STUPÉFIANT !
LE MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR AU COEUR DU TRAFIC DE DROGUE
Le rapport de l’ex patron de l’Ocrtis sur son prédécesseur, envoyé au ministre de l’Intérieur, détaille les relations entretenues par Abdoulaye Niang et les milieux des narcotrafiquants. Le commissaire Keïta traite l’actuel Directeur général de la police de vulgaire trafiquant de drogue.
Stupéfiant. Cataclysme. Abdoulaye Niang, Directeur général de la police nationale (Dgpn), serait au cœur d’une affaire qui a des liens «avérés» avec le grand banditisme et des milieux de drogue.
Un rapport produit par le commissaire Cheikhena Cheikh Saadbou Keïta, qui l’a remplacé à la tête de l’Ocrtis et consulté par des personnes travaillant au ministère de l’Intérieur, indique que M. Niang aurait aidé des malfaiteurs et fait revendre de la drogue pour son propre compte. D’après un rapport envoyé par le commissaire Cheikhena Cheikh Saadbou Keïta, ci-devant patron de l’Office central de répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis) au ministère de l’Intérieur, il est au cœur d’un trafic international de stupéfiants.
Dès la nomination de Abdoulaye Niang à la tête de la Dgpn, Cheikh Keïta a saisi Pathé Seck pour l’informer des «dégâts» laissés par son prédécesseur à l’Ocrtis. Il s’agit d’un trafic international de stupéfiants impliquant des dealers nigérians et sénégalais entretenus par la hiérarchie de l’Ocrtis dirigée pendant dix ans par Abdoulaye Niang.
Il faut constater que le ministre de l’Intérieur était informé de cet «héritage» constaté par M. Keïta bien avant la nomination de Abdoulaye Niang à la tête de la Dgpn. En janvier 2013, Cheikh Keïta et Pathé Seck s’étaient rencontrés pour évaluer le travail effectué par le commissaire Niang à l’Ocrtis. Pour suivre cette affaire, le ministre de l’Intérieur l’a mis en rapport avec le colonel Diouf : l’entrevue entre les deux hommes a eu lieu le 22 mars 2013.
Il a réitéré à cet officier ses accusations en disant qu’on doit «mieux gérer la situation d’un fonctionnaire qui a eu à tremper dans des affaires nébuleuses de trafic de drogue afin d’éviter qu’il continuât à se réfugier derrière des titres et des fonctions dont il pouvait entacher la grandeur et l’honorabilité au moment d’autres fonctionnaires font l’objet de sanctions sévères pour des fautes parfois moins graves».
Un flic dans la mafia
Par ailleurs, il a attiré l’attention de Pathé Seck sur la situation que pourrait créer «l’installation du commissaire Abdoulaye Niang dans les fonctions de Directeur général de la police». «La réputation et l’honorabilité de cette prestigieuse institution pourraient en souffrir sans compter que cela entacherait l’image du Sénégal. Ce fait porte préjudice au fonctionnement des services parce qu’ils sont nombreux les cadres qui sont au courant», dit-il.
Sans ciller, il renchérit : «Mes fonctions et les responsabilités qu’elles comportent sont les seules choses qui me font persister que le commissaire Niang s’est comporté à la tête de l’Office central pour la répression illicite des stupéfiants comme un vulgaire trafiquant de drogue.»
"Vulgaire dealer"
Dans son second rapport daté du 3 juin 2013, il a adjoint un Cd comportant l’enregistrement d’une conversation tenue le vendredi 24 mai 2013, entre le directeur de l’Ocrtis et le nommé Austin, narcotrafiquant nigérian et un autre Cd comportant l’enregistrement d’une conversation tenue le mercredi 29 mai 2013, entre le directeur de l’Ocrtis et le même narcotrafiquant nigérian.
En le prenant à témoin, il lui rappelle les observations effectuées au moment où il prenait ses fonctions : «Au cours de l’audience, j’ai eu à porter à votre attention la situation désastreuse dans laquelle mon prédécesseur avait installé l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants.»
Stupéfait, il ajoute : «Il est certain que j’aurais été son complice si je n’avais pas choisi de dénoncer ses agissements. Je l’aurais aussi été si je n’avais pas très vite trouvé les moyens d’imposer au personnel des changements dans l’organisation du service, la manière de travailler et le comportement.» Le commissaire Keïta est convaincu qu’il organisait «lui-même, avec la complicité du lieutenant de police, Babacar Mbengue, à l’époque chef de la section opérationnelle, la revente de la drogue saisie et en couvrant les activités de nombreux trafiquants».
Après dix ans à la tête de l’Ocrtis, le commissaire Keïta a constaté que les pratiques instaurées par ce haut fonctionnaire «ont résisté à l’effet du temps». Comment ? «Il était parvenu à compromettre tous ses collaborateurs en organisant la protection des revendeurs tapis dans les quartiers et qui recevaient des policiers plusieurs centaines de kilogrammes de chanvre indien provenant des saisies effectuées par l’Ocrtis», informe M. Keïta.
Scandalisé par ces pratiques, il pense à l’efficacité des moyens de lutte déployés pour juguler le trafic international de drogue au Sénégal. Alors, le patron de la police serait «proche» des milieux de la drogue.
Il pense qu’il ne saurait «être accepté» que la Police nationale «s’aligne avec le handicap d’être dirigée par un homme sur lequel pèsent de soupçons de collusion avec les milieux de trafiquants de drogues. C’est pour dire qu’elle ne sera d’aucun rendement si son Directeur général est un trafiquant de drogue», regrette l’ex patron de l’Ocrtis.