SISSAKO ET ''TIMBUKTU'' TRIOMPHENT AVEC 7 PRIX
NUIT DES CÉSAR
Dakar, 21 fév (APS) - Le cinéaste mauritanien Abderrahmane Sissako et son dernier long métrage, "Timbuktu", ont raflé sept prix, dont celui du meilleur réalisateur et du meilleur film, vendredi soir, au cours de la 40e cérémonie des César du cinéma français.
Ce long métrage (1h37mn) dénonce le règne de quelques mois d'une coalition de groupes salafistes (AQMI, Ansar Din, etc.) à Tombouctou, entre 2012 et début 2013.
Timbuktu", décrit comme un film poétique et politique à la fois, était nominé dans huit catégories. Il a finalement remporté le César du meilleur scénario, du meilleur montage, du meilleur son, de la meilleure photo, de la meilleure musique.
Les groupes salafistes avaient instauré la loi islamique à Tombouctou, lapidant des personnes qu'ils accusaient d'adultère, interdisant la musique et le football, avant d’en être chassés par les armées de la France, du Mali et d'autres pays africains, en janvier 2013.
Les djihadistes avaient pris l’humanité "en otage" durant leur règne de quelques mois à Tombouctou (Mali), ce qui est suffisant pour que leurs actions comptent parmi les "grands sujets" sur lesquels cinéastes et créateurs doivent prendre position, déclarait le réalisateur dans un entretien accordé à l'envoyé spécial de l'Agence de presse sénégalaise à l'édition 2014 du Festival international du film de Marrakech (FIFM, 5-13 décembre).
"Ce sujet de Timbuktu est un sujet important pour moi (…) parce que je viens du Sahel, de cette région où depuis quelques années, il se passe cette forme d’occupation [avec] de gens qui sont obscurantistes, des gens qui ont fait le choix de la violence pour s’exprimer et s’imposer, en allant contre toute valeur humaniste et religieuse", déclarait-t-il.
De nationalité mauritanienne, Abderrahmane Sissako a passé une partie de son enfance au Mali avant d'entamer des études de cinéma en Russie, ex-Union soviétique.
Selon le cinéaste, la situation qui prévalait à Tombouctou signifiait que les djihadistes avaient "pris une religion en otage" pour parler au nom d'elle. Or, une religion, c'est la transmission de valeurs, avait-il fait valoir en parlant de la tolérance caractérisant, selon lui, son éducation musulmane.
"Quand Tombouctou a été occupée par les djihadistes, pour moi, c'est un symbole qu'ils ont occupé, parce que Tombouctou est une ville millénaire, où il y avait beaucoup d'universités, jusqu'à 20 mille étudiants. Donc, c'est une ville du savoir, et donc une ville de l'échange", soulignait le cinéaste.
"Non seulement il y a des valeurs spirituelles, mais au-delà de ces valeurs, il y a une valeur architecturale, avec tous ces manuscrits qui étaient en danger", notait Abderrahmane Sissako.
Les djihadistes, en prenant "cette ville en otage un matin, au-delà même de l’islam, ce sont des valeurs humanistes qui sont prises en otage, c’est l’humanité qui est prise en otage, d’une certaine façon", déclarait-il, avant d'ajouter : "Pour moi, les manuscrits avaient la même symbolique que le Bouddha géant d’Afghanistan, que les taliban avaient explosé, un Bouddha millénaire, qui représentait beaucoup de choses."
Vendredi soir, en recevant ses récompenses à Paris, Sissako a rendu hommage à la France et aux cinéphiles français dont un million de spectateurs ont déjà suivi ce film en salle. Il s'est félicité de leur intérêt pour "un cinéma de l'humanité, de l'humilité".
"Timbuktu" est en compétition dans d'autres manifestations dont le prochain FESPACO, Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou, prévu du 28 février au 07 mars dans la capitale burkinabè.