VIDEOTOURNANT DRAMATIQUE
DIRECT SENEPLUS, BURKINA - Le reste de l'armée entre en scène
La crise au Burkina Faso a pris lundi un tournant dramatique : des chefs de l'armée ont intimé aux putschistes de la garde présidentielle de "déposer les armes" alors que des unités de province convergeaient vers la capitale.
"Toutes les forces armées nationales convergent vers Ouagadougou dans le seul but de désarmer le Régiment de sécurité présidentielle (RSP - garde présidentielle) sans effusion de sang", indique un communiqué signé des "chefs de corps de l'armée nationale" burkinabè, sans préciser leurs noms.
"Nous leur demandons de déposer les armes et de se rendre au camp Sangoulé Lamizana (dans l'ouest de Ouagadougou), et eux et leurs familles seront sécurisés", ajoutent les chefs de corps.
L'armée était jusqu'à présent restée discrète depuis le coup d'Etat perpétré le 17 septembre par le RSP et son ancien chef, le général Gilbert Diendéré. Renversant le régime de transition mis en place en 2014 après la chute de Blaise Compaoré, le général Diendéré avait pris le pouvoir, tout en récusant être téléguidé par l'ex-président dont il était le bras droit.
Un projet de sortie de crise a été présenté dimanche par la médiation ouest-africaine, mais il suscite l'indignation de la société civile et d'une partie de la population, opposées aux propositions d'amnistie des putschistes et de participation de candidats du parti de Compaoré aux prochaines élections.
Une source de l'état-major a précisé à l'AFP que trois colonnes de l'armée burkinabè, loyales au régime de transition renversé par le putsch du 17 septembre, faisaient route vers Ouagadougou.
Ces trois colonnes proviennent de garnisons stationnées dans l'ouest du pays (Dédougou et Bobo Dioulasso), l'est (Kaya et Fada N'Gourma) et le nord (Ouahigouya), selon cette source.
Les rues de Ouagadougou se sont vidées brusquement lundi après-midi à l'annonce du communiqué de l'armée, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Des jeunes avaient érigé auparavant des barricades pour protester contre le projet d'accord de la médiation africaine, qualifié la veille de "honteux" par le collectif Balai Citoyen, en pointe dans le soulèvement populaire d'octobre 2014.
"C'est déjà la guerre"
Des habitants de Ouagadougou marquaient leur accord avec l'initiative de l'armée.
"C'est merveilleux, l'armée va venir nous aider. Si on a des armes, on va les aider. On n'a pas peur. Il faut que le RSP arrête de faire chier", déclarait Issouf Nikema, un artisan.
"C'est une bonne chose. On n'a pas peur de la guerre parce que c'est déjà la guerre", jugeait Adama Ouédraogo, gardien d'une boutique.
Dans un communiqué, l'ambassadeur de France au Burkina Faso a appelé les ressortissants français à "observer un confinement total à domicile dès maintenant" en raison d'"événements d'une gravité certaine" qui "risquent de se produire ce jour même".
Lundi en début d'après-midi, le général Diendéré rencontrait les chefs d'état-major de l'armée burkinabè. Rien n'avait filtré de cette réunion à 15H30 (locales et GMT).
Le RSP, dirigée par le général Diendéré jusqu'à la chute de Blaise Compaoré, a pris le pouvoir en accusant les autorités d'avoir dévoyé le régime de transition, notamment en excluant les partisans de l'ex-président des prochaines élections.
Le Burkina Faso, pays sahélien pauvre de 17 millions d'habitants, a connu depuis son indépendance en 1960 de nombreux coups d'État militaires. Le général Diendéré avait joué un rôle clé dans le putsch de 1987 qui avait porté au pouvoir Blaise Compaoré et s'était soldé par la mort du président Thomas Sankara.
Après 27 de règne, le régime Compaoré avait été balayé par une insurrection populaire fin octobre 2014, lorsque des centaines de milliers de manifestants avaient investi la capitale pour empêcher l'ex-président de changer la constitution pour se maintenir au pouvoir. Un régime de transition civile avait été institué.
Fruit de trois jours de médiation-marathon à Ouagadougou, le projet d'accord de sortie de crise des médiateurs ouest-africains proposait le maintien des élections législatives et présidentielle au Burkina, au plus tard le 22 novembre - au lieu de la date initiale du 11 octobre -, mais surtout la participation des candidats pro-Compaoré, invalidés ces derniers mois grâce à une loi votée par l'Assemblée intérimaire. C'était la principale revendication des auteurs du coup d'Etat militaire.
Selon un dernier bilan hospitalier samedi, les violences qui ont accompagné le coup d'Etat ont fait au moins 10 morts et 113 blessés.
L'ambassade des Etats-Unis a appelé via twitter "toutes les parties à ne pas recourir à l'usage de la violence", ajoutant : "Nous sommes actuellement en plein dialogue, donnez à vos responsables le temps dont ils ont besoin pour parvenir à une solution négociée".