TENEZ-BON, PRÉSIDENT DJIBO !
De temps à autre, le Président Macky Sall montre qu’il a été formé à bonne école. Quand on le voit bien répéter ses gammes de fin politicien, on se dit qu’il a de qui tenir. Macky Sall ne peut pas avoir été «l’élève» du «maître» Abdoulaye Wade pendant une dizaine d’années pour rien.
Surtout s’il a, pendant tout le temps qu’il était au Pds, pu gagner la confiance et l’estime de son ex-mentor, comme l’illustrent ses nominations, par le Président Wade, aux plus prestigieuses fonctions de l’Etat. Assurément, dans certains actes posés par le Président Macky Sall, c’est du Wade tout craché.
Singulièrement, la façon dont le Président Macky Sall a managé pour dompter des ténors de la faune politique sénégalaise comme Moustapha Niasse, Ousmane Tanor Dieng, Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily et consorts, et de les mettre tous dans un mouchoir de poche, relève du talent de politiciens aguerris voire de bêtes politiques dont on a l’habitude de dire qu’ils «ont du métier».
Depuis son accession à la Magistrature suprême, la Président Macky Sall n’a jamais fait mystère de son ambition voire de sa hantise d’étrenner un second mandat de président de la République, en allant jusqu’à «réduire l’opposition à sa plus simple expression» s’il le faut.
Or, la dynamique unitaire enclenchée par le Grand cadre des partis de l’opposition récemment porté sur les fonts baptismaux, coordonné par Mamadou Diop Decroix et composé, entre autres, de Djibo Ka, Idrissa Seck, Oumar Sarr, Abdoulaye Baldé, Pape Diop ou de Cheikh Bamba Dièye, n’augure rien de bon pour le Président Macky Sall.
Alors, pour casser cette dynamique, rien de plus intelligent que de semer la zizanie au sein de ce regroupement ou de semer le doute dans l’esprit des têtes pensantes et hommes forts qui l’animent, en créant la suspicion et la méfiance entre eux.
La cible désignée, privilégiée et parfaite ne pouvait être que Djibo Ka. Choix ne pouvait donc être plus judicieux que celui de cet apparatchik de l’Ups-Ps, responsable des premières fissures et craquèlements initiaux de la maison, jadis bâtie dans du béton, du «Père Léo» à travers sa fronde suivie de la création du courant du renouveau démocratique, qui enlève 11 sièges de députés sur les 140 que comptait l’Assemblée nationale lors des élections législatives de 1998.
En effet, Djibo Kâ traîne, comme un boulet, un passé et un passif lourds et pas à son avantage. Cet ancien «baron» socialiste, qui a marqué de sa présence, sans discontinuer, l’histoire politique du Sénégal indépendant, est sans doute un gros morceau, au nom ronflant et dont le rappel de récentes postures suffit à cerner la complexité du personnage, source d’enjeux électoraux cruciaux.
Pour rappel, dans l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 2000, Djibo Ka a été au cœur d’un drame à la Hitchcock pour avoir donné le tournis aux candidats Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, à travers ses valses-hésitations – les mauvaises langues ont parlé de «tortuosités» – et son virage à 180% pour soutenir finalement Diouf alors qu’il l’avait déjà promis à Wade.
Un «soutien encombrant» aux dires du Président Abdou Diouf lui-même qui, dans ses Mémoires, a estimé que Djibo Ka lui aurait fait perdre plus de voix que lui, Abdou Diouf, aurait pu en gagner. Manifestement, Djibo Ka qui avait, à l’instar de Moustapha Niasse, enfilé l’un des manteaux de «faiseur de roi» dans un éventuel report de voix de leurs électeurs au second tour du scrutin, pour Diouf ou pour Wade, a joué et a perdu.
Après cet épisode, Djibo Ka en avait entendu des vertes et des pas mûres, en se voyant traité d’«hypocrite», de «sans foi» ou de «caméléon».
Pour étayer leurs propos, d’aucuns sont même allés jusqu’à rappeler que c’est le même Djibo Ka, Socialiste pur jus et qui ne cesse de revendiquer son arrimage à la «Social-Démocratie», qui avait «trahi» Abdoulaye Wade au profit de Abdou Diouf, qui ne s’est pas fait prier, pour siéger «sans vergogne» dans les différents gouvernements d’obédience libérale d’un Abdoulaye Wade qui, une fois élu président de la République, contre la volonté de Djibo Ka, ne lui en a pas tenu rigueur en l’invitant au banquet du pouvoir.
