SUR UN AIR DE FOLK-MBALAX
Yoro Ndiaye, Artiste-chanteur
De son vrai nom Mayoro Ndiaye, l’artiste-musicien Yoro Ndiaye a fini de se faire un nom dans l’espace musical sénégalais. Retour sur dix ans de présence scénique tout en folk et en douceur.
En 2004, quand les sénégalais découvrent pour la première fois, sur le petit écran, un bonhomme au teint d’ébène, sobrement vêtu, assis sur un tabouret, dreadlocks naissants, poussant la chansonnette sur une aire de guitare, c’est sûr qu’il y en avait pas deux qui croyaient que Yoro Ndiaye allait faire carrière.
Non pas qu’il n’avait pas de talent, loin de là, mais parce qu’une armée de chanteurs en herbe, tout aussi talentueux, ont disparu de la circulation musicale après avoir frappé les esprits positivement. UIne ou deux belle chansons, et ils s’en vont. Mais Yoro Ndiaye, lui, est encore là et semble avoir signé un long bail avec ses fans.
La régularité de la sortie de ses albums sur le marché et l’accueil qu’en font les férus de la musique, aussi bien sur le plan national qu’international, l’attestent.
Un baol-baol à la conquête de la capitale
en 1997, le jeune Baol-Baol débarque à dakar. cette dilettante dans la musique est loin de s’imaginer y faire carrière, même s’il avait déjà chopé le virus alors qu’il était encore môme. a Mbacké, le royaume de son enfance, du fait de la proximité de la ville religieuse de Touba, l’atmosphère baigne plus dans les mélodies khassaïdes que dans les sonorités profanes.
Mais Yoro trouvait toujours le moyen de s’esseuler pour jouer à son instrument de musique favori, le « toukousi ngalam », et qu’importe si le papa de l’auteur de « Bella » est un membre actif d’un dahira local, et que dans la maison des Ndiaye, seules les panégyriques de Serigne Touba passent et repassent en boucle.
« Je profitais de ma présence à l’atelier de menuiserie de mon père durant les vacances scolaires pour fabriquer moi-même ces instruments. C’est comme cela que je suis tombé dans la musique sinon personne dans mon entourage ne chantait. De jour en jour, je devenais musicien sans m’en rendre compte. C’est le destin », explique Yoro Ndiaye, retrouvé chez lui dans un quartier de dakar.
L’artiste se confie à nous avec une simplicité frappante, comme l’est d’ailleurs son habillement. Le récit qu’il nous fait d’une partie de sa vie est entrecoupé de grands rires contaminateurs et d’instants graves. La sincérité luit dans ses propos. C’est peut-être là le secret de sa réussite musicale : il ne triche pas. « Dans le milieu de la musique, il y a beaucoup d’hypocrisie. Certaines personnes ne te montrent jamais leur vrai visage. J’en ai fait l’expérience », dit-il. Mais revenons un peu en arrière pour mieux saisir la trajectoire de Yoro.
Si les premiers signes sont apparus à Mbacké, c’est à Diourbel que l’interprète de « Woyal » a véritablement chopé le virus de la musique. Arrivé dans la capitale du Baol pour poursuivre ses études secondaires au lycée cheikh Ahmadou Bamba, il fréquente en même temps l’orchestre régional. Commencent alors des prestations dans les différentes troupes théâtrales de la région et dans les écoles à l’occasion des fêtes.
Parallèlement, il apprend à jouer de la guitare. Mais l’expérience musicale naissante tourne court. Suite à une altercation avec son professeur de sciences naturelles, il doit redoubler la classe de 1ère. Frustré par cette décision, le musicien en herbe préfère retourner dans son Mbacké natal plutôt que de reprendre la classe. « Je n’avais plus la motivation pour continuer les études, je me sentais freiné dans mon élan alors que je me débrouillais bien en classe », souligne-t-il. de retour chez lui, le futur folk singer met entre parenthèses sa passion musicale.
Dorénavant, l’urgence, pour lui, c’est de trouver un boulot. Histoire de soutenir son père dans les charges de la maison. de petits métiers en petits métiers, il finit par atterrir à Dakar en 1997. En bon Baol-Baol, il s’investit dans le petit commerce.
Yoro Ndiaye est marchand ambulant jusqu’à ce que la semaine nationale de la jeunesse de cette année-là le tire de la rue. « Je suis retourné à Diourbel pour participer à une sélection pour la semaine de la jeunesse. J’ai été retenu pour accompagner l’orchestre de Bambey qui devait représenter la région de Diourbel. C’est alors que j’ai décidé de m’installer définitivement à dakar », raconte-t-il.
Yoro réussit à décrocher un boulot de serveur à titre temporaire au club Med. dans ce réceptif hôtelier, où se tiennent souvent des Garden party, il ne rate pas l’occasion de proposer son talent de chanteur. il est même sollicité pour bercer, de sa voix suave, les clients du bar de l’hôtel. sans le savoir, sa carrière vient véritablement de démarrer. son groupe commence à se former et les premières productions tombent.
Le rythme s’accélère. Yoro et sa bande commencent à assurer les premières parties des prestations de Youssou Ndour et participent à la compilation Sénégal Folk des Frères Guissé. avec cet opus, l’enfant de Mbacké vient de faire sa première apparition publique. dans la foulée, en 2004, son premier album sort sur le marché avec ce titre révélateur de l’ambition qui le brûle : « Beugueu dem » (littéralement envie d’y aller).
ARTISTE AUTO-PRODUCTEUR
Depuis, Yoro Ndiaye ne cesse de se frayer son propre chemin. Même s’il consent qu’il lui reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre ses objectifs. A « Beugueu dem », se sont ajoutés deux autres albums : « Nit » et « Lamisso ». en dix ans, il a réussi à trouver son public à travers des tubes comme « Xarit », « Bakhiya », « Bella », etc. en plus d’être l’un des meilleurs folk singer de la place, il a acquis une ouverture sur l’international.
La particularité des albums de Yoro Ndiaye, ils sont tous des autoproductions. Une performance dans un contexte où même les artistes qui ont de grands producteurs peinent parfois à se faire une place sur la scène musicale. « Je n’ai jamais été produit. Au début, ce n’était pas évident, d’autant plus que je n’étais pas dans un label de renom, ni dans une famille riche pour pouvoir le faire. Mais j’ai cru en moi. C’est un grand honneur pour moi qu’on me cite parmi les artistes les plus connus au Sénégal », confie-t-il non sans une once de fierté dans la voix.
Pour Yoro Ndiaye, l’autoproduction est plus une option qu’un défaut de producteurs. Des demandes de collaboration, il en a reçues une tonne et continue d’en recevoir, mais, dit-il, pas question de se voir fermer dans un carcan sans soupirail. et pour cause : « J’ai plus de liberté par rapport à ce que je veux faire, mon expression artistique est totale et plus libre ».
Aujourd’hui, celui qui a tour à tour subi les influences musicales de Youssou Ndour, Ismaëla Lô, Seydina Insa Wade, Salif Keïta, Habib Koïte mais surtout de Lukwa Kanza, ambitionne d’aller le plus loin possible avec son style musical fait de rythme folk avec en fond sonore de petites notes de mbalakh.
Polygame et père d’un enfant, Yoro Ndiaye est arrivé à se forger une image de « sérieux » dans ce milieu de la musique où les tentations ne manquent pas. Loin de s’ériger en donneur de leçons, il préfère se mettre en retrait de tout ce qui est frasques et fracas. C’est comme ça qu’il a conquis son public, c’est comme ça qu’il entend poursuivre son chemin. Tout en douceur, comme ses chansons.