SIDY LAMINE NIASSE
SUR LES TRACES D’UN EMPÊCHEUR DE GOUVERNER EN ROND
Le Président-directeur général du Groupe Wal fadjri est, depuis vendredi, sous les feux de la rampe. Pris en étau entre la machine judiciaire, l’Establishment politique proche du pouvoir et certains pans de la galaxie religieuse, principalement les mourides et les chrétiens, Sidy Lamine Niasse n’est pas loin de sentir la terre se dérober sous ses pieds. Placé en garde-à-vue et sous la menace d’une inculpation par le procureur, il va passer sa première nuit en prison.
Porté au pinacle, il y a moins de deux ans par des foules hystériques et déchainées, il avait pris possession d’une place de l’Indépendance devenue le point de cristallisation de l’opposition au régime libéral d’alors. Il était question de créer un vaste mouvement populaire pour déboulonner Me Abdoulaye Wade et stopper net ce qu’il était convenu d’appeler la dévolution monarchique du pouvoir.
Une affaire de redevances à honorer auprès de l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp) avait mis le feu aux poudres et fait sortir Sidy Lamine de ses gonds. Le jour j, emmitouflé dans une tenue aux couleurs nationales, il harangue les foules et déverse sa bile sur un pouvoir agonisant.
Pourtant, un peu moins d’un an auparavant, plus précisément le 1er avril 2010, toute la République, avec à sa tête le Président Wade, avait rehaussé de sa présence l’inauguration des nouveaux locaux du Groupe Wal fadjri. Devenu le quatrième président du Sénégal, au soir du 25 mars 2012, Macky Sall a, très tôt, été pris pour cible par celui que la censure populaire surnomme le Mollah, par référence à ses origines religieuses.
Mais, qui est ce bouillant descendant de la famille Niasse de Kaolack ? Ne demandez surtout pas à son grand frère, le non moins sémillant Ahmed Khalifa Niasse, de s’adonner à cet exercice à tous le moins périlleux. Oui, vous avez bien lu périlleux. Et pour cause. Tenez, là où «Sidy l’observateur politique» bombe le torse, fait étalage de sa culture encyclopédique et cite Huntington et Fukuyama, le nouvel allié politique de… Macky Sall, qui a flirté avec Abdou Diouf avant de pactiser avec Abdoulaye Wade, jure, la main sur le Coran, que c’est faute de niveau que son petit frère, qui a juste le brevet, n’a pu truster les sommets à la prestigieuse Al Azar, en Egypte, où il a tout juste fait un tour.
Enfonçant le clou, Ahmed Khalifa Niasse persiste à dire que Sidy a raclé des fonds un peu partout à travers le monde (Irak, Algérie, Iran…) pour mettre sur orbite son groupe de presse et bâtir sa fortune. Excusez du peu ! Des «politesses» que lui rend, et très bien, son frangin habitué à faire, comme par hasard, ses fracassantes déclarations dans l’émission «Sortie».
La soixantaine passée, Sidy Lamine Niasse n’a pas eu une trajectoire qui se lit d’un trait. Pour ne pas dire que sa vie n’aura pas été un long fleuve tranquille. Éphémère enseignant, il abandonna, quelques temps après, la craie pour titiller le journalisme. Histoire, dit-il, de se battre contre l’injustice. Normal, car il avait déjà gouté aux geôles du président de la République de l’époque, Léopold Sedar Senghor.
Ainsi naquit, avec quelques jeunes qui en voulaient, l’embryon de ce qui deviendra, bien après, Wal fadjri. On était au début des années 80. La presse indépendante, pardon privée, en était à ses balbutiements. Faisaient partie de l’aventure Tidiane Kassé, Abdourahmane Camara, Mademba Ndiaye, Ousseynou Guèye et feu Abdou Latif Guèye. La suite, on la connait.
Trente quatre (34) ans et des contorsions éditoriales plus tard, Sidy Lamine Niasse est, aujourd’hui, à la croisée des chemins. Décrit souvent comme un maître-chanteur, l’homme traine aussi la réputation de traiter son monde, si ça lui dit, avec dédain. Sortira-t-il indemne de cet énième traquenard ? Rien n’est moins sur.
Qui parlait d’exception sénégalaise ?