons », déplore-t-il.
C’est également le même Gassama qui regrettait « 22 décès occasionnés par la torture, le mauvais traitement et l’usage excessif de la force par les agents de sécurité, pendant les 12 ans qu’a duré le régime du président Abdoulaye Wade ».
Réhabilitation de Jammeh
M. Gassama ne s’arrête pas en si bon chemin dans la contradiction. Pour donner l’illusion d’avoir du boulot, il travaille à réhabiliter Yaya Jammeh. Il soutient que Macky Sall est descendu plus bas que Yaya Jammeh. « Le seul chef d’Etat de la Cedeao qui a refusé d’exécuter une décision de justice, c’était Yaya Jammeh. Mais, il avait demandé à l’Ua et aux Nations unies de venir enquêter sur les cas pour lesquels son gouvernement était mis en cause (…). Macky Sall, lui, a dit niet sans tendre la main à la communauté internationale », explique-t-il. L’argumentaire du droit de l’hommiste manque singulièrement de rigueur et de cohérence. La prémisse servie par M. Gassama est erronée, par conséquent son raisonnement ne peut déboucher que sur une conclusion fausse.
Ce pays dont il fait l’apologie est une dictature assumée, qui écrase systématiquement ses opposants et les aspirants à la liberté d’expression. Plusieurs contradicteurs du régime gambien se réfugient au Sénégal et partout ailleurs dans le monde. Les derniers actes de la furie du dictateur gambien sont caractérisés par les exécutions sommaires. Au moment de ces faits, il y a juste un an, Gassama disait : « beaucoup de gens en Gambie pensent que c’est parce qu’une voyante lui a prédit sa mort dans les cent jours que Yaya Jammeh est subitement devenu fou. Ainsi, les exécutions ne seraient qu’un prétexte pour verser du sang afin de conjurer le mauvais sort ».
Aujourd’hui, toutes les organisations des droits de l’Homme qui aspirent, un tant soit peu, à leur liberté, ont quitté ce territoire. Le Sénégal est bien loin d’une pareille situation. Gassama décourage les Gambiens qui luttent au péril de leur vie contre les abus de Jammeh. Certes, l’Etat sénégalais a expulsé le journaliste blogueur tchadien, Makaïla Nguebla, contre la volonté de la grande majorité du peuple. Les autorités sont également en train de poursuivre -selon la volonté du peuple- des personnes supposées avoir pillé le bien sénégalais.
Cela devrait-il pour autant faire du pouvoir de Macky Sall, un régime tortionnaire et dictatorial ? Définitivement non ! Pis, comment comparer un régime de douze ans dont fouler les droits de l’homme était le sport favori, à un Etat qui vient à peine d’avoir un an d’exercice du pouvoir ? Incomparable ! A moins qu’on ne soit pris de malhonnêteté caractérisée. Cet individu cherche-t-il à remplir le vide laissé par Alioune Tine qui a emprunté les allées du pouvoir ? La vacuité de l‘espace public se prête bien à ces pantalonnades. En tous les cas, le manque de retenue et de sérieux de Seydi Gassama témoigne de la nécessité d’être plus circonspect à l’égard de ses prises de position.