Pas rancunier ou revanchard pour un sou, le Président Abdoulaye Wade avait sans doute tourné la page sur les brimades dont il faisait l’objet de la part du tout puissant ministre de l’Intérieur du régime du Président Abdou Diouf au plus fort de l’hégémonie du Parti socialiste, un certain Djibo Ka, qui se faisait fort de le faire embarquer dans un panier à salades et de le jeter au fond d’un cachot pour «trouble à l’ordre public», à chaque fois qu’une manifestation du Pds était réprimée par la police, sous les ordres du ministre de l’Intérieur.
Alors, c’est sans doute parce qu’il croit fermement aux dires des mauvaises langues qui soutiennent que Djibo Ka «gueumoul dara», en dehors des ors et lambris du pouvoir, que le Président Macky Sall a choisi celui qui passe pour être le «maillon faible» et «gros poisson» du Grand cadre des partis de l’opposition, en l’occurrence Djibo Ka, qui semblerait plus vulnérable et plus sensible aux «appels des sirènes» du pouvoir que les autres, pour lui tendre l’appât et le faire mordre à l’hameçon.
Avec la patience du pêcheur qui ne cède pas à la précipitation ni à l’empressement, le Président Macky Sall sait qu’avec Djibo Ka, le temps est son meilleur allié. L’appel du pied fait, le Président Macky Sall, s’en va retourner à ses occupations, comme si de rien n’était, en quittant même le pays pour se rendre au 25ème sommet de l’Union africaine en Afrique du Sud, laissant le temps faire son œuvre (et ses ravages) sur la conscience d’un Djibo Ka condamné dès lors à perdre le sommeil.
La dureté et l’âpreté de la vie d’opposant aidant, le Président Macky Sall est conscient que Djibo Ka, suite à «la drague» présidentielle, sera très troublé. L’appât étant mirobolant, il faut à Djibo Ka beaucoup de force, un mental d’acier et des convictions profondes pour ne pas flancher.
La tentation de donner son consentement à l’offre du chef de l’Etat dans son opération de charme est si forte et alléchante que pour ne pas rendre les armes, Djibo Ka doit se blottir sous une carapace solide, se boucher les oreilles et les narines, et fermer les yeux sans tacher de les ouvrir tant que le «prétendant» qui le harcèle et le poursuit de ses assiduités ne se fera pas à l’idée qu’il a été éconduit à jamais.
C’est la seule échappatoire pour Djibo Ka, car le plan ourdi par Macky Sall a été bien mûri. En effet, le temps que Djibo Ka, minutieusement «travaillé au corps», soit suffisamment apprivoisé pour être plus réceptif, conciliant et perméable au discours d’enrôlement, de séduction ou de débauchage, et que «le terrain soit bien déblayé», le Président Macky Sall devrait alors passer à l’action finale en allant «rendre visite» à «son ami».
Aussi, la réaction à chaud du président de l’Union pour le renouveau démocratique (Urd), qui parle de «plaisanterie» de la part du chef de l’Etat, est-elle sans valeur. Tous les esprits avertis savent que le Président Macky Sall est très sérieux, nonobstant le ton taquin utilisé, lorsqu’il dit : «Je voudrais saluer le ministre d’Etat Djibo Ka qui est maintenant dans l’opposition. Dommage ! Mais bon, je viendrai quand même te voir parce que j’ai besoin de tes réflexions, de tes idées, pour faire avancer le Sénégal.»
Toutefois, la formule sibylline de Djibo Ka, qui dit après qu’il est «au service de la République», embaume l’atmosphère d’un parfum de déjà vu, quand il lui a fallu se justifier quant à son ralliement au gouvernement du Président Abdoulaye Wade.
C’est pourquoi un «oui» de Djibo Ka à l’invite de Macky Sall, faite lors de la cérémonie d’inauguration du nouveau siège de la Sonatel, n’étonnerait pas bon nombre de Sénégalais habitués aux «actes de traitrise» de ce vieux briscard.
Cela dit, il est important de préciser que ce n’est pas verser dans le nihilisme, le négativisme ou de manquer de patriotisme que de décliner la main tendue du chef de l’Etat. Si tout le monde se retrouve dans le camp du pouvoir, le pays sera sans opposition. Le meilleur moyen d’enterrer la démocratie.
