SI LES PRÊTRES SE MARIAIENT…
C’est une réalité. Rien de nouveau. Pour une bonne poignée en tout cas. Mais le Pape et son second souhaitent qu’on leur permette d’être libres de le faire ou de se l’interdire.
Libres tel qu’il était prévu au commencement de l’engagement sacerdotal bien avant les tabous dangereusement drapés sous les soutanes.
Le célibat des prêtres est une liturgie difficile à déconstruire. Pourtant, Dieu, l’unique assidûment adoré, sait distinguer la foi de la comédie.
Ce célibat commence à perdre de son énigme dès lors que le chef de l’église catholique lui-même lève le voile et pose le débat qui va sauver la foi.
La dernière audace du pape François dans la livraison de la Repubblica du 13 juillet dernier en Italie est un nouveau coup de pouce à l’émergence d’une réalité longtemps engluée dans des vaticinations stériles.
Le souverain pontife ne s’est pas embarrassé pour déclarer une vérité épouvantable : le célibat des prêtres n’est pas un dogme et il pourrait y apporter des solutions.
Une rupture que certains s’évertuent à réduire à une futile polémique, mais le patron de l’église catholique lui-même réalise qu’il est grand temps d’en parler. Le coup est parti.
L’année dernière, lorsque le secrétaire d’Etat du Vatican encore nonce apostolique du Venezuela, Mgr Pietro Paolin, était monté au créneau pour dire qu’on pouvait en discuter.
La conférence des évêques de France disait qu’il faudrait attendre la réaction du Pape : Aujourd’hui, elle est servie. La fin de l’hypocrisie est proche.
Le 16 novembre 2006, le Saint-Père et toute la Curie romaine examinèrent la désobéissance de l’archevêque de Lusaka, Mgr Emmanuel Milingo ; et les demandes de dispenses de célibat ou de retour au ministère sacerdotal présentées par des prêtres mariés.
Au bout de 3 heures, les dirigeants de l‘église catholique ne purent poser l’acte historique, préférant continuer de trahir la foi par l’administration d’obligations foulées aux pieds.
Ils réitérèrent l’importance du célibat pour les prêtres avec le pape Benoît XVI. En 20 ans, plus de 220 dispenses de célibat furent délivrées par Sa Sainteté Jean-Paul II.
Les repères sont inconnus chez Benoît XVI ; pourtant c’est bien lui, le cardinal Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui signa une grande partie des dispenses à l ‘époque.
En réalité, Le célibat est justifié dans le Code du droit canonique par le canon 277.
Mais il s’était agi au départ d’une simple règle de discipline établie au deuxième concile du Latran en 1139, soit environ 900 ans après Jésus Christ, et qui a été transformée en dogme par des traditionnalistes au fil des siècles.
Elle prône la chasteté et la continence, mais elle ne doit pas s’appliquer de façon absolue et c’est cette caractéristique facultative que le pape argentin tente en vain de lui restituer. Jorge Mario Bergoglio lui-même a opté pour le célibat qu’il pratique, mais il appartient plutôt à l’approche libéraledu débat.
La règle visait à veiller simplement à ce qu’il n’y ait pas d’héritiers des prêtres et à préserver le patrimoine de l’Église, quoique des apôtres comme Pierre étaient d’heureux mariés.
Aujourd’hui, des serviteurs du Christ vivent dans une solitude exaspérante et traversent selon des paquets d’études réalisées en la matière, une misère psychologique indescriptible.
L’historien Philippe Levillain, membre de l’académie des sciences morales et politiques et qui a dirigé la rédaction du dictionnaire historique de la papauté, en est venu à la ferme conclusion que l’église est obligée de considérer que sa position intransigeante ne tient plus.
Ce spécialiste du Vatican est convaincu que le Pape a probablement en tête l’exemple des Églises orthodoxes où les prêtres sont mariés et le corps épiscopal est célibataire. De cette façon, les prêtres mariés ne peuvent donc devenir évêques.