Le Mali voisin l’a appris à ses dépens dans un passé récent. La démocratie a besoin, entre autres, d’un Etat de droit, d’institutions fortes, d’un pouvoir et d’un contre-pouvoir, d’organes de régulation et d’un Peuple averti et souverain. Hors de ce schéma, on tombe dans un unanimisme et une pensée unique, à terme très préjudiciables pour le jeu démocratique.
La ruée massive de ceux qui passaient pour des «Robin des bois»1, avec la cause du Peuple en bandoulière, et qui, depuis qu’ils ont goûté aux onctueux fromages et sucettes du pouvoir, ont rangé les armes et décidé de se taire et de se terrer, préférant ruminer tranquillement les dividendes alimentaires ingurgitées de par leurs sinécures. Le Président Macky Sall a distribué à tour de bras des strapontins qui ont eu l’effet magique de rendre muet, sourd et aveugle quant à la misère du Peuple qu’ils défendaient avec véhémence, d’anciens «preux chevaliers» autoproclamés «sentinelles de la République».
Le prétendu journaliste d’investigation, Abdou Latif Coulibaly, est passé ministre depuis la formation du gouvernement de Abdoul Mbaye II.
Abdou Aziz Diop, ancien porte-parole du M23, est promu au rang de Conseiller spécial à la présidence de la République.
Jacques Habib Sy de Transparency international est nommé Délégué général du 15ème sommet de la Francophonie.
Penda Mbow du Mouvement citoyen est nommée ministre conseillère à la présidence de la République, chargée de la Francophonie, en plus de son statut de dame de compagnie de la Première dame.
Alioune Tine de la Raddho s’est servi de sa nomination-récompense au poste de président du Comité sénégalais des droits de l’Homme comme d’un tremplin pour atterrir à la tête du Bureau régional de l’Ong Amnesty international pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
Ibrahima Sène du Parti de l’indépendance et du travail (Pit) a reçu comme «cadeau d’anniversaire» du Président Macky Sall le poste de président de la Société des mines de fer du Sénégal Oriental (Miferso).
La liste des anciens «défenseurs du Peuple», aujourd’hui rendus aphones et muets comme des carpes depuis qu’ils en ont eu plein la bouche, n’est évidemment pas close. Au grand dam des pauvres petits Sénégalais qui passent pour les dindons de la farce.
Mais bon sang !
Qu’est-ce qu’ils ont tous à aller faire acte d’allégeance au Président Macky Sall ?
Le Sénégal n’est pas dans un contexte d’un Etat en situation de guerre ou de sinistre qui nécessite «une union sacrée autour de l’essentiel», sous la forme d’un «gouvernement de majorité présidentielle élargie» ou d’un «gouvernement d’union nationale».
Pas plus que des raccourcis comme «l’entrisme» ne convainquent personne pour justifier ces arrangements entre politiciens sur le dos du Peuple. Conformément aux résultats des élections qui sont l’expression de la volonté populaire, le pouvoir doit gouverner et l’opposition s’opposer.
Une façon de respecter le sens du vote des électeurs qui ont choisi d’élire les uns et de renvoyer les autres dans l’opposition. On doit respecter ce choix du Peuple souverain. C’est cela qui va conférer une meilleure lisibilité et visibilité au jeu démocratique et à l’espace politique.
A contrario, toutes les tractations, manœuvres, tous les subterfuges et deals ou micmacs faits a posteriori pour changer la donne équivaudraient à travestir la physionomie des résultats des scrutins. Les élections terminées, chacun doit rester à sa place et tout le monde se mettre au travail.
La campagne électorale permanente et les actions de politique politicienne déroulées tout au long de l’année enfoncent davantage le pays dans le sous-développement, plus que les autres fléaux classiques souvent mis en cause. Admettons-le, il n’y a aucune indignité à être dans l’opposition.
Tout comme le pouvoir n’est la chasse gardée de personne. Que l’on n’ait jamais exercé le pouvoir et que l’on ambitionne de le faire, ou qu’on veuille revenir aux affaires après avoir quitté le pouvoir, on doit, pendant qu’on est encore dans l’opposition, être endurant, s’armer de courage et de patience, ronger son frein, éviter les pièges tendus et les peaux de bananes glissées sous ses pieds par le pouvoir, tout en travaillant à convaincre les populations pour emporter leur adhésion à travers un programme et un projet de société emballants.
Tout cela devrait résulter à une sanction positive de la part des électeurs, et aboutir donc à une (re)conquête démocratique du pouvoir. (A SUIVRE)