Le Pape souhaite sans doute, dit Levillain, qu’il y ait une faculté de se marier, qui resterait une option personnelle et qui rendrait encore plus exemplaire, le choix du célibat et d’une vie chaste.
D’autres sont allés plus loin pour relier la pédophilie considérée par le souverain pontife comme l’une des plus grosses lèpres de l’église, au célibat des prêtres.
L’émergence des Lobbys gay au Vatican et des clans de prêtres pédophiles est la preuve tangible que ce canon pour le moins désuet a du mal à faire l’unanimité au sein de la discrète Curie romaine.
Les pièces de théâtre relatant l’histoire des prélats devenus amants et bourreaux des jeunes au fil des encadrements spirituels commencent à se faire classiques.
L’épaule sur laquelle se reposaient des cœurs brisés et perdus en quête du visage de Dieu s’est avérée venimeuse, bien plus qu’humaine, sinon diabolique. Malgré elle.
La concurrence des églises dites réveillées tient sa notoriété de cette crise de valeur, au grand dam des croyances classiques, pionnières de la foi chrétienne.
En Europe, entre 15 % à 20 % des prêtres vivraient d’ailleurs maritalement, selon l’académie des sciences morales et politiques ; et les chiffres sont bien plus assommants en Afrique où, en plus d’être mariés, ils sont souvent polygames.
Des naturalités humaines devenues des tares de la spiritualité contemporaine. Des pays comme le Bénin, le Congo ou le Cameroun ont affiché des records dans l’usage présumé interdit des mariages de prêtres, sans trop s’embarrasser des caprices du Saint siège.
Il n’est pas trop tôt pour en parler puisque les églises anglicanes et de rite oriental sous la tutelle du Vatican ordonnent des hommes mariés au sacerdoce.
Il en va de même pour les ecclésiastiques protestants qui ont, depuis, accédé à la transparence, rendant de fait le célibat des prêtres plus optionnel que coercitif. Tel qu’il devrait être.
Il est d’autant plus réaliste de lever l’interdiction de Paul VI, qu’à l’ère du pape François, de nombreux croyants se sont refusé à l’activité sacerdotale en raison du célibat qui leur serait officiellement imposé.
Le Père Patrick Ballanda été ordonné prêtre alors qu’il était marié avec Henriette depuis près de 30 ans.
L’ancien pasteur de l’Église calviniste de Genève, devenu responsable dans le diocèse de Malines-Bruxelles en Belgique où il exerce depuis 8 ans, fut en 2005, officiellement, le premier homme marié à devenir prêtre catholique dans un pays francophone.
Son épouse et leurs 5 enfants partagent son ministère et il croit n’avoir aucun problème particulier. Tout est donc dans le qu’en dira-t-on, à tort.
Il est évident que la mesure du mariage des prêtres pourrait créer un séisme au sein de l’église catholique.
Réagissant à la sortie du pape François, l’historien des religions Odon Vallet retient en l’espèce que discuter ne signifie pas trouver une solution immédiate et Jorge Mario Bergoglio en est conscient.
Il n’est donc guère étonnant que le porte-parole du Vatican, Frederico Lombardi, ait pris l’initiative de porter un démenti aux révélations du pape François.
Selon le directeur de Radio Vatican, le journal italien a travesti les propos du souverain pontife à l’issue de l’interview accordée à son fondateur athée, Eugenio Scalfari.
Au delà des pressions conservatrices en interne, il reste à considérer les charges que pourraient générer le prêtre marié.
L’église redouterait-elle de revoir les allocations pour une conjointe de son ouvrier et partant les enfants ? Sans compter qu’à la pratique, le prêtre marié se rendrait moins disponible, notamment les week-end, selon quelques regards conservateurs.
Toujours est-il que le pape François repousse les limites. Il a d’ailleurs dans ce sens autorisé la création d’une association internationale des prêtres exorcistes qui en compte 250 à ce jour, alors qu’ils sont des milliers à exercer sur la planète, dans des conditions informelles.
Sommes-nous si loin de la prophétie qui va sauver la foi ?